Ils sont une quinzaine, assis dans le local de l’association de quartier de Tjärna Ängar, rebaptisé Little Mogadiscio, à Borlänge, petite ville industrielle au nord de Stockholm. Les jeunes écoutent studieusement Cia Embretsen, qui leur explique comment fonctionne PowerPoint. L’entraîneuse de patinage artistique, longue chevelure noire rehaussée d’un diadème scintillant, a concocté une présentation qu’ils n’auront plus qu’à suivre. Deux d’entre eux doivent participer à une conférence de l’ONU à Stockholm ; deux autres ont été invités à parler dans le sud de la Suède. Depuis leur retour de Khabarovsk en Russie, début mars, les sollicitations arrivent de partout. Car l’histoire de cette petite équipe somalienne, partie disputer le Mondial de bandy, ancêtre du hockey sur glace qui se joue à 11 sur les terrains de foot gelés, fait rêver.
Engoncé dans sa doudoune noire, casquette vissée sur la tête, Ahmed Mire, 18 ans, raconte. Le jeune lycéen, originaire de Somalie, est arrivé à Borlänge en 2009, avec sa mère et ses frères et sœurs. Leur père y avait trouvé refuge quelques années plus tôt. Ahmed se souvient du jour où des dirigeants du club de bandy local qui rêvent de mener un projet d’intégration avec les jeunes du quartier, pour la plupart réfugiés somaliens, débarquent, il y a deux ans : «Je jouais au foot avec des copains. Ils nous ont dit qu’ils voulaient créer une équipe de Somalie et qu’ils cherchaient des joueurs.» Intrigué, le garçon rentre chez lui. «J’avais vu des matchs à la télé. Sur Internet, j’ai lu que les règles étaient presque les mêmes qu’au foot.» Avec son frère aîné Mohammed, ils décident de s’inscrire.