Au téléphone, Alexandra Germain crie presque de joie : « Le stage devrait avoir lieu ! » La jeune femme de 28 ans est la cheville ouvrière, à Mayenne, de Bébé sans fil, une association qui veut faire connaître un trouble infantile rare : la dépendance à l'alimentation artificielle par sonde. Elle touche des enfants qui, à un moment donné incapables de s'alimenter par la bouche, se sont vu poser une sonde et ne peuvent plus s'en passer. Surtout, Bébé sans fil organise du 28 avril au 9 mai un stage de sevrage en Mayenne avec une équipe autrichienne spécialisée, Notube, qui a pour objectif de traiter quinze enfants de 1 à 16 ans.
Mais, depuis le 11 avril, familles et organisateurs étaient suspendus à une possible annulation. Ce jour-là, le directeur du Centre hospitalier du nord-Mayenne, Frédérick Marie, reçoit un courrier de l'Agence régionale de santé (ARS) des Pays de la Loire, lui demandant de ne pas accueillir Notube dans son établissement. Principal motif : les thérapeutes autrichiens, Marguerite Dunitz-Scheer et Peter Scheer, ne sont pas inscrits à l'ordre des médecins français. « Les faits pourraient être constitutifs d'un exercice illégal de la médecine », prévient l'ARS.
« TECHNIQUE INNOVANTE »
Un feu vert de l'ordre des médecins devrait lever cet obstacle. Mais pour expliquer les interrogations initiales de l'ARS, François Grimonprez, son directeur adjoint, évoque aussi une « technique innovante et a priori peu pratiquée en France ». Notube est une équipe d'une dizaine de personnes de la clinique universitaire pour enfants de Graz, dans le sud-est de l'Autriche. Elle se félicite d'avoir sevré depuis vingt ans environ 1 600 patients, pour la plupart âgés de moins de 3 ans.
Le traitement, individualisé, consiste à diminuer l'alimentation par sonde, afin de permettre au patient de ressentir la faim, puis à familiariser les enfants avec la nourriture pour les inciter à s'alimenter par la bouche. Notube propose une thérapie en ambulatoire qui coûte 8 500 euros (de 14 000 à 16 000 euros en séjour hospitalier). Des parents français ont créé des associations pour financer le séjour de trois semaines en Autriche ou la participation au stage français. Des mutuelles et des caisses primaires d'assurance-maladie ont validé ces soins à l'étranger. Et la Maison des personnes handicapées du Lot a décidé de payer le traitement d'une petite fille inscrite au stage mayennais.
MOYENS « TRÈS ADAPTÉS »
Faut-il voir dans la popularité croissante de Notube le signe d'une carence dans la prise en charge en France ? Pas si simple. Les soins prodigués par Notube « n'ont rien de révolutionnaire par rapport à ce qu'on fait habituellement », selon Patrick Tounian, le chef du service de nutrition et de gastro-entérologie pédiatrique de l'hôpital Trousseau, à Paris. Il explique les réussites de l'équipe autrichienne par un surcroît d'« empathie » :« Il faut écouter les parents, y passer du temps, donner de petits conseils qui rassurent… On le fait peut-être mal, ou pas assez, et les Autrichiens y parviennent. »
Véronique Abadie, la chef du service de pédiatrie générale de l'hôpital Necker, à Paris, a assisté au premier stage de Notube à Mayenne, en 2013. Elle reconnaît un « ensemble d'éléments de prise en charge de qualité », mais juge, elle aussi, que « ce n'est pas la méthode, mais les moyens qui sont très adaptés ». Néanmoins, nuance-t-elle, « la stratégie peut manquer d'encadrement par un somaticien qui connaît l'enfant et son histoire ».
Les parents exténués par des parcours de santé très lourds, eux, disent leur lassitude de la sonde branchée « six heures par jour »,des consultations en série. Certains de leurs médecins ont approuvé leur recours à Notube, d'autres non. Eux n'ont qu'une préoccupation : que leur enfant soit soigné, et ils sont prêts pour cela, comme le constate le professeur Tounian, à « faire le tour du monde ».
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