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lundi 22 juillet 2019

Le pédopsychiatre, un apprenti sorcier ?

Publié le 19/07/2019



Depuis une dizaine d’années, les prescriptions de neuroleptiques en pédopsychiatrie ont « largement augmenté » dans plusieurs pays, et notamment pour « d’autres indications que les troubles schizophréniques », domaine initial des anti-psychotiques. Dans ce contexte où une étude confirme que les psychotropes constituent « la classe de médicaments la plus prescrite en pratique pédiatrique en Australie », des auteurs des universités d’Adélaïde et de Brisbane (Australie) s’inquiètent de cette banalisation, d’autant plus que des travaux de psychiatrie adulte et des recherches sur des « animaux juvéniles » (rats et singes) montrent que la prise d’anti-psychotiques peut être associée à une atrophie cérébrale. Par exemple, après 17 à 27 mois d’exposition à un neuroleptique de première ou de seconde génération, des macaques subissent une « perte significative de leur masse cérébrale » : environ -10 %, comparativement à des congénères sous placebo. Si « toutes les régions principales du cerveau » peuvent être affectées par cette réduction, « les changements les plus significatifs sont observés dans les lobes frontaux et pariétaux.»

On sait par ailleurs que la schizophrénie s’accompagne d’une « perte progressive du volume cérébral », ce qui renforce d’ailleurs « l’hypothèse que cette psychose s’apparenterait à une maladie neurodégénérative. » Dans le cas précis de la schizophrénie, il est donc difficile de départager les causes possibles de la perte de masse cérébrale : relève-t-elle d’un effet indésirable du traitement antipsychotique, ou de l’évolution spontanée de la maladie mentale ? Mais comme l’augmentation des prescriptions de neuroleptiques concerne surtout d’autres indications que la schizophrénie (troubles du comportement, troubles du spectre autistique, troubles oppositionnels, troubles déficitaires de l’attention avec hyperactivité...), et notamment des sujets jeunes avec un cerveau encore en développement, le rapprochement avec les effets expérimentaux des neuroleptiques sur le cerveau d’animaux juvéniles inquiète les auteurs : l’enjeu (traiter des troubles non psychotiques) vaut-il bien de prendre le risque d’effets indésirables, comme une réduction éventuelle de la masse cérébrale ? En d’autres termes, le pédopsychiatre se rapproche-t-il parfois d’un apprenti sorcier ?     

Dr Alain Cohen
RÉFÉRENCE
Bastiampillai T et coll.: Can antipsychotic medication administered for paediatric emotional and behavioural disorders lead to brain atrophy? Aust N Z J Psychiatry, 2019 ; 53(6): 499–500.

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