Le dess(e)in de l’architecte pour apaiser le malade psychiatrique
13/05/2011 | |
Fondé en 1903, Le Moniteur des Travaux publics et du Bâtiment est une référence majeure de la presse spécialisée dans le secteur de la construction. Or voici qu’un numéro relativement récent de cet hebdomadaire est susceptible d’intéresser aussi les professionnels de la psychiatrie, puisqu’un dossier y est consacré à l’architecture des hôpitaux psychiatriques qui « n’a cessé d’évoluer depuis les années 1960, en lien étroit avec les approches thérapeutiques. »
Les auteurs décrivent ainsi plusieurs réalisations exemplaires où le projet architectural lui-même « contribue à guérir, non à punir », comme l’explique l’architecte Victor Castro, évoquant à ce propos les écrits du philosophe Michel Foucault sur l’hôpital et la prison. Les psychiatres jugeraient ainsi « contraire aux soins » tout « l’arsenal sécuritaire » déployé dans les UMD (unités pour malades difficiles) : « fenêtres à barreaux, architecture panoptique (sans possibilité d’échapper aux regards), mur d’enceinte haut de cinq mètres. » Victor Castro rappelle à cet égard l’une de ses avancées architecturales pour humaniser concrètement l’hôpital psychiatrique : à l’UMD de Villejuif (Val-de-Marne), il a « pu supprimer les fossés qui, comme au Moyen Âge, entouraient le bâtiment. » Autre piste de réflexions : la ligne courbe, perçue comme un « élément thérapeutique à part entière » susceptible d’apporter « la douceur et la fluidité spatiale nécessaires aux malades mentaux. » Et on pourrait presque considérer l’architecture comme une discipline paramédicale. Surtout en psychiatrie, « domaine de la santé où l’architecture peut le plus contribuer à la guérison », selon une autre architecte, Pascale Richter.
L’apaisement est en effet le préalable à toute guérison, et comment apaiser dans un environnement angoissant ou austère ? Trop ou, au contraire, trop peu stimulant ? Perçu comme un site d’enfermement plutôt qu’un lieu de soins ? L’hôpital psychiatrique doit réaliser la prouesse paradoxale de constituer à la fois « un îlot de calme » rassurant « au milieu de l’agitation urbaine », et une structure assez stimulante pour prévenir un enlisement dans la chronicité. Bref, ne s’apparenter ni au Charybde d’une succursale trépidante d’un hôpital général, ni au Scylla d’un « jardin d’oubli » pour Belle-au-Bois-Dormant. Et dans cette manœuvre délicate, on doit compter aussi sur les cartons à dessins des architectes.
Dr Alain Cohen
Guislain M et coll. : « Hôpitaux psychiatriques sur mesure » Le Moniteur, 2010 ; 5555 : 50-54.
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