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mercredi 23 février 2011

L'accouchement sous X est dans l'intérêt de l'enfant
08.02.11
 
L'accouchement sous X lèse-t-il les enfants concernés en les privant d'un "droit à connaître leurs origines personnelles" ? La conviction s'en est développée, que relaie un récent rapport parlementaire de Brigitte Barèges ; mais c'est pourtant inexact.
Certains enfants ainsi venus au monde attribuent à ce protocole la raison d'une souffrance qu'ils éprouvent ; or il n'en est pas la cause. La preuve en est qu'une minorité seule des jeunes ainsi nés clame sa colère, certes bruyamment et de manière démonstrative ; une grande majorité demeure cependant silencieuse, parce qu'elle a dépassé depuis longtemps, au sein de la vie familiale qu'a procuré l'adoption, la question suscitée par l'abandon premier.
Cette minorité protestataire n'est pas une avant-garde combative cinglant un préjudice social, comme se plaisent à le considérer des médias friands de causes dont se faire les hérauts ; elle est une fraction qui se débat avec la souffrance commune d'un débat tumultueux avec le milieu familial, identique à celle d'autres jeunes qui n'ont pas connu un abandon originel et donc connaissent leurs génitrice qui est aussi leur mère, mais sont en difficulté relationnelle avec elle.
L'accouchement sous X n'a en rien privé les enfants d'une information utile à leur épanouissement ; les fameuses "origines" se cherchent pour tout un chacun d'entre nous depuis les désirs de nos parents de nous avoir eus comme leur enfant, et non dans une attestation génétique. Il n'y a pas de spécificité au fait d'être "né sous X", et aucun préjudice dès lors qu'a été organisée l'adoption ; l'abandon fut une fracture sans doute, mais il fut un geste louable puisqu'il a donné sa chance à l'enfant et lui a ouvert une vraie destinée dans une autre famille, celle qui construit son identité et forge son origine : l'important est de l'aider à tourner cette page, ce qui est possible par l'aide psychologique, et non de l'y ramener par des décisions sociales inconséquentes, dont la moindre n'a pas été la création d'un Conservatoire national d'accès aux origines personnelles.

LA CONSTITUTION DU LIEN DE FILIATION

Un actuel courant d'opinion dénigre l'accouchement sous X, "spécificité française" taxée d'archaïsme, alors qu'elle est un principe d'inscription de l'enfant  dans sa famille dont la prise en compte, valorisée par la culture française, est un principe flatteur ; des conventions internationales sont convoquées pour plaider un "droit à connaître ses origines personnelles", alors qu'elles résument celle-ci au génétique. Ces appréciations éprises de mœurs anglo-saxonnes en matière familiale oublient les graves travers de celles-ci, n'accordant des droits à l'enfant que pour les avoir préalablement privés de l'essentiel ; la spécificité française est au contraire de se baser sur cet essentiel : la constitution du lien de filiation, qui le fait fils ou fille des ses parents, base de son identité parce que l'enfant grandit depuis les désirs d'être l'enfant attendu par ses parents.

L'"accouchement dans la discrétion" que fait miroiter le récent rapport entraverait cette constitution, en entretenant un fil factice, qui d'abord va gêner la femme qui doit renoncer à devenir la mère de l'enfant pour des raisons personnelles, mais surtout piéger l'enfant, non certes pas celui qui, cas heureusement le plus fréquent, trouvera sa voie dans sa famille adoptive, mais celui, pour qui sont faites les lois, qui s'y trouvera en difficulté : celui ayant du mal à se restaurer dans l'estime de soi mise à mal par l'abandon premier, qui va se précipiter dans le leurre que constitue "la recherche des origines personnelles", hanté du sentiment d'avoir quelque chose à attendre des "retrouvailles". Alors que son enjeu secret est ne parvenir à se pardonner de n'avoir pas été l'enfant attendu par la femme qui le mit au monde, alors qu'il n'y pouvait rien.

L'accouchement sous X, clé de l'adoption plénière, ne prive pas l'enfant ; il permet de l'orienter vers ce qui devient sa filiation effective, pivot de son "origine personnelle", qui repose pour chacun sur la romance, heureuse espérons-le, mais parfois plus irritante, d'avoir été attendu par ceux-là devenus nos parents par le destin. L'anonymat, pour l'accouchement sous X comme pour le don de gamètes, ne constitue en rien un détriment pour les enfants concernés, mais au contraire un facteur essentiel de leur épanouissement. Mais c'est vrai, ceux qui en sont la preuve ne prennent pas part au débat social tonitruant sur le thème. Cet article propose d'écouter leur silence éloquent, signe d'un apaisement propice, avant toute décision hâtive.

Christian Flavigny a publié Parents d'aujourd'hui, enfant de toujours (Armand Colin, 2006), Avis de tempête sur la famille (Albin Michel, 2009) et Et si ma femme était mon père – Les nouvelles familles-gamètes (Éd. LLL, 2010).
Christian Flavigny, psychanalyste, département de psychanalyse de l'enfant, hôpital de la Salpêtrière (Paris)

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