La « une » de la revue Nature Reviews Immunology d’octobre annonçait un article signé d’un trio improbable : un philosophe, un physicien et un biologiste. « Notre article propose un double formalisme philosophique et mathématique pour des données expérimentales d’immunologie », explique Eric Vivier, directeur du Centre d’immunologie de Marseille-Luminy et dernier signataire de l’article. A la clé : une nouvelle théorie du fonctionnement du système immunitaire alternative à celle, aujourd’hui hégémonique, du « soi » et du « non-soi ».
Cette théorie, formulée dans les années 1940 par le virologue australien Frank Macfarlane Burnet (Prix Nobel de physiologie et de médecine en 1960), énonce que le système immunitaire protège l’organisme contre les agressions extérieures en distinguant au niveau moléculaire le soi (les cellules de l’organisme) du non-soi. Pourtant, ce socle théorique de l’immunologie moderne, que l’on trouve exposé dans tous les manuels de biologie, se fissure de toute part. Depuis une quinzaine d’années, les biologistes ont découvert plusieurs phénomènes qu’il est difficile d’expliquer dans ce cadre théorique.