Label. Bienvenue à Segonzac, en Charente, première «ville lente» de France.
Et si Segonzac devenait aussi célèbre que son voisin Jarnac ? En Charente, à 9 kilomètres seulement du fief de feu François Mitterrand, ce village, situé en plein cœur des vignes, vit depuis quelques mois une expérience qui fait beaucoup parler : l’adhésion à «Città Slow», le réseau international des «villes lentes» (lire ci-contre). La commune est en effet la première en France à avoir obtenu ce label, créé en 1999 dans la lignée du mouvement italien slow-food. L’idée ? Se concentrer sur une meilleure qualité de vie et créer un environnement sans pression des horaires. Très tendance à l’heure où on dénonce la dictature de l’urgence.
Escargots. L’hôtel de ville donne le ton. Des sculptures d’escargots, qu’on appelle ici «cagouilles», symboles par excellence du mouvement, trônent sur les comptoirs, consoles et bureaux. S’ils font sourire le maire, Véronique Marendat, l’intérêt est, pour elle, avant tout de faire de Segonzac un «village où il fait bon vivre». Pour obtenir ce label, décerné par un comité scientifique, il a fallu respecter 70 critères, allant du respect de l’environnement à l’hospitalité en passant par la réduction du bruit.
Colette Laurichesse, adjointe au tourisme et à la culture, a mené le projet de A à Z et se dit fière d’en être arrivée là. Elle évoque ses nombreuses initiatives. Pour éviter que les supermarchés deviennent la norme, elle a fait revenir les commerçants de proximité qui avaient déserté le «centre-bourg» : «On va enfin avoir un boucher avant la fin de l’année, ça faisait un moment qu’on l’attendait.» Aussi, afin de privilégier les acteurs régionaux, tous les dimanches, un rassemblement de producteurs de la région, pour férus de panier bio et autres locavores, a été instauré sur l’esplanade du triangle d’or mairie-église-boulangerie.
Parmi les commandements slow, nombreux sont ceux qui font la part belle à l’écologie. A Segonzac, la consommation d’énergie a été réduite dans tous les lieux publics : écoles, maison de retraite, médiathèque… sont chauffés au bois et non au gaz. En outre, chaque foyer possède sa poubelle individuelle de tri sélectif, et les murs du futur hôpital sont entièrement végétalisés.
Côté transports, les pistes cyclables prennent toute leur place, tandis que les voitures sont appelées à ralentir, voire à s’effacer au profit de voies piétonnes. Mais on milite aussi pour un aménagement urbain raisonné. Résultat, les espaces verts sont rois, on construit des maisons passives et, pour éviter le mitage du territoire, on privilégie le patrimoine déjà bâti au détriment d’une construction à tout va.
Derrière cette philosophie, il y a des actes concrets, une révolution lente. Néanmoins, insiste l’adjointe, «il nous reste des choses à améliorer», comme parvenir à ce que le label devienne fédérateur pour les gens. Pour ça, on envisage notamment la création de jardins partagés, où chacun viendra récolter ce qu’il a semé.
«Mou». Aujourd’hui, dans ce village de 2 200 habitants, c’est davantage la municipalité que les Segonzacais qui porte ce label. Pour eux, ce côté «ville lente» est loin de faire rêver. Instinctivement, «les gens font le raccourci entre lent, mou et peu dynamique», raconte une mère de famille.
Ils sont peu nombreux à vouloir d’une ville en sommeil, d’une bourgade qui ronronne. La veille, d’ailleurs, raconte Delphine, gérante du (seul et unique) Café de la place, «j’ai vu arriver un habitué, le dos volontairement courbé et qui marchait au ralenti. Quand je lui ai demandé pourquoi il avait cette allure de vieillard, il m’a répondu : "Ben quoi, on n’est pas dans la ville lente ici ?"». L’expression a clairement du mal à passer. «On nous a même demandé de faire changer le nom du label», s’étonne Véronique Marendat. Personne n’avait anticipé une telle réaction. Surtout en Charente, où prendre son temps est un leitmotiv. Et pour cause : au pays du cognac, le temps a une valeur. «Pour nous, c’est un outil de travail», raconte une productrice. Il suffit de rentrer dans un chai de vieillissement pour le comprendre. Dans un silence absolu, les fûts d’eau-de-vie ambrée patientent jusqu’à ce qu’ils donnent le meilleur d’eux-mêmes. Et, souvent, ceux qui y reposent le plus seront les plus précieux.
