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Articles, témoignages, infos sur la psychiatrie, la psychanalyse, la clinique, etc.

dimanche 29 mars 2020

Pr Aïda Sylla clarifie et... fortifie la police



Nando Cabral GOMIS | 30/03/2020

Invitée de l’émission Objection de la radio Sud Fm (privée) hier, dimanche 29 mars, le professeur titulaire de psychiatrie à l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar, Aida Sylla, a indiqué au sujet de la vague de réactions hostiles face aux mesures d’état d’urgence et de couvre-feu prises par le Gouvernement pour lutter contre la propagation du Covid-19 que cela est lié au fait que «l’être humain n’aime pas changer». Appelant ainsi à l’implication de tous dans la lutte, elle a cependant insisté sur la nécessité pour les forces de défense et de sécurité de faire respecter les consignes des spécialistes de santé.
 
La propagation rapide à travers le monde du nouveau coronavirus, apparu en Chine au mois de décembre 2019, et qui compte aujourd’hui environ 659.000 cas confirmés répartis au niveau de 175 pays dont le Sénégal rappelle la « fragilité de notre système mondial », selon Aida Sylla, professeur titulaire de Psychiatrie à l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar.

Ainsi, pour faire face à la propagation rapide de cette pandémie au Sénégal où 142 cas confirmés dont 27 cas guéris et 115 encore sous traitement sont enregistrés en moins d’un mois, le professeur titulaire de psychiatrie prône la mobilisation de tout le monde pour casser la chaine de propagation du Covid-19. Invitée de l’émission Objection de la radio Sud Fm (privée) hier, dimanche 29 mars, le professeur Aida Sylla a, par ailleurs, jugé compréhensible la vague de  réactions hostiles aux mesures d’état d’urgence et de couvre-feu prises par le Gouvernement pour lutter contre la propagation du Covid-19, constatées lors de la première journée d’entrée en vigueur de ces dites mesures.


Coronavirus : le difficile accompagnement des malades en fin de vie

Les cas de personnes âgées souffrant de détresse respiratoire aiguë se multiplient dans des hôpitaux franciliens débordés. Les Ehpad seront également confrontés à des décisions complexes.
Par  et  Publié le 28 mars 2020
Comment accompagner la fin de vie des patients atteints du Covid-19 qui ne peuvent pas être pris en charge en réanimation ? Dans les hôpitaux franciliens, la question se pose avec acuité aux soignants qui voient affluer, depuis quelques jours, un nombre important de patients très âgés souffrant d’une détresse respiratoire aiguë. « Pour la majorité d’entre eux, nous savons que la réanimation n’est pas possible car ils n’en réchappent pas », souligne Eric Pautas, gériatre référent de la cellule de crise de l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP). Pour autant, impossible de les laisser mourir sans soins : il faut donc désormais organiser, dans l’urgence, leur prise en charge dans, et en dehors de l’hôpital.
Afin d’« aider les équipes à “inventer une réponse à l’urgence imposée par l’épidémie de Covid-19 », un document a été diffusé le 19 mars aux établissements de l’AP-HP. Plusieurs options sont détaillées pour organiser la prise en charge des patients incurables et leur permettre « de finir leur vie le plus sereinement possible, ou tout au moins le moins mal possible, dans ce contexte exceptionnel ». Il suggère notamment que des unités de soins palliatifs temporaires soient créées « lorsque les capacités de services de soins qui accueillent les patients atteints du Covid-19 sont mises en difficulté ».
De tels services, déjà mis en place dans certains hôpitaux, ont pour objectif d’accueillir les patients qui ne peuvent pas être réanimés, et pour lesquels un retour à la maison ou en établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) n’est pas possible. Afin d’aider les soignants des services de réanimation dans leur décision de récuser un patient, des « cellules éthiques de soutien » pourront être mises en place.

