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Articles, témoignages, infos sur la psychiatrie, la psychanalyse, la clinique, etc.

jeudi 23 février 2012

Une « échelle de Richter » du risque suicidaire


En matière de prévention du suicide, une meilleure connaissance des éléments de prédisposition représenterait une avancée appréciable. Les travaux récents mettent ainsi l’accent sur des « facteurs de risque sanitaire » associés, en particulier les addictions à certains produits : alcool, drogues, médicaments détournés de leur usage…
The American Journal of Psychiatry souligne l’intérêt pratique d’une « évaluation objective du risque de suicide » et des « améliorations significatives en matière d’évaluation, de classification et de prévision » offertes (chez l’adulte et l’adolescent) par un nouvel instrument d’évaluation du risque suicidaire, la C-SSRS (Columbia–Suicide Severity Rating Scale, échelle de Columbia sur la gravité du risque de suicide) [1]& [2]. .
L’utilisation courante de ce questionnaire permettrait d’affiner la connaissance des risques et de gagner en précisions quant au contexte d’une tentative d’autolyse, lequel prête parfois à confusion. Par exemple, il n’est pas toujours aisé d’opérer le distinguo entre une surconsommation délibérée d’un médicament et son surdosage accidentel, et l’on peut alors sous-évaluer la fréquence des comportements suicidaires, en pensant à une « simple overdose » fortuite, lors d’une prise médicamenteuse. Et à l’inverse, on peut surévaluer cette fréquence en évoquant une « tentative de suicide » devant des « automutilations superficielles » ou des pensées macabres, mais « sans réelle intention de se donner le mort. »
L’auteur recommande « aux cliniciens comme aux chercheurs » l’usage de cette nouvelle échelle du risque de suicide. Et souligne que la mauvaise maîtrise éventuelle de l’anglais ne constitue pas un prétexte valable pour ignorer cet outil d’évaluation, car il est « disponible en plus de 100 langues. ».

Dr Alain Cohen
Hughes CW : Objective assessment of suicide risk : significant improvements in assessment, classification, and prediction. Am J Psychiatry, 2011; 168: 1233–1234.

mardi 21 février 2012


Les nominations du mois de janvier 2012

Ministères 
François Aubart vient d'être nommé conseiller auprès de la Direction générale de la santé (DGS). Il a donc démissionné de la présidence de la Coordination médicale hospitalière (CMH) et de l'ensemble de ses mandats syndicaux. La coordination a élu à sa place Norbert Skurnik, psychiatre au CHS Maison Blanche (Paris) et président de la Commission médicale d'établissement (CME) de la Communauté hospitalière de territoire (CHT) de psychiatrie de Paris. Il est également devenu porte-parole de l'intersyndicale Convergences HP (lire notre brève du 30/01/2012). 

Conférences
Reconduit en juillet 2011 pour son deuxième mandat à la présidence de la Commission médicale d'établissement (CME) de l'Assistance publique-hôpitaux de Marseille (AP-HM), le Pr Guy Moulin a succédé le 17 janvier au Pr Alain Destée à la présidence de la conférence des présidents de CME de CHU (lire notre interview du 17/01/2012).
Candidat au nom du Syndicat des manageurs publics de santé (SMPS), Denis Fréchou, directeur des hôpitaux psychiatriques de Saint-Maurice (Val-de-Marne), a été reconduit ce 1er février dans ses fonctions de président de la Conférence nationale des directeurs de centre hospitalier (CNDCH). Un poste qu'il occupe depuis fin 2009, suite à la nomination de l'ancien dirigeant, Angel Piquemal, à la direction générale du CHU de Caen (lire notre brève du 01/02/2012).
Le 3 février, le Dr Pierre Foucaud, président de la CME du CH de Versailles (Yvelines) a été élu à la tête de la conférence régionale des CME des hôpitaux généraux d'Île-de-France, rejoignant ainsi le Dr Norbert Skurnik, président de la CME du CHS Maison Blanche à Paris, qui a pour sa part été élu en janvier à la tête de la conférence des présidents de CME des établissements psychiatriques d'Île-de-France (lire notre brève du 06/02/2011, avec entre autres les noms des 64 présidents de CME franciliens hors AP-HP).

