Pas besoin de glisser votre diplôme au fond de votre sac de plage, cet été. Le niveau d'études auquel vous venez de vous hisser n'est jamais aussi évident que lorsque vous vous prélassez au bord d'une piscine... Pas besoin non plus d'étaler votre science en même temps que la crème solaire, en vous forçant à une discussion sur la dernière "une" de Nature, ou le dernier bouquin de votre directeur de thèse... Votre ligne est votre meilleur curriculum vitae.
C'est la conclusion à laquelle arrive l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) après avoir établi que globalement, dans les 24 pays qu'elle scrute pour son enquête "Regards sur l'éducation", les diplômés de l'enseignement supérieur sont deux fois moins souvent obèses que ceux sans diplômes.
Reprenons ! Quelque 19 % des adultes des pays de l'OCDE sont obèses au sens médical du terme. Leur indice de masse corporelle (poids divisé par la taille en mètre au carré) est supérieur à 30. On n'est pas dans le demi-bourrelet à peine repérable à l'oeil nu, mais dans la véritable obésité. Or, le taux de vrais gros varie de 25 %, chez ceux qui n'ont pas décroché de diplôme du secondaire, à 13 % parmi les populations qui ont au moins une licence.
Après, il faut évidemment nuancer. Même si le diplôme protège du gras dans tous les pays, il y a des zones géographiques où cette protection est plus efficace qu'ailleurs.
En France, pays qui a le culte du parchemin, de la grande école et des concours, cela marche pas mal. Un homme non diplômé du secondaire a 16 % de risques de devenir obèse. S'il est bachelier, ce taux tombe à 11,9 %. S'il a une licence, il ne s'empâtera que dans 6,8 % des cas. Chez la femme française, la différence est encore plus forte entre celle qui n'a pas poussé jusqu'au bac (et qui dans 20 % des cas deviendra obèse) et celle qui a fait l'université. Celle-là ne passera au XXL que dans 5,9 % des cas.
D'ailleurs, dans tous les pays étudiés par l'OCDE, la gent féminine est plus réceptive à l'effet antibourrelets des études. La différence de risque de devenir obèse est de 16 points chez les femmes, contre 7 chez les hommes.
Je devine votre moue dubitative d'habitué du saucisses-purée des restaurants universitaires, alterné avec un plat de pâtes le soir. Surtout avec ces fins de mois interminables pendant les années d'études...
Rassurez-vous ! Les mensurations en question dans cet article n'ont pas été prises au lendemain de l'obtention du diplôme, mais portent sur la population générale. Des personnes qui ont eu le temps de digérer leur dernier menu étudiant. Car il y a une vie après les restos U !
Et c'est là que se tisse le lien entre la minceur et les diplômes. Une question d'argent ? Le bon sens voudrait que le salaire du diplômé étant supérieur à celui du sans-diplôme, il s'offre une nourriture plus diététique.
Pour le vérifier, l'OCDE a neutralisé le facteur porte-monnaie et scruté la balance de diplômés et de non-diplômés qui gagnent la même chose. Là encore, celui qui a fait son université est moins gros que celui dont le chemin n'est pas passé par un campus.
EXCEPTION FRANÇAISE
Pour pousser plus loin l'enquête, il ne reste qu'à éclaircir si le niveau d'éducation rend plus sensible à la prévention santé ou plus perméable à la dictature de la norme minceur des papiers glacés des magazines.
Rien de tel, donc, qu'un petit détour par la consommation de tabac. Un produit qui n'agit pas sur la ligne mais réduit assez efficacement l'espérance de vie. On peut raisonnablement penser que si les diplômés fument moins que le reste de la population, c'est parce qu'ils sont sensibles à leur santé.
Ce qui permet de supposer qu'ils adoptent la même démarche dans leur rapport à la nourriture... Et, par conséquent, que le moteur de leur chasse antisucre et antigras est moins explicable par la quête d'une ligne parfaite que par le souhait d'éviter les maladies.
Or, les statistiques disent que, dans l'ensemble, 30 % des adultes de l'OCDE fument et que, là encore, il s'opère un clivage entre les diplômés et les autres. On passe de 37 % de fumeurs quotidiens chez les non-diplômés du secondaire à 21 % chez les diplômés du supérieur.
Aux Etats-Unis ou au Royaume-Uni, l'écart est bien plus important encore. Entre le diplômé du supérieur et le sans-diplôme, le risque de succomber à l'appel de la fumée est divisé par deux. Ainsi, 37,1 % des hommes britanniques non diplômés grillent chaque jour leurs clopes, contre 17,3 % des diplômés. Chez les femmes, c'est une division par trois qui s'opère entre ces deux catégories (de 29,7 % à 10,4 %).
En France, où l'on cultive décidément l'exception dans tous les registres, la différence est moins évidente puisqu'on glisse seulement de 32,5 % de fumeurs chez les hommes non diplômés à 31 % chez les diplômés ; de 29,2 % à 24 % chez les femmes. Etrange... Notre éducation à la santé serait-elle moins efficace que chez les Anglo-Saxons ? Ou le cerveau français est-il plus sensible aux dégâts de l'obésité qu'à ceux du tabac ?
Arrivé à cette impasse à la française, il y a deux fins possibles à cette chronique.
Soit on se félicite de ce retour sur investissement indirect des études, puisque, en général, les diplômés prennent quand même plus soin de leur santé que les autres ! Soit on estime qu'on ne pousse pas assez loin cette potentielle rentabilité indirecte de l'éducation et qu'il n'y a pas vraiment de raison que les diplômés français fument plus que les autres... mondialisation oblige !
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