Nettoyage, entrepôts, livraisons… les travailleurs étrangers en première ligne face au coronavirus

Les secteurs du nettoyage, de la sécurité ou de la livraison recourent beaucoup aux travailleurs issus de l’immigration, parfois sans papiers. Et souvent sans protections.
Par  Publié le 27 mars 2020
Un livreur à Paris, le 18 mars, jour 2 du confinement. Plusieurs syndicats et collectifs de livreurs ont demandé leur « arrêt immédiat », avant que les livreurs ne tombent comme des mouches », disent-ils dans un communiqué, publié jeudi 26 mars
Un livreur à Paris, le 18 mars, jour 2 du confinement. Plusieurs syndicats et collectifs de livreurs ont demandé leur « arrêt immédiat », avant que les livreurs ne tombent comme des mouches », disent-ils dans un communiqué, publié jeudi 26 mars PHILIPPE LOPEZ / AFP
Hamidou Sow prend le bus, le RER et le métro tous les matins. Depuis la Seine-Saint-Denis, où il habite, il rejoint le sud de Paris. Ce Sénégalais de 38 ans travaille dans le nettoyage et son employeur ne lui a pas donné congé. Au contraire. Sur un chantier géré par un grand groupe de BTP, il récure bungalows, toilettes et espaces de restauration au quotidien.
« Mercredi, on nous a fourni des gants, des masques, du gel hydroalcoolique », énumère-t-il. Alors, il se sent « un peu protégé ». Hamidou Sow est en cours de régularisation. Comme de nombreux travailleurs étrangers, il évolue dans des secteurs aujourd’hui fortement sollicités, malgré les consignes de confinement. « Les travailleurs étrangers, avec ou sans titre de séjour, sont en première ligne dans les activités de nettoyage, de ramassage et de tri de déchets, d’aide à la personne, d’agriculture ou de commerce, indispensables aujourd’hui », considère Marilyne Poulain, chargée des questions liées aux travailleurs sans papiers à la CGT
Mahamadou Kebbe, Franco-Malien de 33 ans, est agent de sécurité. Il travaille le week-end à l’accueil des urgences d’un hôpital de Seine-Saint-Denis. « C’est très compliqué, reconnaît-il. Je vois beaucoup de monde avec des symptômes du virus. Je regarde deux ou trois fois par jour ma température et j’ai décidé de ne plus faire de ronde dans les services. » Malgré la situation, l’employeur de Mahamadou Kebbe ne lui a pas fourni d’équipement de protection, faute de disponibilité. « Si l’hôpital ne nous en avait pas donné, on serait en danger », souligne-t-il.

« Il faut agir au plus vite si nous voulons éviter l’hécatombe en Afrique » : l’appel de Denis Mukwege, Prix Nobel de la paix

Le gynécologue congolais, prix Nobel de la paix 2018, alerte sur l’urgence de la situation sanitaire pour le continent le plus pauvre de la planète.
Propos recueillis par  Publié le 28 mars 2020
Devant un supermarché dans le quartier d’Hillbrow à Johannesburg (Afrique du Sud), le 27 mars.
Devant un supermarché dans le quartier d’Hillbrow à Johannesburg (Afrique du Sud), le 27 mars. MARCO LONGARI / AFP
Alors que la pandémie de Covid-19 a déjà mis à l’arrêt une partie de la planète, l’Afrique, qui semblait dans un premier temps résister, voit avec frayeur ce nouveau coronavirus toucher jour après jours des territoires nouveaux.
Si les mesures de prévention se multiplient, beaucoup de celles qui font leurs preuves dans l’hémisphère Nord restent inapplicables sur le continent le plus pauvre.
Depuis son hôpital de Panzi, dans l’Est de la République démocratique du Congo (RDC), Denis Mukwege, médecin, gynécologue et prix Nobel 2018 de la paix, a confié au Monde sa profonde inquiétude, conscient que l’Afrique n’a « clairement pas les moyens de faire face au fléau ». En revanche, celui qu’on a surnommé « l’homme qui répare les femmes » puisqu’il offre là une chirurgie réparatrice à celles victimes de violences de guerre, s’avoue agacé par le débat sur l’usage de la chloroquine, ce médicament antiviral qui, pour certains, n’a pas suffisamment fait ses preuves pour être largement prescrit.
« Ne perdons pas de temps à polémiquer », conseille le sage. « S’il faut choisir entre laisser mourir un patient et lui administrer un traitement dont on n’a pas encore toutes les garanties d’efficacité mais dont on a vérifié l’innocuité depuis longtemps, je dirais qu’entre deux maux, il faut choisir le moindre. »

