Vendredi 14 octobre, 21h
Hôpital Sainte Anne, Amphi de la CMME, 100 rue de la Santé
Débat à propos du livre « Manifeste pour la psychanalyse », La Fabrique éd.,
en présence des auteurs, Sophie Aouillé, Pierre Bruno, Franck Chaumon, Guy Leres, Michel Plon, Erik Porge.
discussion introduite par Roger Ferreri et Vincent Perdigon.
Attention, le plan vigipirate !!! étant toujours en vigueur, on rentre dans Sainte Anne en voiture par la rue Broussais ou à pied par la rue Cabanis.
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Argument
L’ouvrage « Manifeste pour la psychanalyse » vise une nécessité de notre époque. Il déplie un ensemble de questions que la mouvance psychanalytique ne peut plus dénier, en tout cas tel est le point de vue que nous proposons. Cela ne veut pas dire que nous adhérons à l’ensemble des arguments qui s'y trouvent. Nous adhérons au mouvement salutaire qu'il initie.
Quel est ce mouvement ? Nous le spécifierons ainsi :
- La science en s'imposant au nom de l'universel a produit un nouveau rapport d'assujettissement au monde.
- Ce rapport par l'intermédiaire de déplacements successifs dans le champ politique, en est venu à participer à la mise en place d’un système d’asservissement par le contrôle des productions, du travail en particulier, pour progressivement s’étendre au contrôle du corps et de l’intime, déplacements qui n’entretiennent avec la science qu'un lointain souvenir de filiation abusive.
- La psychanalyse, historiquement, naît de ce heurt entre connaissance du cerveau et résistance de l’intime.
- En inversant le lieu de lecture du symptôme, Freud construit un dispositif permettant de transmettre, à l'avantage possible pour chacun qui s'y inscrit, les effets mêmes de cette inversion. Cette inversion n'est en aucun cas une conception du monde comme cela est utilement rappelé à la page 39 de l'ouvrage ; elle n’ouvre qu'à l'aventure du déplacement du lieu de sa lecture, offrant à celui qui parle une échappée en avant de ses assujettissements, une échappée temporaire du sujet par l'effet d'écho de ses paroles. Cet écho est-il partie prenante de la question démocratique ?
- La psychanalyse ne s’enseigne pas, elle se transmet malgré ce qui s’enseigne. Que cela donne lieu à débat est incontournable. Ce qui se discute concerne le « retour » dans le lien social, le lien social prenant toute sa portée d’être un fait de langage : ce qui fait lien nous condamne à partager ce qui ne peut pas se dire. Retour d’assujettissement, ici, école, hors école, universitaire… Et pourtant ce qui se discute n’est pas sans effets sur les modalités de transmission avec le risque que l’enseignement devienne diplômant de ce qui se discute. La passe fut cette muleta agitée devant la course de la didactique pour détourner la hiérarchie des diplômés… Avec le risque pour certains de construire des écoles de la muleta en oubliant les mains qui la tiennent.
- S’adjectiver psychothérapeute, prétention de certains d’avoir voulu se parer du titre de leur acte, réussite anticipée, sans avoir ni l’humour, ni le semblant, ni la force de vente de ceux qui se proposent comme guérisseurs, a ouvert une brèche propre à aspirer le flot contrôlitaire. Il y avait des psychothérapies proposées par des personnes avec diplôme et sans diplôme : cela n’est plus, force d’un contrôle qui fait d’un concept une réalité sociale contrôlée. Concept de l’acte psychothérapeutique universel, contrôle de l’intime puisque nous sommes passés de la proposition d’un acte à la garantie de l’effectivité de l’acte par l’Etat.
- Le leurre propre à ferrer la psychanalyse est lancé, des écoles ont mordu sans retenue à son hameçon, elles formeront les psychothérapeutes, elles viennent de se départir de ce qui fonde la psychanalyse : l’inversion du lieu de lecture du symptôme, en devenant formateur de son retour dans le giron d’une théorie du traitement du symptôme, rien de moins qu’une psychologie.
- Elles ont oublié qu’avec Feud et Lacan la théorisation de l’acte analytique est une théorisation de la question du sujet pour autant que le sujet ici désigne ce qui échappe à la théorie comme science ; il n’y a pas sous ce mode de science du sujet, mais bien un sujet de la science.
Acceptons que cette question soit effectivement un moment, celui d’en recommencer enfin avec la psychanalyse sans se départir du devenir démocratique.
Roger Ferreri
La discussion sera introduite par Vincent Perdigon, qui ouvrira le débat en exposant en quoi opposer de manière aussi tranchée psychanalyse et psychothérapie (particulièrement au chapitre « guérir de la psychothérapie » ) peut faire courir le risque de présenter la psychanalyse comme une pratique élitiste, réservée à quelques initiés . Considérant que la psychothérapie reste une question pour le psychanalyste dans la solitude de sa pratique il se demandera également si les nombreuses pratiques de soin inspirées par la psychanalyse auprès des pathologies les plus graves doivent être dénommées « psychothérapies » au sens où les auteurs du manifeste entendent ce terme, c’est à dire dans un sens antinomique à la psychanalyse. Soulever ces questions conduira à réinterroger ce concept de psychothérapie pour en montrer les nombreuses et contradictoires acceptions, y compris celles qui renvoient aux pratiques par lesquelles la psychanalyse, aujourd’hui, continue sans doute de se réinventer et de rester vivante.
Roger Ferreri poursuivra sur l’inversion de la lecture du symptôme qui est aussi une inversion de la question de la psychothérapie. Qu’il y ait des cliniques des psychanalystes diverses et variées, à deux faces, « ou l’analysant assume son être générationnel…et celle de son être de symptôme » (p. 67) en est un exemple. Elle ne fait que témoigner qu’il n’y a pas de clinique analytique mais une clinique des psychanalystes.
La parole, par définition, surgit après des énoncés. Qu’il s’agisse de psychologie ou de sociologie, cela a le mérite de ne pas convenir comme un gant et de pousser à la parole. Pas besoin de la classe de la suggestion pour s’en convaincre même sous hypnose où le plus hypnotisé des deux n’est pas nécessairement celui qu’on croit…Bref tout cela mérite discussion.
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