VOISIN/PHANIE
On attendait Olivier Véran, animateur du staff santé de Macron pendant la campagne, ou Arnaud Robinet, maire LR de Reims… À la surprise générale, c'est finalement Agnès Buzyn qui devient la nouvelle ministre de la Santé. La désormais ex-présidente de la Haute autorité de santé (HAS) répondait de fait parfaitement aux critères de sélection du nouveau président : femme, issue de la société civile et médecin. L'heureuse élue est plus une scientifique qu'une politique. À 54 ans, elle succède à Marisol Touraine avenue de Ségur, poursuivant son ascension fulgurante de ces dernières années. La passation de pouvoir entre les deux femmes a lieu en fin d'après-midi mercredi.
Ce professeur des universités en hématologie et immunologie avait accédé à la présidence de l’Institut national du cancer (INCa) en 2011, prenant la suite du Pr Dominique Maraninchi, parti alors pour l'agence du médicament. C'est elle qui a mis en œuvre à ce poste le 3e plan Cancer. En mars 2016, François Hollande l'avait désignée à la tête de la Haute autorité de santé : il s'agissait alors de prendre la suite du professeur Jean-Luc Harousseau qui avait mis un terme prématuré à son mandat. Agnès Buzyn a été renouvelée à ce poste il a quelques semaines pour un mandat qui devait durer six ans…
Avant d'entamer une carrière à la tête des agences sanitaires, Agnès Buzyn a mené aussi une riche carrière hospitalière. Elle fut en effet responsable à partir de 1992 de l'unité de soins intensifs d’hématologie et de greffe de moelle à l'hôpital Necker-Enfants malades. Elle fut également membre de l'Inserm au Centre de recherche de l'hôpital Georges Pompidou/université Paris V (unité d'immunothérapie et traitement anti-angiogénique en cancérologie) et présidente du conseil scientifique de la Société française de greffe de moelle et de thérapie cellulaire.
Une ascension fulgurante
En tant que présidente de l'INCa, cette femme de science a œuvré à la mise en place du 3e Plan cancer, qui comportait notamment un volet important sur le droit à l'oubli. Ce dernier point fait d'ailleurs partie du programme santé d'Emmanuel Macron, celui-ci souhaitant abaisser ce droit à 5 ans. Le premier bilan de ce plan cancer avait mis en avant le travail effectué sur les dépistages, en particulier celui du cancer du col de l'utérus. L'accélération des politiques de prévention, notamment en matière de lutte anti-tabac avait aussi été remarquée. Dès lors, Agnès Buzyn s'était distinguée aux yeux de l'ancien président François Hollande, qui la propulse à la HAS un an plus tard. S'il est un peu tôt pour faire un bilan de cette courte période à la HAS, les recos sous l'ère Buzyn sur la tension artérielle ou encore les dyslipidémies étaient très axées sur la médecine générale. Elle était d'ailleurs une habituée des Congrès de la médecine générale. Et avait insisté sur la prirorité donnée à la médecine générale dans une interview donnée au Généraliste à la rentrée 2016.
Les syndicats mi-séduits, mi-inquiets
Sa solide expérience scientifique et son implication pourraient donc séduire les médecins, même si les représentants de syndicats, surpris, restent prudents. "Nous n'avons pas d'a priori, juste peur de repartir sur la même base que les cinq dernières années, très hospitalo-centrées", prévient le président du SML Philippe Vermesch. Une volonté d'accent mis sur la médecine libérale que souhaite également le président de la FMF Jean-Paul Hamon : "Sa priorité devra être celle de la désertification médicale et l'attractivité de la médecine libérale". Et d'ajouter sur son parcours : "Au moins, c'est un médecin avec un CV qui parle pour elle. Nous espérons la rencontrer au plus vite pour lui exposer notre programme".
L'UFML, dans une lettre ouverte à la nouvelle ministre, rappelle le poids qui pèse désormais sur les épaules de la présidente de la HAS, évoquant "le lien de confiance rompu entre les professions de santé et leur ministre de tutelle" Elle devra "réparer les erreurs du passé", ajoute Jérôme Marty en référence au quinquennat Touraine. "Des années pénibles et dogmatiques", ajoute même Luc Duquesnel, président des Généralistes-CSMF. Sa maison mère s'est fendue d'un communiqué plutôt frais, la CSMF se disant "inquiète et sceptique" compte-tenu du profil hospitalo-universitaire de la promue et qualifiant même cette nomination de "mauvais signal pour la médecine libérale."
A l'inverse, le président de MG France, Claude Leicher salue pour sa part "sa connaissance des dossiers aussi bien sur les soins que sur le plan organisationnel" et le fait qu'elle ait mis "les soins primaires au programme de la HAS". Une analyse que partage aussi le Dr Claude Pigement, vice président de l'Agence du médicament qui trouve "ce choix judicieux, car c'est un médecin et elle a une expérience avec les usagers. Et c'est une personnalité rassembleuse, car elle n'était pas dans les conflits de la loi santé."
Dans un entretien paru dans nos colonnes après sa nomination à la HAS, Agnès Buzyn soulignait aussi son souhait de redonner à la médecine générale son rôle central : "C’est pour moi un axe stratégique et je souhaite le développer. Nous sommes en train de poser les jalons de notre futur projet stratégique puisque le projet actuel s’arrête en 2016. La médecine générale y jouera un rôle central, annonçait-elle alors.
La nomination de la nouvelle ministre de la santé intervient alors qu'une nouvelle secrétaire d'Etat chargée des Personnes handicapées a été nommée. Sophie Cluzel, mère d'une jeune trisomique et cheville ouvrière de la Fédération nationale des associations au service des élèves présentant une situation de handicap, sera rattachée directement au Premier ministre. Ce qui augure, peut-être, d'une vraie priorité concernant les handicapés.
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