Vous venez d’adresser un message pressant à la population de votre pays. Un message sous forme d’alerte, l’appelant à « s’impliquer pleinement pour assurer une riposte efficace à la pandémie » et avertissant « nous devons nous attendre au pire ». Quelles informations avez-vous aujourd’hui sur la propagation du virus en RDC et plus largement en Afrique ?

Denis Mukwege : Selon les statistiques à notre disposition, au moins 43 pays sur les 54 que compte l’Afrique sont déjà touchés, et cette tendance épidémiologique va certainement se renforcer. Il y a en a qui sont plus frappés que d’autres, notamment l’Afrique du Sud avec plus de 400 cas, l’Algérie avec 230 cas, le Maroc 143 cas, le Sénégal avec 79 cas.

Une étude en ligne de l'INSERM pour évaluer le bien-être des personnes confinées


HÉMISPHÈRE GAUCHE

 
Dans un précédent billet, j’évoquais la nécessité d’évaluer les risques psychosociaux et le bien-être mental de la population durant cette période de confinement inédite, ainsi que la nécessité de mettre en place un soutien psychologique aux personnes en difficulté.
Depuis, un groupe de médecins et de chercheurs de l’INSERM a lancé une étude en ligne allant exactement dans ce sens.
Bien que Libération (entre autres) ait déjà publié une brève à ce sujet, cette étude sera d’autant plus informative que les réponses seront nombreuses et étalées dans le temps. Il est également crucial que le profil des répondants soit le plus divers possible. J’encourage donc toutes les personnes qui passeront par ici à remplir le questionnaire — si elle ne l’on pas déjà fait — et à le transmettre à leurs contacts les moins “connectés” (personnes âgées, notamment) en utilisant le lien suivant:

Cela demande environ 15 à 20 minutes, probablement un peu plus si vous aidez une personne âgée ou isolée à compléter l’étude.

Numéro vert et coachs sont proposés aux directeurs pour les aider à gérer le Covid-19

Publié le 30/03/20

Rompre l'isolement, réduire l'anxiété, prendre du recul, éviter de sombrer dans le mal-être... Pour tenter d'épauler des directeurs débordés 24h/24 dans leur gestion de la crise sanitaire liée au Covid-19, le CNG s'organise. Outre l'appel à volontaires, une cellule d'écoute téléphonique psychologique a été ouverte et le travail des coachs étoffé.
C'est dans le champ du médico-social, et surtout dans les Ehpad isolés, que le travail de crise des directeurs se révèle le plus compliqué, avec de nombreux dysfonctionnements avérés dans la lutte contre le coronavirus.
C'est dans le champ du médico-social, et surtout dans les Ehpad isolés, que le travail de crise des directeurs se révèle le plus compliqué, avec de nombreux dysfonctionnements avérés dans la lutte contre le coronavirus.

Dans les établissements publics de santé, sociaux et médico-sociaux, les personnels de direction sont également en première ligne face à la propagation du coronavirus. Certes, la situation s'avère extrêmement hétérogène selon les territoires. En toute logique, cela dépend de l'état d'avancée de la vague de Covid-19 mais pas seulement. Selon les ARS ou encore les groupements hospitaliers de territoire (GHT), les retours du terrain peuvent varier du tout au tout, comme l'ont témoigné ce 30 mars à Hospimedia les responsables du Syncass-CFDT, du SMPS et du CH-FO.

