Le futur incertain de la psychiatrie
Publié le 12/01/2012 |
Pour les éditorialistes du British Journal of Psychiatry, la psychiatrie est une profession en crise, écartelée entre maintes « orientations théoriques », des « débats sur la nature des troubles », des reproches sur « l’inefficacité de certains traitements » et une « stigmatisation de la profession. » Les auteurs font un parallèle avec l’histoire des apothicaires : puissants et respectés, ils ont progressivement perdu leurs prérogatives, les actuels pharmaciens ne récupérant qu’une faible partie des fonctions et du rôle social dévolus jadis aux apothicaires.
On peut aussi faire le parallèle avec l’histoire des chirurgiens-barbiers : leur profession a disparu pour se refondre radicalement dans deux métiers a priori sans affinité aujourd’hui, les chirurgiens (relevant désormais des études de médecine) et les coiffeurs ! De même, facilitée notamment par le fait que les jeunes psychiatres se forment de plus en plus dans des cadres extra-hospitaliers (vu la diminution drastique des places en hôpital psychiatrique), la « démédicalisation » rampante de la psychiatrie pourrait déboucher, redoutent les auteurs, sur une disparition de l’enseignement de la clinique psychiatrique « à l’ancienne » (accélérée aussi par la vision trop réductrice du DSM).
Cette situation risque elle-même d’entraîner un redéploiement des tâches des psychiatres vers des professions différentes : autres praticiens (généralistes, neurologues, gériatres, pédiatres…), psychologues et divers psychothérapeutes, éducateurs, assistants de service social, etc. On pourrait ajouter (hélas) à cette liste non exhaustive la profession de gardien de prison, vu la proportion considérable de malades mentaux chez les sujets échouant à la « caseprison » malgré (ou à cause de) leur pathologie psychiatrique…
Si le futur de la spécialité paraît donc incertain, les auteurs rappellent toutefois que la profession de médecin est «immuable, mais puisque les êtres humains auront toujours besoin de soins médicaux et d’attention, la médecine et des spécialités comme la psychiatrie continueront de prospérer. » Dès le XVIIème siècle, La Bruyère formulait une telle opinion, susceptible de motiver les générations nouvelles : « Tant que les hommes pourront mourir et qu’ils aimeront vivre, le médecin sera raillé et bien payé. »
Dr Alain Cohen
Oyebode F et Humphreys M : : The future of psychiatry. Br J Psychiatry, 2011; 199: 439–440.
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