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lundi 22 juillet 2019

…quel est l’objet de la psychiatrie ?

pratiques


N°84 - janvier 2019

        1. Où va la psychiatrie ? Soit. Mais d’abord, c’est quoi, la psychiatrie ? Il faut bien commencer par s’entendre sur ce dont on parle.
          Ou, dit autrement…
          …quel est l’objet de la psychiatrie ?
Quand j’ai commencé à travailler en psychiatrie, le 1er avril 1975, successivement dans trois secteurs de psychiatrie générale gérés par un hôpital général, les deux premiers de grande banlieue parisienne, le troisième de moyenne banlieue parisienne, les patients étaient plus souvent adressés qu’ils ne s’adressaient, et présentaient, dans un ordre quantitativement décroissant, pathologies psychotiques, névrotiques dans un contexte social défavorisé, troubles de la personnalité sévères, troubles du comportement liés à l’usage de substances toxiques (addictions) et/ou bousculant l’ordre social (psychopathies ; au passage, on n’entend plus guère parler de ce diagnostic, ce serait intéressant de revenir là-dessus). Il y avait moins de psychiatres dans les hôpitaux et en libéral – d’autant moins à mesure que l’on s’éloignait des villes universitaires, ça, ça n’a pas beaucoup changé –, et moins de cliniques privées, qu’aujourd’hui. Devenu praticien hospitalier, j’ai émigré dans le territoire le moins peuplé de France – où ont vécu la Bête, dans le Nord, et les camisards, dans le Sud –, avec deux brèves oscillations dans un département pyrénéen et « oriental », pour finir dans le Quercy. Mais malgré l’éloignement de la ville, et après tout peut-être du fait de celui-ci peu propice à l’augmentation du nombre des praticiens hospitaliers, des libéraux et des cliniques (exception faite pour ces deux dernières catégories du département méditerranéen, dont l’héliotropisme ne parvenait toutefois pas à compenser le faible niveau de revenus de la population), la file active (le nombre de patients suivis) augmentait continûment, et la palette des pathologies s’élargissait des états dépressifs névrotiques, et surtout des « souffrances psychosociales », voire des affaires se résumant à une plainte atypique ou à l’impossibilité pour les médecins somaticiens de la penser.
Même si mon orientation, enfin celle qu’on m’avait apprise, était de considérer que le travail du psychiatre est de proposer des soins aux fous, et, psychiatre public, aux plus damnés d’entre eux – par la misère, le sort, la malédiction, les sorts –, c’est-à-dire les malades mentaux, force m’a été faite ensuite de considérer d’autres souffrances, plus raisonnables qu’insensées, voire plus sociales que mentales, chez ces personnes qui prenaient rendez-vous au centre médico-psychologique ou m’étaient présentées aux urgences. Alors, comme le secteur psychiatrique se rapprochait de la population, la « santé mentale » s’imposait, la nosographie psychiatrique se modifiait, les troubles ont pris le dessus sur les maladies. Maladie et/ou trouble, mental ? Qu’on pourrait aussi formuler : maladie mentale et/ou trouble psychique ?
Mais c’est quoi, ces maladies mentales ? Quel organe en est atteint ? Le cerveau ? Ou l’intestin ? Voire maintenant les chromosomes ? À moins qu’il ne s’agisse d’une intoxication au chlore (ou à n’importe quel autre produit, il n’en manque pas) ? Bon, celui qui voit des entités le menacer, ou qui entend des voix malfaisantes, c’est peut-être le cerveau – celui-ci est bien sûr impliqué dans la perception –, mais n’est-il pas un peu court de limiter la production d’une interprétation, c’est-à-dire une pensée du monde, de ce qui survient, et par exemple d’une perception, à des réactions chimiques ? Et celui qui pense qu’on veut sa peau, ou celui qui est triste et veut mourir ? Les idées, les sentiments, c’est génétique ? Bien entendu, puisque c’est un être qui les produit, et un être, c’est construit à partir des chromosomes. Mais ce que produit un homme n’est pas déterminé par ses gènes.

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