Les leçons du confinement à Wuhan et Singapour

PAR 
DR IRÈNE DROGOU - 
 
PUBLIÉ LE 31/03/2020

Deux études de modélisation se sont intéressées à l'effet de la distanciation sociale sur l'épidémie à coronavirus, l'une à Wuhan et l'autre à Singapour. Un prolongement du confinement dans la ville chinoise jusqu'en avril, plutôt que mars, permettrait d'éviter un deuxième pic en juin. Le télétravail et la quarantaine semblent être à prioriser sur la fermeture des écoles, la combinaison des trois restant la plus efficace.
Il ne fait aucun doute que les mesures de distanciation sont efficaces
Il ne fait aucun doute que les mesures de distanciation sont efficaces
Crédit photo : Phanie
Mise en quarantaine des cas et des proches, fermeture des écoles, télétravail, ces mesures de distanciation sont la seule arme actuellement en France pour infléchir l'épidémie de Covid-19.
Dans quelle mesure sont-elles efficaces ? Lesquelles ont le plus d'impact ? Une étude de modélisation à Singapour (1) donne des éléments de réponse dans « The Lancet Infectious Diseases ». À la question qui s'ensuit de savoir jusqu'à quand les prolonger, une étude menée dans la ville de Wuhan (2) laisse entendre dans « The Lancet Public Health » qu'il faut les poursuivre suffisamment longtemps si l'on veut éviter un deuxième pic trop précoce.
Pour les chercheurs de l'université de Singapour, il ne fait aucun doute que les mesures de distanciation sont efficaces contre le SARS-CoV-2, dans les quatre scénarios étudiés et mis en place après la détection de 100 cas dans la population : quarantaine seule, quarantaine et télétravail (défini par au moins 50 % de la force de travail exerçant au domicile pendant 15 jours), quarantaine et fermeture des écoles (pendant 15 jours) ou la combinaison des trois mesures. Au 80e jour, l'approche maximaliste se révèle être la plus efficace, puis viennent ensuite, par ordre de performance, la quarantaine et télétravail, la quarantaine et la fermeture des écoles et enfin la quarantaine seule.
Pour le Dr Alex Cook, de l'université de Singapour et coauteur de l'étude : « Ces résultats fournissent aux décideurs publics de Singapour et d'autres pays la preuve que la mise en place de mesures de contrôle peut réduire les taux de transmission locale si le déploiement est opérationnel et à temps ».
Des scénarios selon l'infectiosité et les cas asymptomatiques
Dans leurs simulations, les chercheurs singapouriens montrent que l'approche combinée pourrait prévenir une épidémie nationale pour un faible niveau d'infectiosité (taux de reproduction R0 faible à 1,5) : le nombre d'infections pourrait être diminué de 99,3 %, ont-ils estimé. Mais à des niveaux d'infectiosité plus élevée (R0 modéré à 2,0 ou R0 élevé à 2,5), les choses se révèlent plus compliquées car, même si les interventions sont efficaces, la transmission a toujours lieu : au 80e jour, il y aurait alors 50 000 cas dans la ville avec un R0 à 2,0 (diminution des cas de 93,0 %) et 258 000 pour un R0 à 2,5 (réduction de 78,2 %).
L'impact des cas asymptomatiques est une variable qui peut changer la donne. Si une proportion de 7,5 % a été retenue dans l'étude, il est possible qu'elle soit en réalité de 50,0 %, entraînant alors plus de 277 000 infections au 80e jour même avec l'intervention combinée, par rapport à 1 800 pour une référence avec un R0 à 1,5. « Alors que des proportions élevées d'asymptomatiques diminuent considérablement les effets préventifs (NDLR des mesures de distanciation sociale), la pression exercée est d'autant plus forte sur la quarantaine et le traitement des individus infectés, lequel peut ne plus devenir effectif quand le nombre de sujets infectés excède les capacités du système de soins », explique le Dr Cook.
Un retour au travail étalé dans le temps
Dans la modélisation à Wuhan, les chercheurs de la London School of Hygiene and Tropical Medicine ont évalué l'impact des mesures de restriction d'activité sur l'épidémie en cours. Selon eux, un retour au travail étagé devrait avoir lieu au plus tôt début avril, ce qui permettrait de retarder et de réduire la hauteur du pic ainsi que l'ampleur de l'épidémie à fin 2020, tout en permettant au système de soins de faire face. « Une levée prématurée et soudaine des interventions pourrait mener à un pic secondaire précoce, ce qui peut être évité par un assouplissement graduel des interventions », écrivent-ils. Quant à une possible saisonnalité du SARS-CoV-2, « les effets sont difficiles à prévoir » sans recul suffisant, le lien entre climat et Covid-19 étant « en grande partie anecdotique », est-il rapporté.
D'autres stratégies sont néanmoins possibles et mériteraient d'être modélisées pour en évaluer l'efficacité, comme le dépistage élargi mis en place en Corée du Sud, est-il relevé dans l'éditorial sur Wuhan signé par Tim Colbourn, de l'University College London. « La capacité à tester d'un pays est sans doute le goulot d'étranglement qui détermine l'efficacité d'une telle mesure », explique-t-il.
Pour Joseph Lewnard, de l'université de Californie, dans son éditorial attaché à la modélisation de Singapour, l'impact de ces mesures devra aussi se mesurer en termes socio-économiques, notamment en ce qui concerne les injustices de perte de revenus voire d'emploi : « des politiques pour prévenir ces risques sont nécessaires de façon urgente. Une attention particulière devrait être apportée à la protection des populations vulnérables, comme les sans-abri, les individus incarcérés, âgés ou handicapés, ainsi que les migrants ».
(1) J Koo et al. Lancet Infect Dis. doi.org/10.1016/S1473-3099(20)30190-6
(2) K Prem et al. Lancet Public Health. doi.org/10/1016/S2468-2667(20)30073-6
Dr Irène Drogou


