Par Pascale Santi Publié le 01 mai 2024
Une étude a montré que le programme de formation des aidants Profamille a fait diminuer de moitié les passages à l’acte. Des résultats qui incitent à généraliser de telles approches.
C’est une évidence. S’occuper des proches de patients a un effet vertueux. Une étude vient de montrer qu’une intervention auprès des familles réduirait significativement le risque suicidaire des malades qui souffrent de schizophrénie. Cette maladie psychiatrique, dont les symptômes sont très variables – les plus impressionnants sont les délires et les hallucinations, mais les plus invalidants sont le retrait social et les difficultés cognitives –, touche environ 1 % de la population. « Une prise en charge adaptée, combinant traitements pharmacologique et psychosocial, permet d’obtenir une rémission durable chez un tiers des patients », souligne l’Inserm.
Cette nouvelle étude, publiée dans Frontiers of Psychiatry en avril, a porté sur 179 groupes d’aidants familiaux en France, soit 1 946 personnes au début du programme, un millier de personnes à la fin en raison des perdus de vue. La question « Est-ce que votre proche a fait une ou plusieurs tentatives de suicide durant les douze derniers mois ? » a été posée aux aidants juste avant de commencer le premier module et un an après. Les tentatives de suicide ont baissé de 7 % à 3 % dans les familles de personnes touchées par la schizophrénie qui suivaient le programme de psychoéducation Profamille.
Créée à la fin des années 1980 au Québec, cette approche cognitivo-comportementale comporte quatorze séances de quatre heures, chaque semaine ou deux fois par mois, et un module dit « de consolidation » de quatre séances sur deux ans. Le premier module de quatorze séances permet notamment aux aidants de mieux connaître la maladie, les traitements, d’améliorer leur relation avec le proche malade, de l’aider, de mieux gérer les émotions. Le second module vise à approfondir les apprentissages.
« Cette réduction du risque suicidaire a été également observée chez ceux qui ne prennent pas ou peu le traitement », souligne le psychiatre Yann Hodé, président de l’Association francophone de psychoéducation des familles Profamille, qui a coordonné l’étude.
Prévenir les rechutes
Comment expliquer ces résultats ? « Le niveau d’émotions exprimées par les familles figure parmi les facteurs qui contribuent au surrisque suicidaire », poursuit-il. Autrement dit, « plus elles sont déprimées et fatiguées, moins elles arrivent à aider le malade, et moins elles apprennent du programme ».
« Avec les améliorations récentes du programme, on pense qu’on pourrait à terme supprimer le surrisque suicidaire dans la schizophrénie », observe Yann Hodé. Un enjeu majeur tant sur le plan humain que sur celui de la santé publique. La maladie cause beaucoup de souffrances. Environ la moitié des patients font au moins une tentative de suicide au cours de leur vie. Ainsi, « ne pas proposer la psychoéducation familiale dans la schizophrénie et les troubles associés peut représenter une perte de chance pour les patients », conclut l’étude.
Une précédente étude pilotée par Yann Hodé, réalisée auprès de treize groupes de familles de malades suivies en Alsace de 2017 à 2023 par Profamille, a montré que le nombre de jours d’hospitalisation a été divisé par quatre.
Plus largement, une méta-analyse publiée dans la revue The Lancet en 2022 a conclu que « presque tous les modèles d’intervention familiale ont été efficaces pour prévenir les rechutes dans la schizophrénie ». « Des études ont montré l’intérêt de travailler avec les aidants pour diminuer le risque d’hospitalisation, réduire la dépression des aidants..., et confirment l’intérêt d’agir le plus précocement possible », expliquent Sylvie Magaud et Camille Collinet, infirmières à l’unité des aidants du pôle Centre rive gauche du Centre hospitalier Le Vinatier (Lyon) dirigé par Nicolas Franck. Elles ont recours, entre autres, à BREF, un programme de trois séances et un appel téléphonique à trois mois. Créé en collaboration avec l’Union nationale des familles et amis de personnes malades et/ou handicapées psychiques (Unafam), BREF est aussi déployé sur tout le territoire.
« Les recommandations internationales récentes stipulent que les interventions de psychoéducation à destination des aidants sont des soins efficaces et devraient être proposées précocement et systématiquement à tous les aidants en psychiatrie », indiquait le psychiatre Romain Rey, porteur de ce projet au Centre hospitalier Le Vinatier, lors du Congrès de l’encéphale de janvier 2020. « La littérature rapporte d’ailleurs qu’en termes de prévention de la rechute, la psychoéducation familiale est l’intervention la plus efficace après les traitements médicamenteux », poursuit Romain Rey.
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