Comptabilité analytique hospitalièreNouvelle réédition du guide méthodologique

17.02.12 - 15:52 - HOSPIMEDIA 
La nouvelle réédition du guide méthodologique de Comptabilité analytique hospitalière (CAH) du ministère de la Santé a été publiée fin janvier dans le Bulletin officiel spécial (BOS) 2011/9bis. Cette nouvelle mouture, dont les règles sont applicables à partir du 1er janvier 2012, annule et remplace le tome 1 des bulletins officiels spéciaux diffusés depuis 1997, notamment celui du BOS n°2007/6 bis (lire notre brève du 21/08/2007), indique le ministère, précisant que les tomes 2 et 3 feront l’objet de publications ultérieures.
La CAH apporte "des réponses aux attentes des établissements au travers de trois principales méthodes de calculs des coûts : le retraitement comptable (RTC), le calcul des coûts par activités, les échelles nationales de coûts à méthodologie commune (ENCC). Ces méthodes visent des objectifs complémentaires : définition des coûts des activités support et calcul des coûts des séjours ou des séquences de soins", rappelle Annie Podeur, directrice générale de l'offre de soins (DGOS), dans la préface du guide. Ces méthodes ont permis la constitution de "référentiels nationaux ou régionaux notamment à des fins de parangonnage : Base d’Angers, HospiDiag, ENCC, référentiels développés par les ARS...", poursuit-elle, déplorant néanmoins que "portées par des acteurs différents [elles] ont évolué au fil du temps sans cadre méthodologique commun, ce qui a finalement constitué un frein" à l’utilisation de la CAH dans les établissements.
"Le présent guide marque un tournant, en définissant le cadre analytique commun qui permet l’articulation des trois méthodes principales", affirme Annie Podeur, saluant les"travaux importants" conduits par un groupe de travail comprenant des professionnels issus des établissements de santé, de l’Agence technique de l’information sur l’hospitalisation (ATIH), de l'Agence nationale d'appui à la performance des établissements de santé et médico-sociaux (ANAP) et de la DGOS.
C.C.



Campagne tarifaire 2012Le gel des MIGAC confirmé, au grand dam de la FHF

16.02.12 - 12:08 - HOSPIMEDIA 
À l'occasion d'une entrevue le 13 février avec Annie Podeur, directrice générale de l'offre de soins, les dirigeants de la Fédération hospitalière de France (FHF) se sont vu confirmer un nouveau gel des crédits liés aux Missions d'intérêt général et d'aide à la contractualisation pour la campagne tarifaire 2012, à l'instar de celui déjà opéré l'an dernier. Un choix nullement du goût de la FHF qui, par communiqué, exprime son "incompréhension" devant cette politique qui fait porter au seul hôpital public les dérives potentielles de l'Objectif national des dépenses d'assurance maladie (ONDAM) et revient à considérer les missions de service public comme "des variables d'ajustement" (lire aussi notre brève du 20/01/2012). En outre, les responsables hospitaliers dénoncent la poursuite en 2012 par la DGOS d'"une convergence tarifaire à sens unique" qui va pénaliser à hauteur de 125 millions d'euros les seuls hôpitaux publics. Au passage, la FHF s'interroge également sur les cibles de cette convergence, à savoir "les activités les plus lourdes et les plus emblématiques de l'hôpital public" : cancérologie, neurochirurgie, maladies cardio-vasculaires et maladies dégénératives (lire aussi notre brève du 15/02/2012).
T.Q.

André Green est mort le 22 janvier dernier. De la psychanalyse — dont la rumeur voudrait qu’elle soit en déclin — nous n’entendons parler depuis un certain temps qu’à l’occasion de polémiques : les pénibles vaticinations de Michel Onfray à propos de Freud, l’engagement d’Elisabeth Roudinesco dans la défense du père de la psychanalyse, et plus récemment la polémique de la famille Lacan-Miller à l’encontre des déclarations de cette dernière dansLacan, envers et contre tout.
Lire la suite et voir les vidéos ici

Histoire et actualité de la psychanalyse en Chine

14/02/2012
Séminaire "Anthropologie, psychanalyse et politique. Regards sur les terrains"
Association française des anthropologues