Tous surdoués ?

ÊTRE ET SAVOIR par Louise Tourret

Surdoués, zèbres, élèves précoces ou à haut potentiel... Etre et savoir se penche sur ces enfants un peu à part dont le parcours scolaire peut parfois, paradoxalement, se révéler compliqué.
Enfants à haut potentiel : quelles compétences, quelles difficultés?
Enfants à haut potentiel : quelles compétences, quelles difficultés? Crédits : sturti - Getty
"Mes parents me disent souvent que j’ai une forme différente d’intelligence", c’est ce que me confiait Pierre qui fréquente un dispositif adapté au profil comme le sien au collège Janson de Sailly à Paris, où je suis allée rencontrer éducateurs et élèves, des adolescents dont le QI élevé et les aptitudes parfois hétérogènes peuvent rendre la scolarité compliquée.
"Précoces" ou "à haut potentiel", les termes changent pour les désigner, mais ce qui est certain c’est que ces intelligences hors norme suscitent un grand intérêt actuellement, comme en atteste le succès des ouvrages qui sont consacrés à ce sujet.
En attestent également d'importants colloques organisés par l’Education nationale, comme il y a quelques jours dans l’académie de Versailles, et aussi à Paris, en Sorbonne, colloque qui a attiré un nombre record de participants.

