Prisons : chronique d’un chaos sanitaire
Industrialisation de la captivité, chaos de la prise en charge des mineurs, crise des soins psychiatriques en détention, abus du concept de dangerosité, dénigrements du secret médical… Le Contrôleur général des lieux de privation de liberté publie un rapport annuel sans concession sur la santé et la vie en prison.
LA RÉALITÉ des prisons est encore souvent celle de la vétusté « et quelquefois du sordide, dans des établissements anciens et mal entretenus », écrit Jean-Marie Delarue en préambule de son rapport annuel présenté ce mardi. Alors que la population carcérale a augmenté de 7 % ces derniers mois, il est plus que jamais urgent d’améliorer les conditions de vie aussi bien dans les vieux établissements que dans les plus récents, considère le Contrôleur général des lieux de privation de liberté (CGLPL). « Si l’État sait construire, il ne sait pas entretenir. »
Dans la plupart des établissements – centres de rétention, commissariats de police, établissements pénitentiaires, hôpitaux psychiatriques - les moyens dédiés à l’entretien des locaux restent très insuffisants. « C’est d’autant plus nécessaire que dans ces lieux-là, la colère et l’angoisse des personnes se passent sur le matériel » indique le CGLPL. Dans son rapport annuel, il pointe le mouvement de « déshumanisation » de la politique carcérale actuelle, qui privilégie la construction de nouveaux établissements de taille « industrielle » où la liberté de mouvement est toujours plus restreinte. « Si la socialisation n’est plus assurée, la réinsertion sera moins garantie », commente-t-il.
S’agissant des mineurs, les perspectives de réinsertion restent largement entravées par les incohérences du système pénitentiaire. « Avec des bonnes volontés prodigieuses, on fait des choses complètement chaotiques. D’un établissement pour mineurs à un autre, on a des projets pédagogiques, des pratiques, des comportements d’adultes qui sont complètement différents ». Sachant qu’un mineur change très régulièrement de centre, « impossible pour lui de s’y retrouver », souligne Jean-Marie Delarue.
Dangerosité.
Le CGLPL met par ailleurs en doute la pertinence des modalités actuelles d’évaluation de la dangerosité du détenu comme moyen de prévenir la récidive. « De plus en plus, la personne détenue est prise dans un réseau d’entretiens ou de procédures diverses par lesquels elle est sommée de dire ce qu’elle est », décrit Jean-Marie Delarue, qui se dit « réticent » à l’égard de cette « fausse science » du comportement. Laquelle prétend préfigurer une conduite future en se polarisant sur « l’affaire » à l’origine de la détention de la personne et la manière dont elle se comporte en prison. « Il n’y aura pas de véritable réinsertion, pas de prévention de la récidive si la totalité de ce qu’est une personne n’est pas prise en compte », prévient le CGLPL.
Sur la question de l’accès aux soins en lieux de détention, si les urgences et soins quotidiens de base se révèlent dans l’ensemble d’un niveau satisfaisant, le CGLPL pointe en revanche l’insuffisance de prise en charge des malades chroniques avec de grandes difficultés d’accès aux soins spécialistes. « Résultat, ces détenus survivent dans des conditions extrêmement difficiles ». Pour le CGLPL, « les agences régionales de santé doivent être attentives à la manière dont les hôpitaux remplissent leurs obligations » de soins à l’égard des personnes détenues.
Dans son rapport, Jean-Marie Delarue se dit également « préoccupé de l’état des soins psychiatriques » pour lesquels il ne constate aucune amélioration. Il souligne qu’un certain nombre de droits fondamentaux restent encore « méconnus en détention », comme « le droit à la santé » qui reste fréquemment mis à mal dès la garde à vue. Enfin, « la protection du secret médical au sein des établissements pénitentiaires est le sujet le plus délicat », estime Jean-Marie Delarue
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