Avec Olivier Douville et Yan Helaï


La psychanalyse a-t-elle, comme la philosophie, quelque chose à gagner (du côté de ce qui la fonde) ou à perdre (du côté de ses illusions) à passer par la Chine ? C’est probable. C’est, en tout cas, un pari qu’il faut faire. Mais à condition qu’un tel passage ne l’entraîne pas à s’y laisser diluer, ni à croire s’y retrouver comme étant déjà là ou déjà attendu. Bref, à condition que la Chine soit autre chose que la dernière coqueluche du monde psychanalytique parisien, et continue à se présenter comme une occasion féconde d’interroger ce qui, dans la psychanalyse, dans son extension dans le monde, ne se réduirait pas une machine à occidentaliser les esprits. De cette interrogation, il est juste d’attendre des retours sur notre propre rapport à la psychanalyse, en tant que théorie de l’énonciation, plus encore en tant que pensée du sujet et théorie de l’acte.

Le séminaire est habituellement hébergé à la Maison Suger. Cette séance a lieu au France.

Organisateur(s) :

Association française des Anthropologues

L'autisme, enjeu idéologique

par JEAN MIRGUET, Psychanalyste

Après les expertises successives de l’INSERM sur le dépistage et la prévention des troubles mentaux chez l’enfant et l’adolescent en 2002, sur l’efficacité comparée des psychothérapies en 2004, sur les troubles des conduites de l’enfant en 2005, après la publication du Livre noir de la Psychanalyse (2005) puis le brûlot anti-Freud d’Onfray en 2010, voici le député UMP Fasquelle  qui, après avoir lancé sa proposition de loi "visant à interdire la psychanalyse pour l’accompagnement des personnes autistes", poursuit sa croisade en se préparant à "saisir le Conseil national des universités afin que l'enseignement et la recherche sur les causes et les prises en charge de l'autisme ne fassent pas référence à la psychanalyse". La Haute Autorité de Santé n’est pas en reste qui déclare officiellement la psychanalyse inadaptée à la prise en charge de l’autisme (cf. Libération d’aujourd’hui).

Cette offensive idéologique contre la psychanalyse exhale de pestilentiels effluves populistes et antidémocratiques. Elle fait craindre un retour de la pensée vers l’obscurantisme du Moyen-Age et une promotion de politiques liberticides.

Comme l’indique le communiqué de presse du Collectif des 39 contre la Nuit sécuritaire, une loi n’a pas à se substituer aux praticiens en matière de choix d’un traitement. Les familles et tous les citoyens doivent pouvoir garder le droit inaliénable d’une liberté de choix de leur praticien et de la façon dont ils souhaitent se soigner, en respectant la nécessaire pluralité des approches.

Depuis quand une loi devrait-elle se faire l’arbitre puis le censeur dans le débat scientifique ? Quid de la liberté de pensée et de recherche ?

Le député Fasquelle et ceux qui le suivent vont-ils bientôt emprunter le chemin des fondamentalistes chrétiens américains et nous gratifier d’une loi interdisant le darwinisme ? L’interdiction du député Fasquelle est-elle l’héritière des autodafés nazis des livres de Freud et de l’interdiction de la psychanalyse comme science juive, ou celle du stalinisme qui l’avait décrété science bourgeoise, à moins qu’elle ne s’inspire de la censure des colonels grecs ou de l’actuelle dictature syrienne ?

La psychanalyse, qui a fait ses preuves depuis plus d’un siècle, constitue un aspect fondamental de la formation des praticiens. Elle est, avec d’autres, l’une des boussoles essentielles permettant de s’orienter dans le traitement des sujets autistes.

En témoignent les publications régulières concernant le traitement de l’autisme dans de nombreuses institutions accueillant des enfants, adolescents ou adultes, tant en France qu’à l’étranger. Elles nous apprennent que les méthodes qui aident le mieux les autistes sont celles qui ne gomment pas les particularités et la liberté du sujet et qui savent miser sur ses inventions et ses compétences.

La psychanalyse a toujours été interdite là où la liberté était confisquée aux citoyens. On peut ne pas partager sa théorie et sa méthode, mais avoir le projet d’en interdire l’exercice et empêcher des personnes d’y avoir recours constituent une menace grave pour les libertés.