"Sachez, Monsieur le Président, que nous ne laisserons plus nous voler notre vie..." : Annie Ernaux

Lundi 30 mars 2020

Annie Ernaux est écrivain. Elle vit à Cergy, en région parisienne. Son oeuvre oscille entre l'autobiographie et la sociologie, l'intime et le collectif. Dans cette lettre adressée à Emmanuel Macron, elle interroge la rhétorique martiale du Président.
"Monsieur le Président, je vous écris une lettre..."
"Monsieur le Président, je vous écris une lettre..." © Getty / AnthiaCumming

Cergy, le 30 mars 2020

Monsieur le Président,

« Je vous fais une lettre/ Que vous lirez peut-être/ Si vous avez le temps ». À vous qui êtes féru de littérature, cette entrée en matière évoque sans doute quelque chose. C’est le début de la chanson de Boris Vian Le déserteur, écrite en 1954, entre la guerre d’Indochine et celle d’Algérie. Aujourd’hui, quoique vous le proclamiez, nous ne sommes pas en guerre, l’ennemi ici n’est pas humain, pas notre semblable, il n’a ni pensée ni volonté de nuire, ignore les frontières et les différences sociales, se reproduit à l’aveugle en sautant d’un individu à un autre. Les armes, puisque vous tenez à ce lexique guerrier, ce sont les lits d’hôpital, les respirateurs, les masques et les tests, c’est le nombre de médecins, de scientifiques, de soignants. Or, depuis que vous dirigez la France, vous êtes resté sourd aux cris d’alarme du monde de la santé et  ce qu’on pouvait lire sur la  banderole  d’une manif  en novembre dernier -L’état compte ses sous, on comptera les morts - résonne tragiquement aujourd’hui. Mais vous avez préféré écouter ceux qui prônent le désengagement de l’Etat, préconisant l’optimisation des ressources, la régulation des flux,  tout ce jargon technocratique dépourvu de  chair qui noie le poisson de la réalité. Mais regardez, ce sont les services publics qui, en ce moment, assurent majoritairement le fonctionnement du pays :  les hôpitaux, l’Education nationale et ses milliers de professeurs, d’instituteurs si mal payés, EDF, la Poste, le métro et la SNCF. Et ceux dont, naguère, vous avez dit qu’ils n’étaient rien, sont maintenant tout, eux qui continuent de vider les poubelles, de taper les produits aux caisses, de  livrer des pizzas, de garantir  cette vie aussi indispensable que l’intellectuelle,  la vie matérielle.  



"Nous sommes une humanité tellement malade" - Le coup de gueule de Coline Serreau

par Anne Audigier  publié le 
Chaque matin dans Grand Bien Vous Fasse, Ali Rebeihi est en ligne avec une personnalité qui raconte comment elle vit son confinement. Ce matin au bout du fil : Coline Serreau, quelque peu remontée.
Coline Serreau
Coline Serreau © Getty

La réalisatrice qui a signé l'une des plus jolies comédies françaises des années 80, Trois hommes et un couffin, qui a réalisé des films visionnaires, écolos, humanistes et généreux comme La belle verte ou La crise et une fable toujours d'actualité, Romuald et Juliette, n'avait pas très envie de parler d'elle même, mais plutôt de ce virus et de la manière dont nous l'abordons : "Les virus sont puissants et ils peuvent carrément modifier notre génome. Donc, il faut les traiter avec un certain respect ou en tout cas avec modestie, parce qu'il va falloir apprendre à survivre avec eux."

Pour se protéger des virus, il faudra avoir un environnement sain et un système immunitaire qui marche. Et c'est ça qui nous permettra de vivre non pas contre eux, mais de les supporter parce qu'ils seront toujours là.

