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mardi 17 avril 2012

Procès Breivik : quelle frontière entre folie et terrorisme politique ?
Quelques semaines après la tuerie perpétrée en France par Mohammed Merah, le procès d'Anders Behring Breivik va s'ouvrir ce lundi 16 avril 2012, en Norvège. Si Breivik a été reconnu irresponsable pénalement au moment des faits (schizophrénie paranoïde) par les premiers experts psychiatres, une contre-expertise affirme  aujourd'hui le contraire. Quelle frontière existe-t-il entre un criminel sain d'esprit et un autre subissant une pathologie mentale ? Entretien avec Daniel Zagury, Psychiatre des hôpitaux, spécialiste de psychopathologie et de psychiatrie légale, expert auprès de la cour d'appel de Paris. 
15.04.2012Propos recueillis par Pascal Hérard
D'après le premier rapport des experts psychiatres, Breivik parlait de manière incohérente après son arrestation et agissait de manière compulsive, ne semblait pas avoir d'empathie. Il a été conclu alors qu'il était "schizophrène paranoïde" : qu'en pense le psychiatre ? 


Daniel Zagury : Je n'ai pas examiné Breivik, je ne suis pas Norvégien, mes réponses sont donc évidemment sous réserve. Néanmoins qu'est-ce qu'on peut dire ? Le premier point qui me paraît extrêmement important à comprendre c'est que la loi norvégienne n'est pas la loi française. A un expert français, on demanderait si le discernement de Breivik était aboli ou non au moment des actes. A un expert norvégien, on demande si il était psychotique, si les actes sont en rapport avec une dimension psychotique. Pour un expert français, la question est évidemment de savoir si le sujet était atteint d'une maladie aliénante au moment des faits, mais elle est également de savoir si les faits en cause sont en rapport exclusif, ou en tout cas déterminants, avec cette maladie.

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Breivik laisse échapper des larmes, mais pas de regrets

En Norvège, l'auteur de la tuerie d'Utoya, qui reconnaît les faits mais plaide non coupable, a rejeté l'autorité du tribunal.

Anders Behring Breivik, qui plaide non coupable pour le massacre de 77 personnes perpétré en juillet en Norvège, est resté de marbre face aux enregistrements vidéo et audio déchirants qui ont provoqué l'effroi des familles de victimes, lundi, au premier jour de son procès à Oslo.
Mais il a, de façon inattendue, versé quelques larmes lorsque le procureur a projeté un film de propagande qu'il avait réalisé et diffusé sur internet le 22 juillet, jour des attaques.
L'extrémiste de droite a ensuite retrouvé l'impassibilité qu'il affichait depuis l'ouverture du procès, à 9 heures locales, lorsqu'il s'est agi de voir ou d'entendre des enregistrements retraçant sa sanglante opération.
Aucune émotion manifestée à la diffusion de l'enregistrement de l'appel de détresse passé à la police par Renate Taarnes, 22 ans, qui se voyait périr sous ses balles l'été dernier sur l'île d'Utoya où 69 jeunes, pour la plupart âgés de moins de 20 ans, ont été exécutés, en majorité d'une balle dans la tête.
«Venez vite... ça tire tout le temps», supplie la jeune femme, tandis que le policier qui prend l'appel est incrédule. Elle survivra à la tragédie.
La procureur Inga Bejer Engh énumère la liste des victimes d'Andres Behring Breivik, au premier jour de son procès le 16 avril 2012.La procureur Engh énumère les noms des victimes (Photo Reuters)

Imperturbable

Pas le moindre signe d'émotion non plus lorsque le procureur diffuse une vidéo de surveillance montrant l'explosion d'une camionnette garée au pied du siège du gouvernement dans le centre d'Oslo, tandis que des gens s'en approchent. Bilan : huit morts.
Pas davantage de réaction lorsque sont diffusés les enregistrements de ses propres appels à la police : «Maintenant que l'opération est finie, je souhaite me rendre», affirme-t-il ce jour-là. En réalité, il tuera encore avant d'être finalement arrêté par la police. La tuerie sur l'île aura duré soixante-treize minutes.
Dès son entrée dans le prétoire, juste avant l'ouverture du procès, Breivik, 33 ans, a affiché sa défiance et sa volonté de provoquer.
Il s'est frappé le cœur de la main droite avant de tendre le bras, poing fermé, à l'adresse du public - environ 200 personnes - composé de familles de victimes, de survivants, de journalistes ainsi que de quatre psychiatres. Ce salut, explique-t-il dans un manifeste publié sur Internet le jour du carnage, représente «la force, l'honneur et le défi aux tyrans marxistes en Europe».
 
