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samedi 16 mars 2013

Outrage aux moeurs et à l’éthique...


Connaissez-vous aujourd’hui nos hôpitaux ? Je les ai quittés il y a 30 ans et quelle dégringolade sous l’ oeil de tous ces praticiens hospitaliers…

Javier est un merveilleux artiste. Il est formidable, lui qui a 80 ans et qui promène dans son corps toute l’Amérique Latine ! Elle coule dans sa tête et ses veines. Je la vois si présente, parfois quand je l’examine.
Javier est intellectuellement très productif, et comme beaucoup de personnes, il travaille des heures et des jours, enfermé sans soleil, dans son bureau avec ses instruments et ses mesures à compter puis à transcrire. Il est ainsi devenu, en dehors de cette ancienne scoliose, ostéoporotique depuis de si longues dates. 
Javier se lève un jour, se frictionne et s’habille devant son miroir, et s’emmêle les pieds dans son pantalon, en baillant aux corneilles. Il tombe et se fait mal au dos. Il a même très mal et prend alors des calmants pour sa douleur. Après avoir fait le scanner prescrit par son rhumatologue, la vie continue douloureusement, avec sa fracture tassement de sa colonne.

Quand un jour, la tête dans les étoiles à nouveau en descendant son escalier, il chute lourdement. Sa douleur empire et ses déplacements deviennent si compliqués qu’il ne sort plus de son atelier. Il prend alors, la morphine que son rhumatologue lui a aussi prescrite.
Le temps passe et comme cette souffrance l’envahit tant, il s’adresse à un chef rhumatologue, qui le reçoit avec tact et mesure (sept fois plus qu’un simple généraliste soit, semble t’il, 170 euros) décide d’explorer le supplice en l’hospitalisant. Il prévient son urologue. Cet autre patron aussitôt, confirme que son patient est un excellent répondant à la chimiothérapie de son adénocarcinome de la prostate. Ses douleurs ne peuvent donc être dues à cela… Javier entre dans ce grand hôpital où il reste alité pendant quatre semaines (1 230 euros par jours chiffre AP-HP). Il est d’abord mis en couche comme un enfant, lui cet homme fier ! Il n’a jamais été incontinent, mais on l’y met par obligation, faute de personnel pour l’aider et le lever… Et comme la douleur est lourde, on lui poursuit la morphine qui l’angoisse et, à laquelle sont mélangés alors, des anxiolytiques.

Et grâce à tout cela, il réussit finalement, quand même à plonger dans un délire ! Il fait alors une pneumopathie de déglutition, puisque personne ne peut le redresser pour boire ou manger.

Il passe un à deux scanners (106 euros) ou IRM (70 euros) par jour parfois, transporté dans de si longs couloirs en attendant des heures, ou bien d’un hôpital à l’autre. Un représentant de la Sécurité sociale m’interdirait illico, mon exercice de la médecine, si je faisais ainsi, vu l’exagération économique injustifiable que tout cela représente... Mais il paraît que les budgets des services sont fonction des dépenses effectuées l’année précédente !

Bref, il est tant et tant exploré qu’il en perd le goût de la vie et glisse, glisse jusqu’à s’imaginer mourir chez lui en s’échappant à tout prix de ce lieu.

Tous les jours, son médecin traitant appelle, mais est vite censuré. Aux mails adressés au chef et d’autre encore, il n’y a pas de réponse.

Le médecin traitant se déplace alors, pour lui rappeler le sens des choses de la vie et donc le stimuler, bien heureusement d’ailleurs parce que malgré ses demandes qualifiées, aucun psychiatre ne passe...

Javier et sa femme écoutent, tour à tour. Il comprend l’alliance demandée et se redresse pour échapper à son suicide programmé. Il mange donc et boit avec un canard, ce récipient d’eau qu’on ne lui avait pas donné pour cause de fausse route (!) mais que son docteur exigea et testa avec lui.

Cela dure encore une semaine avec la promesse de sortir, mais « pas plus tard » angoisse t’il!

Il faut donc conclure dans ce sens, avec un chef de clinique, bien seul et son interne. On se demande pourquoi, même si jeune médecin rappelle qu’il est docteur…

Bref, car il y en a tant à dire…Mais après une ultime perfusion de « diphosphonates » puis encore, un autre scanner dont le marqueur plus spécifique, donne, paraît-il, de nouveaux éléments, on le laisse sortir avec ses « métastases potentiellement actives, de son cancer de la prostate… »

Heureusement, après discussion et accord entre ce chef de clinique et le médecin traitant appelé aux renforts, et toujours sans avoir vu de patrons, il échappe au staff d’oncologie mais avec la promesse de revoir vite son urologue…

Javier rentre chez lui, sans aucune ordonnance prévoyant sa prise en charge au domicile, hormis celles qui sont rédigées et prévues, à l’hôpital même (!), par son médecin généraliste... Celles-ci permettent d’installer correctement et à temps surtout, infirmières, kinés et location de matériel indispensable pour cet homme.

Il se fait ainsi rééduquer de ses « fractures tassements ostéoporotiques », celles qu’il a bien, comme l’affirme son docteur depuis 4 semaines, à la famille.

Il retrouve sa dignité et le plaisir! Il marche et travaille à nouveau, mais il me parle toutes les semaines de la maltraitance dont il s’est senti victime. Mais comment ne pas se sentir en colère devant tant d’inhumanité ? Que lisons-nous dans la charte des patients hospitalisés ? Que semblent faire tous ces confrères et autres super-techniciens qui oublient, on ne peut le croire, la dignité humaine, l’échange confraternel, la déontologie et l’éthique. Comment ne pas sentir de colère devant ce manque d’écoute, de raisonnement, de confiance entre professionnels, et d’humanité ?

Un mois et demi plus tard, après avoir vu son urologue qui l’a complètement rassuré, en confirmant l’absence de métastases et, avoir suivi une kinésithérapie au domicile journalière, il a retrouvé son regard.
La facture de son aventure hospitalière doit avoisiner les 50 000 euros. Le patron de rhumatologie est toujours silencieux…
Dr Emmanuel Heau, Malakoff (Hauts-de-Seine)

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