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mardi 7 août 2012

Mortalité des schizophrènes : de Charybde en Scylla
On sait que la schizophrénie non traitée augmente le taux de mortalité, en raison du risque de suicide, ou de mise en danger imputable à des troubles du comportement pouvant entraîner un accident. Mais la gestion concrète de cette psychose rappelle la navigation périlleuse dans le détroit de Messine où l’on n’évitait l’écueil de Charybde que pour mieux devoir affronter celui de Scylla ! Archives of General Psychiatry publie ainsi une étude épidémiologique, réalisée en Finlande et portant sur 2 588 patients hospitalisés dans ce pays entre le 1-01-2000 et le 31-12-2007, en raison d’une schizophrénie. Les auteurs ont cherché à évaluer l’influence des médicaments appartenant aux trois classes thérapeutiques les plus communes en psychiatrie (neuroleptiques, antidépresseurs et anxiolytiques), prescrits seuls ou de manière associée, sur la mortalité des intéressés, en ajustant bien sûr les données aux paramètres susceptibles de retentir en la matière (facteurs sociodémographiques, comorbidités éventuelles, autres traitements actuels ou dans les antécédents, etc.).

Contre toute attente, on constate que la prescription de deux ou plusieurs neuroleptiques simultanés n’est pas associée à une augmentation du risque de mortalité, comparativement à une monothérapie classique (Hazard Ratio [HR] : 0,86 ; Intervalle de confiance à 95 % [IC95 %] : 0,51–1,44). Et conformément à leur effet attendu, le recours aux antidépresseurs s’accompagne d’une « nette diminution » de la mortalité par suicide (HR : 0,15 ; IC95 % : 0,03–0,77). En revanche, l’usage de benzodiazépines chez ces patients est associé à une « augmentation significative » de leur mortalité générale (HR : 1,91 ; IC95 % : 1,13–3,22), perceptible tant dans la mortalité non liée à un suicide (HR : 1,60 ; IC95 % : 0,86–2,97) que, surtout, dans la mortalité par suicide (HR : 3,83 ; 1,45–10,12 ; IC 95%). Mais pour dédouaner ces molécules et leurs prescripteurs, on doit préciser que « 91,4 % des intéressés » s’étaient débrouillés, en violation flagrante des recommandations définies, pour acheter et prendre des doses parfois « 28 fois plus élevées » que la posologie préconisée !

Ce « détail » incite à bien dissocier la théorie et la pratique, en matière de prescriptions. Les auteurs observent donc que « l’usage des benzodiazépines comporte un risque de mortalité chez les schizophrènes » (lié essentiellement à ce mésusage), contrairement à celui des neuroleptiques ou des antidépresseurs, et ce constat suggère que la prescription (mal surveillée) de cette classe de médicaments doit probablement « contribuer à la mortalité de ces patients » dans les pays (comme les USA) où l’emploi des benzodiazépines est encore plus important qu’en Finlande. 

Dr Alain Cohen

Tiihonen J et coll.: Polypharmacy with antipsychotics, antidepressants, or benzodiazepines and mortality in schizophrenia. Arch Gen Psychiatry, 2012; 69: 476-483.


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