Les rites de remerciement

La réalisatrice s'avoue frappée par l'intelligence collective qui est en train de naître dans cette crise. "Les Français, poursuit-elle, ont établi des rites de remerciement massifs qui sont suivis. Ce sont de très beaux gestes politiques. Et ça prolonge les grèves contre la réforme et l'action des 'gilets jaunes' qui crient haut et fort ce qui est important dans nos vies. Parce qu'on vit dans un pays où ceux qui assurent les fonctions essentielles, qui font tenir debout la société sont sous-payés, méprisés."
Coline Serreau salue à son tour les aides-soignants, les infirmières et infirmiers, les médecins qui travaillent dans les hôpitaux publics mais aussi les personnels des écoles, les profs, les chercheurs, etc.


samedi 28 mars 2020

Edgar Morin: «Ressentir plus que jamais la communauté de destins de toute l’humanité»

Par Simon Blin — 
Edgar Morin: «Ressentir plus que jamais la communauté de destins de toute l’humanité»

Quasi-centenaire, le sociologue, éternel optimiste, envisage le confinement comme une occasion inespérée de régénérer la notion même d’humanisme, mais aussi pour chacun d’opérer un tri entre l’important et le frivole.

Confiné, il dit s’être senti «projeté psychiquement dans une communication et une communion permanentes» avec le monde auquel il reste virtuellement connecté. Lui qui a toujours vécu pleinement, dont le siècle d’existence est fait de déplacements perpétuels et d’engagements politiques et intellectuels. Né en 1921, Edgar Morin, sociologue, philosophe, «humanologue», dit-il, écrivain mondialement connu, penseur de la «complexité» à l’œuvre abondante et englobante (la Méthode est son œuvre majeure), a vécu la Résistance, traversé le XXe siècle entre émerveillement et révolte. Il revient sur ces deux folles semaines qui ont vu le monde entier touché par la propagation du coronavirus, puis basculer dans l’enfermement généralisé. Le directeur de recherche émérite au CNRS, nonagénaire quasi centenaire à l’optimisme inébranlable et au regard lumineux, voit dans ce moment d’arrêt planétaire l’opportunité d’une «crise existentielle salutaire».

Cynthia Fleury : « L’un des enjeux de l’épidémie est de construire un comportement collectif respectueux de l’Etat de droit »

La philosophe explique, dans un entretien au « Monde », que notre autonomie se construit sur notre dépendance aux autres. Selon elle, l’épidémie rappelle que la santé est un bien commun, non réductible à la marchandisation.
Propos recueillis par  Publié le 27 mars 2020

Yann legendre

Philosophe et psychanalyste, Cynthia Fleury est professeure titulaire de la chaire humanités et santé au Conservatoire national des arts et métiers et dirige la chaire de philosophie à l’hôpital Sainte-Anne (GHU Paris psychiatrie et neurosciences). Membre du Comité consultatif national d’éthique (CCNE), elle a notamment écrit Le soin est un humanisme (Gallimard, 2019), dans lequel elle montre que l’acte de soigner nous relie aux autres et fait notre civilisation.

Face au danger, comment expliquer que nous ayons eu du mal, collectivement, à prendre la mesure de l’épidémie ?

Il y a plusieurs explications : d’abord, une forme de déni protecteur, assez classique, chacun dédramatisant la situation, les pouvoirs publics manquant de lisibilité dans leur communication et n’aidant pas à une prise en considération. Ensuite, le réveil et l’acceptation des restrictions, pour une grande partie de la population.
Reste ceux qui contournent, faisant preuve d’immaturité et d’inconséquence civique, et ceux qui ne sont pas « égaux » dans la capacité à respecter une norme, notamment parce qu’ils sont plus vulnérables. L’un des grands enjeux de cette épidémie est d’apprendre à construire un comportement collectif face au danger, et de le faire tout en respectant l’Etat de droit.

Quels sont les leviers pour y parvenir ?

En philosophie, on oppose la liberté négative, qui est l’absence d’entraves, à la liberté positive, qui articule intérêt particulier et intérêt collectif. Nos sociétés défendent, à juste titre, une conception négative de la liberté. Mais nous redécouvrons aussi la conception positive de la liberté, plus répandue dans les pays où la valeur de la communauté pèse culturellement davantage, ou qui sont habitués à une forme d’autoritarisme, voire de patriarcat, ou qui sont simplement plus disciplinés, bref plus familiers avec la compétence d’inhibition et le respect d’autrui. Mais la liberté positive connaît aussi ses dérives. L’articulation des deux conceptions est nécessaire.

