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vendredi 11 juillet 2014

Séjours en maternité écourtés, une tendance européenne

Le Monde.fr | Par 
L'Assurance-maladie a proposé le 26 juin de passer un jour de moins à l'hôpital après un accouchement, dans le cadre d'un vaste plan d'économies qui doit rapporter 280 millions d'euros par an.
Réduire la durée des séjours en maternité : c'est l'une des pistes proposées par l'Assurance-maladie dans un rapport remis à son conseil d'administration le 26 juin. Double objectif : « améliorer la qualité des soins et en réduire les coûts ».
Cette branche de la Sécurité sociale a déblayé quelques pistes, avant le débat parlementaire, dans le cadre du plan d'économies annoncé par la ministre de la santé Marisol Touraine. 
A propos des séjours en maternité, « la diminution de leur durée est une évolution observée dans la plupart des pays de l'Union européenne », constate Carine Milcent, chercheuse en économie de la santé à la Paris School of Economics. Explications.

« Plus le séjour est court, plus l'établissement est gagnant »

Le changement du mode de financement des hôpitaux, aussi bien publics que privés, a largement contribué à la réduction des séjours en maternité. En Europe (voir carte ci-dessous), ceux-ci varient d'un jour et demi (Turquie, Suède) à un peu plus de cinq jours (Hongrie). La France se situe au-dessus de la normale de trois jours des pays de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). Aujourd'hui, en France, une femme est hospitalisée en moyenne 4,2 jours après avoir accouché.

« Plus le séjour est court, plus les frais avancés sont réduits, plus l'établissement est gagnant », explique Clément Nestrigue, chercheur à l'Institut de recherche et documentation en économie de la santé (Irdes).
En effet, en France, pour un même type d'hospitalisation, un accouchement par exemple, tous les hôpitaux publics perçoivent le même forfait. Autrement dit, plus un établissement accueille de futures mères, plus il engrange de crédits.

Pourquoi opter pour ce mode de financement ?

La tarification à l'activité – ou T2A, comme on l'appelle dans le jargon médical français – est rediscutée chaque année avec le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS). Inspirée du modèle américain, sa mise en place en 2007 visait à contrôler les dépenses des hôpitaux « parfois pas assez regardants vis-à-vis de leurs finances », détaille Mme Milcent.
Bref, la T2A est une carotte pour « améliorer l'efficience des hôpitaux », adoptée par presque tous les pays de l'OCDE.« Avant, les hôpitaux étaient des centres de soins ET des centres de repos ; cette tarification permet de les transformer en centres de soins uniquement », rapporte le chercheur de la Paris School of Economics.

Existe-t-il une limitation de la durée d'un séjour ?

Les établissements peuvent-ils renvoyer ces futures mères chez elles dès qu'ils le souhaitent pour mieux équilibrer leurs comptes ? S'il est rentable pour un hôpital de ne pas éterniser les séjours, un passage en maternité trop bref pourrait lui annuler son forfait. Pour un accouchement sans complication, le seuil minimum en France est de trois jours. Un seuil qui n'est pas obligatoire, mais que les établissements ont intérêt à respecter.
A l'opposé, aucune réglementation officielle n'existe sur la durée maximum d'un séjour en maternité. « C'est l'équipe médicale qui autorise la mère et son enfant à sortir en fonction de leur état de santé », explique au Monde la Haute autorité de santé (HAS).
En réalité, la fin de l'hospitalisation dépend de multiples facteurs : la tarification T2A, mais aussi  la durée de la prise en charge par l'Assurance maladie, le nombre de naissances et les ressources dont disposent les hôpitaux et cliniques.
Une sage-femme procède à un examen de suivi de grossesse, à la maternité de Caen.

Les autres raisons qui éboutent la durée des séjours en maternité en France

  • Moins de lits pour autant de bébés
Le nombre de maternités implantées en France diminue depuis les années 1980, d'après le ministère de la santé. Un décret de 1998 avait accéléré la concentration des soins au profit des grandes structures (avec au moins trois cents accouchements par an) et aux dépens des plus petites.
En 1975, la France comptait 1 370 maternités. En 2010, 535 établissements disposaient d'un tel service, soit une baisse d'un peu plus de 20 % en moins de dix ans.
Le ministère soutient qu'il s'agit d'un saut qualitatif : « un réseau moins dense, mais d'un meilleur niveau d'équipement ». Sont privilégiées, conservées ou construites les maternités qui peuvent accompagner leurs patientes tout au long de leur grossesse et après. Reste que cette évolution a provoqué une diminution du nombre de lits par accouchement, toujours d'après le ministère.
Le nombre de naissances des années 2000 est sensiblement plus grand que celui de la décennie précédente, d'après l'Insee. Moins de structures pour plus de bébés : le manque de moyens impose de lui-même la réduction de la durée des séjours pour continuer de subvenir aux besoins des futures mères. Dans son rapport, l'Assurance-maladie justifie elle-même qu'il existe un potentiel de « réduction significative de la durée moyenne de séjour et corrélativement du nombre de lits de maternité ».
  • Vers un suivi à domicile plus tôt et moins cher
Les frais d'accouchement et leur prise en charge varient selon la nature de l'établissement : s'il est conventionné ou non par l'Assurance-maladie. Dans la majorité des cas, les frais d'accouchement et de séjour sont pris en charge à 100 % et remboursés jusqu'au douzième jour après l'accouchement.
Dans son rapport, l'Assurance-maladie justifie la diminution du nombre de lits en maternité et le raccourcissement de la durée de séjour par la généralisation d'un programme d'accompagnement du retour à domicile (Prado). Le service est pris en charge à 100 %, lui aussi, jusqu'au douzième jour après la naissance, « dans la limite des tarifs de remboursement de l'Assurance-maladie ».
Ce dispositif lancé en 2010 permet aux mères de bénéficier d'un accompagnement à domicile à leur sortie de la maternité. Le suivi post-natal est réalisé par une sage-femme libérale et réservé aux femmes majeures.
Depuis 2011, seuls cinq établissements ont adhéré au Prado : 210 000 femmes devraient en bénéficier pour 2014, d'après l'Assurance-maladie, alors que le nombre de naissances tourne autour de 800 000. L'Assurance-maladie soutient pourtant que « la mise en place de ce suivi organisé permet d'accompagner dans de bonnes conditions la réduction des durées de séjour ».
  • Des disparités de prise en charge importantes, selon la Haute autorité de santé
Organisme indépendant chargé en partie de la régulation du système de santé, la HAS pointe du doigt les aléas du système français. Selon elle, il existe « des disparités importantes de prise en charge des femmes en post-partum [après l'accouchement], tant en matière de durée de séjour que d'offre de suivi médical à la sortie » de la maternité, dans un rapport d'évaluation de mars 2014.
C'est le ministère de la santé qui décide du niveau de prise en charge des médicaments, des actes et des soins. La HAS préconise une durée de séjour de trois jours pour les femmes en bonne santé physique et psychique, ainsi qu'un meilleur accompagnement à la sortie.

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