CHRONIQUE «AUX PETITS SOINS»
On pourrait dire qu’il n’y a pas mort d’homme. Que ce n’est pas grand-chose. Juste une petite glissade. Celle d’un médecin chercheur qui devient un peu plus chercheur que médecin. Cela pointe, en tout cas, les limites du consentement éclairé en médecine. C’est l’histoire d’une jeune femme, à qui on diagnostique une petite tumeur au cerveau. A priori, rien de grave, «à surveiller simplement», avec un traitement contre l’épilepsie. Elle vit dans le Sud de la France, où elle est suivie dans un grand CHU. C’était, il y a dix ans. Au fil des mois, puis au fil des ans, il ne se passe… rien. Rien ne bouge, ni n’évolue. Une bonne nouvelle pour la patiente, mais un fait intrigant pour la neurologue qui la suit. «Au départ, nous raconte la patiente, cela a dérouté les médecins, d’autant que j’avais des symptômes de fourmillement du même côté que la tumeur, alors que d’ordinaire c’est le côté opposé. Les neurologues étaient dubitatifs, ils se demandaient quel type de tumeur je pouvais avoir.» Mais le temps passe et la jeune femme se rassure. Les médecins arrêtent même les traitements anti-épileptiques.«Je commençais à vivre sans plus trop y penser.»
Que s’est-il passé ? Rien. Si ce n’est que, semble-t-il, cette non-évolution continue de dérouter les médecins, scientifiquement du moins, d’autant que la patiente a été suivie par une équipe très sensiblisée à la recherche. Il y a un an, lors d’une visite de routine, l’attitude des médecins change.«Je n’ai pas bien compris, on me faisait des IRM, rien ne changeait. Et voilà qu’ils me disent qu’il faut m’opérer. Car "on ne sait jamais", m’ont-ils dit. Je leur ai demandé : mais pourquoi donc maintenant ?» L’air de rien, les médecins évoluent dans leurs arguments. «On me dit alors : "Vous n’avez pas grand-chose, mais après, on ne pourra rien faire."»Bizarre… La suggestion de l’opération devient plus insistante, voire même agressive. «Le médecin me recontacte pour m’en reparler. Je ne comprenais plus rien, j’étais dans le brouillard», avoue-t-elle. Nouvelle IRM. L’interne, qui fait l’examen, lui dit alors : «Tout va bien, cela ne bouge pas.» La neurologue, peu après, insiste pourtant. «J’étais assommée, complètement, poursuit la jeune femme. On me donne alors plein de rendez-vous, avec des tas de spécialistes. Je ne comprends pas, je leur dis que non, que je ne veux pas. On me sort comme argument que certains patients trouvent que cela peut être une expérience spectaculaire.» Ah bon…
On l’envoie voir un psychologue, avec qui le contact se passe bien. «Puis je vois une orthophoniste qui trouve que tout va bien, mais elle me parle de rééducation après l’opération. Bizarre !» De nouveau, consultation avec la neurologue. La patiente lui dit, cette fois-là ouvertement : «Je ne veux pas être un cobaye.» La médecin le prend mal et insiste. «Votre cas est rare, il intéresse le neurochirurgien et vous serez convoqué», lui assène-t-elle. Quelques jours plus tard, après cette forte altercation, la médecin recule. Et lui dit que, tout compte fait, «un simple suivi semble être indiqué». C’est tout. Mais c’est trop. «Maintenant, j’ai coupé les ponts, je vais être suivie ailleurs. Mais ils m’ont rendue malade. Psychologiquement, j’ai pris un coup sur la tête.»
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