Celles qui restent
Femme de marin : l'appellation, un rien théâtrale, fait d'abord sourire, et puis l'on pense aux féministes qu'elle doit faire tiquer. Nos pensées virent, toutes voiles dehors, vers un mélodrame du siècle dernier ; inconsciemment apparaît, en filigrane, l'image canonique de la famille nucléaire où l'homme part braver la tempête pour nourrir ses enfants, laissant derrière lui sa femme aimante qui, chaque jour, soupire à la fenêtre, regard lointain perdu dans l'horizon... A Brest, pas question de s'enchaîner à une vision rétrograde de la femme de militaire. Pascaline Cornille est tout sourire : son marin de mari, Pierre, 29 ans, engagé depuis 2003, est rentré ce week-end de plusieurs mois en mer. Tous deux sont parents d'une petite Adèle, âgée d'à peine quelques semaines lors du départ. Les retrouvailles ont suscité une certaine appréhension : les histoires d'enfants ayant peur de leur père qu'ils ne reconnaissent pas à son retour sont légion dans le métier. Adèle a fait des sourires dès le début.
Ces femmes sont plusieurs milliers en France : mères de famille ou non, elles ont vu leur vie prendre un nouveau tournant en s'engageant aux côtés de leur conjoint marin d’État. Pour celles qui restent à terre, ce choix implique bon nombre d'arrangements, quelques casses-têtes administratifs mais surtout l'infinie patience de celles qui attendent. Pour certaines, ce statut étrange est de l'ordre de "l’engagement ", elles font avec ; d'autres partent dans l'aventure " sans avoir pu s'y préparer " et, de ce fait, subissent davantage les absences. Pascaline fait partie de la première catégorie. Elle a quand même rayé consciencieusement les jours sur le calendrier : maîtriser l'art d'attendre ne signifie pas l'apprécier et comporte aussi son lot de contraintes.
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