CHRONIQUE «AUX PETITS SOINS»
L’hôpital, tel qu’il est. Chaleureux et inquiétant. Aléatoire et solitaire. Avec ces longs couloirs souterrains où déambulent les wagons de déchets. Avec ces bips, ces salles de garde d’un autre temps, et ce drôle de mélange entre jeunes internes, infirmières qui tiennent la boutique, et médecins à diplôme étranger qui la font tourner, sous le regard élégant d’un chef de service qui a bien d’autres soucis. Le film Hippocrate de Thomas Lilti est, de ce point de vue, une jolie réussite. Est-ce bon signe ? En tout cas, étudiants en médecine ou professionnels de santé, ils vont tous, ou presque, voir ce film. Et, manifestement, se retrouvent dans les mésaventures d’un jeune interne qui arrive dans un service hospitalier, pour y faire «son premier semestre».
Certes - comme l’avait noté la critique dans Libération à sa sortie - le film n’est pas un chef-d’œuvre, mais il y a quelque chose qui sonne juste dans la représentation de la situation hospitalière d’aujourd’hui.
«Quand le chef de service dit à son nouvel interne, en l’accueillant, que le problème de son unité, c’est qu’il y a beaucoup de personnes âgées hospitalisées, on sait que c’est vrai, raconte Claire Compagnon qui vient de terminer un rapport sur la place des usagers dans les hôpitaux. J’ai entendu mille fois ce reproche. C’est comme une tare de service d’avoir des vieux dans son unité.» Pour Claire Compagnon, représentante des usagers à l’hôpital Pompidou, le film pointe aussi avec justesse les problèmes de formation : «On lâche des jeunes étudiants à l’hôpital, sans formation, et ils sont bien seuls, à eux de se débrouiller… Vous n’imaginez pas le nombre de plaintes que l’on reçoit sur des attitudes d’internes qui n’ont rien compris à la situation, et qui se révèlent si balourds…»«J’ai trouvé cela juste, renchérit Léa, 29 ans, infirmière. Les problèmes de hiérarchie, de solitude, c’est vraiment cela. Il ne suffit pas d’avoir raison, encore faut-il qu’on vous écoute.»
«En même temps, poursuit Claire Compagnon, on voit bien aussi le problème de l’arbitraire.» Et elle cite l’histoire de cette vieille dame, en bout de vie, qui ne veut qu’une seule chose : ne plus souffrir et s’en aller doucement. «Dans le film, l’équipe médicale va la soigner de façon agressive pour qu’elle quitte au plus vite l’hôpital et qu’un lit soit libéré. C’est ce qui se passe souvent : le choix médical est fait d’abord pour le bien du service, plus que pour le bien du patient.»
Reste cette bonne idée : avoir pointé la situation des FFI, ces «faisant fonction d’interne». Voilà des postes, pour la plupart, occupés par des médecins à diplôme étranger. Faute de pouvoir exercer pleinement leur rôle, ils ne trouvent que ce statut. Ils travaillent avec des salaires inférieurs aux autres internes. Une aubaine pour les directeurs d’hôpitaux. Et pas toujours pour les patients, sauf dans Hippocrate.
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