Packing : convoqué par l’Ordre, le Pr Delion s’explique

lequotidiendumedecin.fr 16/02/2012  


Le Pr Pierre Delion (chef du service psychiatrie et enfants au CHRU de Lille) a été entendu aujourd’hui au conseil départemental du Nord de l’Ordre des médecins à la suite d’une plainte de l’association « Vaincre l’autisme » qui lui reproche sa pratique du « packing ». Tandis qu’une pétition de soutien circule sur Internet, le Pr Delion répond aux questions du « Quotidien ».
LE QUOTIDIEN - Quelle a été votre réaction suite à la plainte de l’association “Vaincre l’autisme” et à la convocation de votre Conseil de l’Ordre départemental ?
Pr PIERRE DELION - Ma réaction personnelle importe peu. Le soutien de plus de quatre mille signatures et lettres envoyées à ce jour au Conseil de l’Ordre montre que je ne suis pas seul dans cette affaire. Mais en revanche, de voir que sous des prétextes scientifiques qui n’en sont aucunement, on voudrait priver des enfants et leurs parents d’une technique de soin souvent efficace, me semble à moi, aux professionnels qui l’utilisent et aux parents des enfants concernés, extrêmement problématiques sur les motivations qui les animent. J’espère que la raison reviendra et aidera à trouver la voie d’une pédopsychiatrie intégrative (éducatif nécessaire, pédagogique si possible et thérapeutique si nécessaire) qui permette aux enfants de trouver le costume sur mesure de prise en charge par rapport à la forme de leur autisme et que les moyens humains seront suffisants pour les accompagner de façon adéquate, sous l’égide de leurs parents. D’autres associations ou groupes ont fait des pressions indécentes sur mon travail et mes recherches. Par exemple, en exerçant des pressions auprès de rédacteurs en chef de revues internationales pour m’empêcher de publier des articles comportant parmi les mots clés celui de packing, ou en inondant certains forums de calomnies à mon encontre tout en restant lâchement protégés par l’anonymat, ou en introduisant des prises de positions contre le packing chez certains grands politiques. À qui profitent de telles conduites éloignées des pratiques de la démocratie ? Pourquoi un débat scientifique sur ces sujets n’est-il pas possible ? Pourquoi certains politiques peu scrupuleux s’emparent-ils de sujets techniques (médecine, histoire, …) pour en faire une croisade à visée électoraliste ?
Quelle a été par ailleurs votre réaction suite à la pétition de soutien sur Internet paraphée par de nombreux professionnels ?
Au-delà du fait que je me demande comment les remercier individuellement, j’y vois le signe que beaucoup de collègues professionnels et de parents trouvent que ces (mal)menées ont assez duré vis-à-vis de moi, mais surtout vis-à-vis de ce que je représente, c’est-à-dire une position, non pas de modèle, mais plutôt de juste milieu, guidée par le souci de l’autre, le respect de l’humain dans toute souffrance, et l’intégration dans les pratiques des avancées de la science, ce que beaucoup d’entre nous réalisons à chaque fois que c’est possible. Cette médecine humaniste à laquelle je crois et à laquelle j’ai voué toute ma vie professionnelle est aujourd’hui mise en péril par des mouvements passionnels qui réunissent toutes les peurs et les craintes de parents vis-à-vis de leurs enfants. Plutôt que de se livrer dignement, voire par voie juridique, à des reproches construits auprès des personnes qui doivent en répondre précisément (j’ai un différend avec mon psychanalyste, c’est avec lui que je vais régler le problème et non demander l’interdiction pour tous de la psychanalyse), la tendance actuelle consiste à trouver une proie facile et à tenter de la détruire pour expier la haine dont je suis rempli. Ces mouvements encouragés par une pratique peu courageuse d’Internet (il y a d’autres façons intéressantes de l’utiliser !) sont en passe de devenir l’ordinaire. Plutôt que de contribuer à faciliter le débat, cela l’obscurcit puisqu’il ne s’agit pas d’un débat contradictoire, mais d’une mise en abîme infinie des problèmes posés. Enfin, le fait que les milliers de médisances qui circulent sur mon compte soient le fait de parfaits inconnus pour moi, tandis que les signatures de soutien soient le fait de personnes que je connais « en vrai », me rassurent sur ma position de médecin engagé dans le monde.