Coronavirus. L'hôpital psychiatrique du Rouvray s'adapte dans l'unité


Publié le 


Le centre hospitalier du Rouvray met à disposition du CHU de Rouen une de ses unités. 

(illustration)


Personne n'a oublié la grève de la faim qui a secoué le centre hospitalier psychiatrique du Rouvray, en mai 2018. Les syndicats relançaient la machine il y a moins d'un an, pour dénoncer le manque de moyens de l'établissement et l'état de la psychiatrie en général. Mais face à la crise sanitaire, ils saluent les prises de décisions concertées de leur direction et qui s'imposaient. "On s'est souvent écharpé, mais là pour le coup, les mesures s'imposaient et sont des questions de bon sens", explique Jean-Yves Herment, infirmier et délégué CFDT.

Des mesures d'anticipation, destinées à limiter les possibilités de propagation du coronavirus et liées directement au confinement. "On a regroupé les lieux de consultation sur quelques centres supports", détaille Gaël Fouldrin, président du comité médical d'établissement, pour garantir la sécurité des patients et des soignants. La consultation téléphonique a été largement développée. Une permanence d'accueil d'urgence est bien sûr assurée, tout comme l'accueil des patients qui ont besoin d'une injection mensuelle, par exemple.

Les unités psychiatriques plus que jamais à l'isolement

Par Eric Favereau — 
Un hôpital psychiatrique à Plouguernével, dans les Côtes-d'Armor.

Un hôpital psychiatrique à Plouguernével, dans les Côtes-d'Armor. Cyril Zannettacci pour Libération.

Dans les hôpitaux psychiatriques, personnel médical et patients s'adaptent dans l'urgence au confinement. Si l'enfermement fait déjà partie de leur quotidien, les médecins craignent ses effets à moyen terme.

«C’est calme, étrangement calme. On est presque mieux qu’avant», lâche le psychiatre d’un grand établissement public de Normandie. La situation est étonnante, presqu’inattendue. On pouvait craindre que, dans les hôpitaux psychiatriques, l’arrivée du confinement fasse écrouler ce monde déjà bien fragile, qui plus est abîmé par des années de rigueur. Ce n’est pas le cas. Bien sûr, il y a une kyrielle de problèmes, de peurs et d’angoisses. Il y a ces masques de protection qui manquent un peu partout et, dans certains endroits, les difficultés sont lourdes. Mais, là, momentanément, cela tient et pas trop mal. «La crise et le confinement, ce n’est pas très nouveau pour nous», ironise Tim Greacen, militant des droits des malades et responsable du laboratoire de recherche à l’hôpital Sainte-Anne Maison-Blanche, à Paris.

A Lille, le confinement fragilise le quotidien des toxicomanes

Par Sheerazad Chekaik-Chaila, correspondante à Lille — 
 Photo Hugo Clarence Janody. Hans Lucas pour Libération

Les associations d'aide aux sans-abri et les structures spécialisées dans l'aide aux toxicomanes poursuivent leur travail de terrain malgré la crise sanitaire.

La légèreté de Karine contraste avec la lourdeur de l’ambiance qui plane sur le centre de Lille. Sous le soleil, la jeune femme de 24 ans tangue sur la pointe de ses baskets défoncées. Karine plane. Elle a trouvé de la méthadone. «Au black, ce matin», rit-elle. Il est 9 h 20. Frédéric, 37 ans, et Marine, 28 ans, sourient avec elle. Bientôt, ces salariés de l’association d’aide aux sans-abri Abej Solidarité l’emmèneront en séjour pour couper un peu avec la drogue et la rue. Le confinement n’annulera pas leur virée, lui jurent-ils.