Voilà une étude* qui va peut-être clore le débat entre majorité et opposition sur les délais de carence des I J… Ou peut-être le relancer, tant il est vrai que ses conclusions penchent plutôt en faveur de la première. Ces derniers mois, on a assisté à une vive polémique sur le sujet, la droite instaurant, sous Sarkozy, un délai de carence pour les fonctionnaires qui n’en avaient pas. La gauche détricotant ensuite cette réforme, sous Hollande… La première mettait en avant un principe d’égalité entre salariés du privé et du public, mais aussi un principe de responsabilité des salariés. A l’inverse, la gauche observait que, de toute manière les deux tiers des salariés du privé voyaient déjà eux aussi leurs trois premiers jours d’arrêts de travail pris en charge dans les grandes entreprises…
Sur le sujet, la Drees vient donc de trancher, en travaillant sur ces deux catégories de salariés du privé : les deux tiers de chanceux, couverts pendant leurs trois premiers jours d’IJ et le tiers restant qui y est de sa poche. La conclusion du service recherche et statistique du ministère de la Santé est sans ambiguité : non seulement, le délai de carence ne favorise pas l’arrêt maladie, mais il semble même qu’on soit moins longtemps en congé maladie quand on est bien couvert. En fait, « les taux de recours sont quasiment équivalents pour les salariés couverts durant le délai de carence », observe, d’abord l’étude, qui constate 29,2% d’arrêts de travail pour les personnels couverts contre 28,7% pour ceux qui ne le sont pas. En revanche, le statut de protection sociale joue sur la durée. Et pas dans le sens qu’on aurait imaginé : en moyenne, deux jours de moins par an pour les mieux pris en charge. Différence encore plus conséquente parmi les salariés qui ont eu au moins un arrêt dans l’année : 7 jours.
La Drees n’émet que des hypothèses pour justifier ces différences a priori surprenantes. L’auteur de l’étude se demande en particulier si le niveau de couverture n’influence pas le comportement des salariés, dans un sens un peu inattendu. « Leurs arrêts longs pourraient être dus à une incitation à rentabiliser leurs arrêts en les prolongeant », évoquent d’abord les chercheurs. Avant d’avancer une deuxième explication potentielle qui devrait plaire aux syndicalistes et qui expliquerait les I J plus fréquentes des moins bien couverts par « une détérioration de leur santé du fait d’une incitation au présentéisme. » En sens inverse, Catherine Pollak qui signe cette étude soulève aussi une autre hypothèse : « le fait que les salariés dont l’employeur prend en charge le délai de carence appartiennent à des catégories sociales plus favorisées et bénéficient en moyenne de meilleures conditions de travail que les salariés non couverts. » Mais au total, elle se montre formelle : « le délai de carence ne semble pas constituer en soi un outil de régulation des arrêts maladie. »
*"L’effet du délai de carence sur le recours aux arrêts maladie des salariés du secteur privé. Drees : "Dossiers solidarité et santé" n°58 - Janvier 2015
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire