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mercredi 23 février 2011

Réforme de la Psychiatrie : Une déraison d’État

 « La liberté aussi est thérapeutique »
 Par Yves Gigou
Édition : Contes de la folie ordinaire
22 Février 2011

La justice, les magistrats, les professionnels du monde judiciaire sont attaqués, dénoncés comme coupables des crimes commis, dénigrés, comme jamais. L'école, les enseignants, les parents tout autant. La psychiatrie, les fous, les malades mentaux, les professionnels des soins psychiatriques ne sont pas en reste.

« La liberté aussi est thérapeutique »

Depuis son arrivée au ministère de l'Intérieur, Nicolas Sarkozy n'a eu de cesse de mettre en œuvre son obsession : assimiler les malades mentaux à des délinquants. En février 2007, sous la pression de la mobilisation des professionnels, des associations de familles et d'usagers de la psychiatrie, il a retiré cette disposition de sa loi de Prévention de la Délinquance. En promettant qu'il y reviendrait ....

Ce fut chose faite avec son discours, prononcé le 2 décembre 2008 à l'hôpital Érasme d'Antony en tant que Président de la République. L'auteur de l'Éloge de la Folie qui a donné son nom à cet établissement psychiatrique a dû se retourner dans sa tombe. « Les malades mentaux sont, selon ce Président, potentiellement dangereux, voire criminels ».

Depuis ce discours, le grand renfermement a commencé. Augmentation des chambres d'isolement, construction de murs, élévation des grillages, installation de caméras dans les hôpitaux et même dans certains services! Un budget de 70 millions d'euros a été immédiatement débloqué uniquement pour ces équipements sécuritaires. Les moyens, pour lespersonnels soignants, pour l'amélioration des conditions d'accueil et de soins attendront.

Le pacte républicain qui soutient la séparation des pouvoirs, est rompu : les préfets discréditent les avis des psychiatres, décident contre leur avis. Si l'hospitalisation protège le patient pour des soins, celle-ci devient un enfermement arbitraire quand le préfet refuse la sortie demandée par le psychiatre.

C'est dans ce contexte, dans ce climat délétère et morbide que nous est proposée une modification de la loi de 1990, avec un projet de loi qui donne un cadre juridique à cette dérive sécuritaire.

Masqué par une appellation toute séduisante :« Projet de loi relatif aux droits et à la protection des personnes faisant l'objet de soins psychiatriques et aux modalités de leur prise en charge», il a été adoptée au Conseil des Ministres du 26 janvier 2011,et va être débattu au Parlement au printemps.

Ce texte s'inscrit dans le droit fil du projet sécuritaire de Nicolas Sarkozy. Explicitement énoncé dans l'exposé des motifs :

« Divers événements dramatiques survenus ces derniers temps attestent de la nécessité, rappelée par le Président de la République, de mieux encadrer les sorties des établissements de santé et d'améliorer la surveillance de certains patients ».

Au sécuritaire, s'associent l'objectif strictement gestionnaire qui met le contenu des soins à l'arrière plan, et l'idéologie du principe de précaution appliquée en contre-point des risques encourus par tout un chacun.

Dans un vocabulaire relevant du code pénal, il cautionne la défiance à l'égard de citoyens souffrants. Dans ce dispositif, seul le trouble à l'ordre public est pris en compte.

Ce projet de loi s'inscrit dans une stratégie de communication qui s'appuie sur l'amalgame « fou - dangerosité », utilisant le désarroi des familles, et la peur dans l'opinion publique. Le recours désormais facile à la disqualification des professionnels, et notamment de ceux qui ont développé des logiques de soins ouvertes et déségrégatives, est sous-jacent dans l'esprit de ce texte, organisé autour de la réduction des soins aux seuls traitements médicamenteux.

Le changement prévu par le gouvernement est une modification sans précédent, un bouleversement sociétal sous la parure d'une meilleure gestion de l'accès aux soins.

Au cœur de ce dispositif, un changement paradigmatique sans précédent : l'institution des « soins » sans consentement en ambulatoire.

Depuis la loi de 1838, l'hospitalisation seule pouvait faire l'objet d'une contrainte identifiant les soins à un lieu.Ce projet de loi n'identifie plus l'hospitalisation, mais les soins eux-mêmes à la contrainte, les réduisant à une pure surveillance. L'obligation prend le pas sur le contenu même du soin. Cette dérive vers la surveillance, le contrôle des patients penche dangereusement vers des choix totalitaires, des choix «contrôlitaires ». C'est un lourd tribut : le monde de la psychiatrie, la société française sont-ils prêts à s'y soumettre ? à le payer ?

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