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dimanche 8 mai 2011

«Un groupe, cela se construit»
Nicole Catheline
, pédopsychiatre


Interview
Par NOÃMIE ROUSSEAU

Nicole Catheline est pédopsychiatre au centre hospitalier Henri-Laborit à Poitiers. Elle est l’auteure de Harcèlement à l’école (1).
Y a-t-il un profil de l’élève harcelé ?
Il n’y a pas de «type» avec d’un côté la pauvre victime et de l’autre le vilain harceleur. Ils passent de l’un à l’autre, se ressemblent, notamment par leur devenir, avec des épisodes dépressifs et suicidaires, des difficultés à s’intégrer, une instabilité affective à long terme. Leur proximité tient au même besoin identitaire : comment je me situe par rapport aux autres ?
Comment en arrive-t-on à des situations de harcèlement ?
Les adultes considèrent que le monde des enfants leur appartient, qu’ils n’ont pas à aller y voir. Jusqu’aux années 60, cela pouvait fonctionner, car toute la vie était articulée autour de groupes. Aujourd’hui, l’individualisme a pris le pas, l’école est devenue le seul lieu où le groupe est obligatoire pour les enfants. Mais un groupe, cela se construit. Et les enfants ne savent plus comment faire. Livrés à eux-mêmes ils peuvent se transformer en petits monstres. Les adultes ne s’en doutent pas toujours et les laissent dans des situations dramatiques. Il faut intervenir, il suffit souvent de dire : «Si on te faisait la même chose, est-ce que tu accepterais ?» L’enfant répond en général ne pas s’être rendu compte de son comportement.
Pourquoi y a-t-il urgence à agir maintenant ?
Avant, les inhibés, les timides, trouvaient du travail, s’intégraient. Aujourd’hui, ce n’est plus le cas. C’est un vrai problème de société. Il ne s’agit pas d’une simple question de surveillance des cours de récréation, à laquelle il faut répondre par un discours sécuritaire. En 1968, on s’est libérés d’une société paternaliste et hiérarchisée. Mais la tradition judéo-chrétienne est encore fortement présente, avec cette idée : les bons élèves font des efforts, on apprend dans la douleur. Et, finalement, une certaine violence dans l’éducation est tolérée.

(1) Ed. Albin Michel, 2008.

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