Illustration Laurent Lolmède
Par LISA VIGNOLI Envoyée spéciale à Segonzac (Charente)
25/04/2011
Un escargot dans une ferme à escargot bulgare,
en 2009. (Stoyan Nenov / Reuters)
en 2009. (Stoyan Nenov / Reuters)
Et si Segonzac devenait aussi célèbre que son voisin Jarnac ? En Charente, à 9 kilomètres seulement du fief de feu François Mitterrand, ce village, situé en plein cœur des vignes, vit depuis quelques mois une expérience qui fait beaucoup parler : l’adhésion à «Città Slow», le réseau international des «villes lentes» (lire ci-contre). La commune est en effet la première en France à avoir obtenu ce label, créé en 1999 dans la lignée du mouvement italien slow-food. L’idée ? Se concentrer sur une meilleure qualité de vie et créer un environnement sans pression des horaires. Très tendance à l’heure où on dénonce la dictature de l’urgence.
Escargots. L’hôtel de ville donne le ton. Des sculptures d’escargots, qu’on appelle ici «cagouilles», symboles par excellence du mouvement, trônent sur les comptoirs, consoles et bureaux. S’ils font sourire le maire, Véronique Marendat, l’intérêt est, pour elle, avant tout de faire de Segonzac un «village où il fait bon vivre». Pour obtenir ce label, décerné par un comité scientifique, il a fallu respecter 70 critères, allant du respect de l’environnement à l’hospitalité en passant par la réduction du bruit.
Colette Laurichesse, adjointe au tourisme et à la culture, a mené le projet de A à Z et se dit fière d’en être arrivée là. Elle évoque ses nombreuses initiatives. Pour éviter que les supermarchés deviennent la norme, elle a fait revenir les commerçants de proximité qui avaient déserté le «centre-bourg» : «On va enfin avoir un boucher avant la fin de l’année, ça faisait un moment qu’on l’attendait.» Aussi, afin de privilégier les acteurs régionaux, tous les dimanches, un rassemblement de producteurs de la région, pour férus de panier bio et autres locavores, a été instauré sur l’esplanade du triangle d’or mairie-église-boulangerie.
Parmi les commandements slow, nombreux sont ceux qui font la part belle à l’écologie. A Segonzac, la consommation d’énergie a été réduite dans tous les lieux publics : écoles, maison de retraite, médiathèque… sont chauffés au bois et non au gaz. En outre, chaque foyer possède sa poubelle individuelle de tri sélectif, et les murs du futur hôpital sont entièrement végétalisés.
Côté transports, les pistes cyclables prennent toute leur place, tandis que les voitures sont appelées à ralentir, voire à s’effacer au profit de voies piétonnes. Mais on milite aussi pour un aménagement urbain raisonné. Résultat, les espaces verts sont rois, on construit des maisons passives et, pour éviter le mitage du territoire, on privilégie le patrimoine déjà bâti au détriment d’une construction à tout va.
Derrière cette philosophie, il y a des actes concrets, une révolution lente. Néanmoins, insiste l’adjointe, «il nous reste des choses à améliorer», comme parvenir à ce que le label devienne fédérateur pour les gens. Pour ça, on envisage notamment la création de jardins partagés, où chacun viendra récolter ce qu’il a semé.
«Mou». Aujourd’hui, dans ce village de 2 200 habitants, c’est davantage la municipalité que les Segonzacais qui porte ce label. Pour eux, ce côté «ville lente» est loin de faire rêver. Instinctivement, «les gens font le raccourci entre lent, mou et peu dynamique», raconte une mère de famille.
Ils sont peu nombreux à vouloir d’une ville en sommeil, d’une bourgade qui ronronne. La veille, d’ailleurs, raconte Delphine, gérante du (seul et unique) Café de la place, «j’ai vu arriver un habitué, le dos volontairement courbé et qui marchait au ralenti. Quand je lui ai demandé pourquoi il avait cette allure de vieillard, il m’a répondu : "Ben quoi, on n’est pas dans la ville lente ici ?"». L’expression a clairement du mal à passer. «On nous a même demandé de faire changer le nom du label», s’étonne Véronique Marendat. Personne n’avait anticipé une telle réaction. Surtout en Charente, où prendre son temps est un leitmotiv. Et pour cause : au pays du cognac, le temps a une valeur. «Pour nous, c’est un outil de travail», raconte une productrice. Il suffit de rentrer dans un chai de vieillissement pour le comprendre. Dans un silence absolu, les fûts d’eau-de-vie ambrée patientent jusqu’à ce qu’ils donnent le meilleur d’eux-mêmes. Et, souvent, ceux qui y reposent le plus seront les plus précieux.
Illustration Laurent Lolmède
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