Puis, il est demeuré imperturbable lorsque le procureur a égrené la liste des noms de ses victimes. Les familles trahissaient leur profond dégoût pour l'accusé par des hochements de tête. Quelques personnes étouffaient des sanglots.
Breivik, lui, gardait la tête et les yeux baissés, semblant ne pas entendre le procureur déclarer solennellement : «L'accusé a commis des crimes extrêmement graves à une échelle qui n'avait jusqu'à présent jamais été observée dans notre pays à l'époque moderne
Norwegian mass killer Anders Behring Breivik cries as he watches a video presented by the prosecution during his terrorism and murder trial, in a courtroom in Oslo April 16, 2012. Breivik, who massacred 77 people last summer, arrived at an Oslo courthouse under armed guard on Monday, clenching his fist in a far-right salute and saying he did not recognise the authority of the judges. Breivik, 33, has admitted setting off a car bomb that killed eight people at government headquarters in Oslo last July, then killing 69 in a shooting spree at a summer youth camp organised by the ruling Labour Party. The video was not made public. REUTERS/Heiko Junge/Pool (NORWAY - Tags: CRIME LAW)Breivik pleure face à un montage qu'il a réalisé (Photo Reuters)

«Légitime défense»

Ses larmes à la vue de son propre film n'ont pas ému.
«Il s'est senti désolé pour lui-même, pas pour les familles», a déclaré une avocate des familles de victimes, Mette Yvonne Larsen.
«Personnellement, je pense que le fait qu'il pleure n'était que le reflet de son émotion devant ce qu'il avait réalisé. Ce n'était pas du tout un signe de regret», a déclaré John Kyrre Lars Hestnes, au nom des victimes de l'explosion.
Les déclarations de Breivik à la cour semblent lui donner raison.
«Je reconnais les faits, mais je ne reconnais pas ma culpabilité» au sens pénal, a-t-il lancé. «J'invoque la légitime défense», a ajouté l'accusé, lui qui a expliqué par le passé avoir agi contre «des traîtres à la patrie» coupables, selon lui, de brader la société norvégienne à l'islam et au multiculturalisme.
D'ailleurs, son avocat Geir Lippestad a ensuite expliqué que les larmes de son client étaient liées à ses sentiments sur «une guerre en cours en Europe».
Portant un costume sombre, chemise blanche et cravate beige dorée, Breivik, qui s'est présenté comme un «écrivain», a déclaré aux cinq juges : «Je ne reconnais pas le tribunal norvégien
Il n'a d'ailleurs pas daigné se lever, comme le veut le protocole, au moment des différentes entrées et sorties des juges.
La juge Wenche Elizabeth Arntzen a annoncé vers 15h20 la fin de la première journée d'audience après avoir entendu les explications préliminaires de l'accusation et les réactions de la défense et des parties civiles.
Le procès, qui reprendra mardi avec le témoignage de Breivik, devrait durer dix semaines et, l'accusé ayant revendiqué le massacre, la principale interrogation portera sur sa santé mentale.
Son avocat Geir Lippestad a déjà prévenu : «Il sera extrêmement difficile [...] d'écouter ses explications», d'autant qu'il va «déplorer de ne pas être allé plus loin» dans son carnage, qu'il a qualifié d'«atroce, mais nécessaire».
Si les juges, dans leur verdict attendu en juillet, le déclarent pénalement responsable, Breivik encourra 21 ans de prison, une peine qui pourra ensuite être prolongée aussi longtemps qu'il sera considéré comme dangereux.
Dans le cas contraire, il devra subir un traitement psychiatrique dans un établissement fermé, potentiellement à vie.
(AFP)


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