Un anti-épileptique peut-il restaurer la mémoire ? Une équipe franco-américaine a découvert que le lévétiracétam, déjà commercialisé pour traiter certaines épilepsies, améliore les symptômes de souris atteintes d'une maladie d'Alzheimer expérimentale.
Ces résultats préliminaires ont été publiés en ligne, lundi 6 août, dans les comptes-rendus de l'Académie des sciences américaine (PNAS).
Alors que 35 millions de personnes dans le monde (860 000 en France) sont concernées par cette pathologie neurodégénérative, et que le nombre de cas pourrait tripler d'ici à 2050, il n'existe toujours aucun traitement susceptible de la prévenir ou de ralentir son évolution.
LIENS ENTRE MALADIE D'ALZHEIMER ET ÉPILEPSIE
Molécules, anticorps, vaccins... Plusieurs stratégies sont explorées par les chercheurs. Elles ciblent principalement les deux types de lésions présentes dans le cerveau des malades : d'une part des plaques de peptides bêta-amyloïdes, qui sont des amas de protéines toxiques se développant entre les cellules cérébrales ; de l'autre, la dégénérescence neuro-fibrillaire, due à l'accumulation de protéines tau anormales à l'intérieur des neurones.
S'appuyant sur leurs précédents travaux suggérant des liens entre maladie d'Alzheimer et épilepsie, le docteur Lennart Mucke (Institut Gladstone et université de Californie) et ses collègues se sont lancés sur une voie inédite.
"De même qu'à San Francisco, on enregistre en continu de petites secousses sismiques non perceptibles, les malades d'Alzheimer ont en permanence une activité électrique cérébrale excessive, qui ne se traduit pas forcément par des crises épileptiques, explique le docteur Pascal Sanchez, premier auteur de l'étude de PNAS et l'un des deux Français de l'équipe. Nous avons décidé de vérifier si des antiépileptiques pouvaient améliorer la mémoire en réduisant l'activité électrique aberrante."
Dans un premier temps, sept des principaux anticonvulsivants déjà sur le marché ont été testés, chez des souris transgéniques produisant une protéine amyloïde humaine anormale. Il s'agit là d'un modèle animal classique pour étudier la maladie d'Alzheimer.
Quelques heures après une seule injection, les altérations de l'activité électrique ont diminué de plus de 50 % chez tous les animaux traités par le lévétiracétam. Les autres molécules n'ont pas entraîné d'amélioration, certaines ont même aggravé les anomalies électriques.
"Ce résultat suggère que le lévétiracétam a une activité spécifique, même si son mécanisme n'est pas encore identifié", estime Pascal Sanchez. L'équipe a ensuite évalué les effets de cet anticonvulsivant lors d'une administration chronique (pendant quatre semaines) toujours chez des souris transgéniques. A faible dose, il s'est montré efficace, réduisant les troubles de mémoire et ceux du comportement et augmentant les capacités d'apprentissage.
"SOLUTION ALTERNATIVE"
Pour ces chercheurs, l'approche semble d'autant plus prometteuse que le lévétiracétam est l'un des anticonvulsivants qui a le moins d'effets secondaires. Surtout, insistent-ils, leurs résultats confortent ceux récemment obtenus par une équipe de l'université John-Hopkins : elle a décrit dans une publication l'efficacité de ce médicament dans un petit groupe de patients ayant des troubles de la mémoire, signe souvent avant-coureur d'Alzheimer.
Les spécialistes restent prudents face aux résultats publiés dansPNAS, rappelant que bien des molécules avec un effet spectaculaire chez l'animal se sont révélées inefficaces ou toxiques lors d'essais cliniques à grande échelle.
"Les effets observés avec cet anticonvulsivant sont convaincants chez la souris lors d'une administration aiguë, avec une amélioration nette des anomalies électriques, mais ils paraissent moins durables à moyen terme", relève Philippe Amouyel, professeur d'épidémiologie au CHRU de Lille et directeur de la Fondation Plan Alzheimer, qui doute que le lévétiracétam puisse prévenir ou ralentir le cours de l'Alzheimer.
Pour confirmer ses travaux et élucider les mécanismes à l'œuvre, l'équipe de Pascal Sanchez a noué des collaborations avec celle de John-Hopkins, et envisage de mettre sur pied sa propre étude clinique.
"Nous sommes conscients des échecs rencontrés dans ce domaine, mais les spécificités de notre traitement, qui n'agit pas directement sur les protéines amyloïdes, peuvent en faire une solution alternative", conclut le chercheur.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire