ENTRETIEN
Réforme de l'hospitalisation psychiatrique : "Une externalisation de l'asile"
13/05/2011
Sur Le Post, le psychiatre Pierre Paresys explique son opposition au texte adopté vendredi au Sénat.
Centre Hospitalier Spécialisé Charcot à Caudan dans le Morbihan. | MAXPPP
Le Sénat a adopté vendredi un projet de loi sur l'hospitalisation d'office pour troubles mentaux. Voulu par Nicolas Sarkozy fin 2008 après le meurtre d'un étudiant à Grenoble par un malade enfui d'un hôpital psychiatrique, ce texte est très complexe, car il articule santé, liberté, et sécuritéIl a a suscité la colère de tous les syndicats de psychiatres, rejoints par des syndicats de magistrats, qui le jugent "plus sécuritaire que sanitaire". Et a donné lieu à un imbroglio parlementaire avec démission du rapporteur de la loi à la clef. La majorité a voté ce texte sans enthousiasme mais "dans un esprit de responsabilité", selon les termes de Marie-Thérèse Hermange (UMP).
La mesure phare est la possibilité d'imposer des soins ambulatoires psychiatriques sans consentement. Le texte prévoit également que l'hospitalisation d'office passera obligatoirement par une période d'observation de soixante-douze heures en hospitalisation complète, mesure qualifiée de "garde à vue psychiatrique" par les opposants au texte.
Le projet de loi va repartir pour une deuxième lecture devant les députés.
Sur Le Post, Pierre Paresys, vice-président de l'Union syndicale de la psychiatrie et signataire de l'Appel du Collectif des 39 Contre La Nuit Sécuritaire, explique pourquoi il s'oppose à cette réforme.
Vous dénoncez "le mensonge contenu dans une loi qui prétend améliorer la qualité et l'accès aux soins psychiatriques". C'est à dire ?
"Le mensonge de base c'est le mensonge du risque zéro. Ça n'existe pas, sinon c'est la mort, il n'y a qu'à partir de là qu'on ne risque plus rien. Si on laisse croire à la population que c'est quelque chose de possible c'est extrêmement dangereux. Il laisse penser qu'il y a des solutions miracles et rapides, c'est faux."
La mesure qui prévoit des soins ambulatoires psychiatriques sans consentement est la plus contestée. Pourquoi ?
"Ce texte va refonder la psychiatrie sur la contrainte, qui doit être une mesure exceptionnelle. Si l'environnement social, politique ou familial pense que la contrainte suffit pour que tout se passe bien, on va nous la demander. Mais c'est néfaste à la fois pour le patient, la famille et l'équipe soignante. Si les gens ne sont pas partie prenante, il ne peut rien se passer."
On pourrait penser que c'est une bonne chose de ne pas enfermer systématiquement les patients. Non ?
"Il s'agit en fait d'une externalisation de l'asile. C'est comme avoir un bracelet électronique. C'est tellement simple de laisser croire que donner des médicaments suffit mais ce n'est pas exact."
Vous dénoncez aussi une confusion entre la maladie mentale et culpabilité.
"Le gouvernement applique une stratégie du bouc émissaire, comme on l'a vu récemment avec le RSA. Actuellement si vous réclamez des caméras, vous les aurez plus vite que si vous réclamez du personnel. Ça ne va pas nous aider à améliorer l'accueil et l'écoute."
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