Dans quelles conditions et situations, le packing peut-il avoir sa place aujourd’hui dans la prise en charge de personnes autistes ?
Actuellement, les indications de packing sont réservées pour les troubles graves du comportement chez les enfants TED (automutilation, agitations, stéréotypies graves ; par exemple, une petite fille qui a une stéréotypie gestuelle de frapper répétitivement sa cornée avec l’ongle de son index homolatéral…). Il arrive souvent que les médecins qui souhaitent y avoir recours, aient déjà utilisé les autres possibilités soit médicamenteuses, soit comportementales et que ces techniques n’aient pas donné de résultats. J’ajoute d’ailleurs qu’il arrive que le packing ne donne pas non plus les résultats escomptés. Je souligne par ailleurs que les enfants et leurs parents sont étonnés de l’amélioration du contact relationnel (apaisement du tonus, contacts par le regard…) que le packing permet, et pour les parents qui ont souhaité assister à une séance de packing de leur enfant, c’est ce qui les émeut le plus. Il est donc important de suivre une méthodologie précise sur le plan technique et respectueuse sur le plan humain pour parvenir à ces résultats intéressants. Mais sur l’ensemble des enfants suivis pour TED, ces indications représentent un petit pourcentage, dans la mesure où ces symptômes graves, voire gravissimes, sont heureusement assez rares. Une partie du problème actuel tient sans doute au fait que les pédopsychiatres et leurs équipes accueillent souvent les enfants autistes les plus graves et doivent faire face à des symptômes que les autres partenaires éducatifs et pédagogiques ne voient pas toujours dans la population qu’ils ont en charge. On doit donc, avant de juger de la pratique d’un autre partenaire professionnel, se rendre compte que les enfants qu’il reçoit présentent des degrés de gravité quelquefois incomparables. Un généticien du cancer ou celui qui est en charge de la prévention du cancer peuvent-ils donner un avis éclairé sur le mode d’extraction qu’un chirurgien va utiliser pour l’exérèse d’une tumeur ? Il faut que chacun, pour aider valablement les enfants autistes quelle que soit la gravité de leur pathologie, respecte ce que font les autres et prenne une attitude modeste afin de développer ensemble une stratégie de la bonne indication pour le bon symptôme.
Pourquoi est-il essentiel de mener à bien votre étude sur l’efficacité thérapeutique du packing sur les symptômes de troubles graves du comportement ?
Bien avant la polémique actuelle sur le packing, j’ai souhaité en évaluer les effets et l’efficacité, en raison des bons résultats cliniques obtenus et de mon souci d’en rendre compte à la communauté pédopsychiatrique. En effet, depuis de nombreuses années, les équipes confrontées à ces symptômes terribles d’automutilation et de graves troubles du comportement chez les enfants présentant des TED me demandaient des formations. Il fallait que cette technique soit l’objet d’une évaluation faite « dans les règles de l’art », c’est-à-dire selon les modalités acceptées dans les sciences médicales. Habituellement, lorsqu’une technique de soin doit être évaluée, cela peut prendre la forme d’un programme hospitalier de recherche clinique, et c’est ce que j’ai choisi. Le projet de recherche a donc été soumis aux instances de sélection, draconiennes en l’occurrence, puisque non seulement un jury de scientifiques de haut niveau donne son avis sur la recherche, mais également le comité de protection des personnes qui donne un avis sur l’aspect éthique de ladite recherche. Les deux avis sont agréés par le ministère et la recherche peut commencer. Mais très rapidement, une association a décidé, bien qu’elle mette toujours en avant la science, d’empêcher cette recherche, et a utilisé tous les moyens à sa disposition, et notamment les médias, pour dissuader toute personne intéressée de s’y engager. Si bien que nous n’avons pas encore fini les inclusions nécessaires à la significativité des résultats. Lorsqu’une technique finit par poser un tel problème, non pas scientifique mais sociétal, raison de plus pour la conduire à son terme et en tirer les conséquences pour les patients. Voilà à mes yeux la seule démarche scientifique en médecine aujourd’hui.
› PROPOS RECUEILLIS PAR DAVID BILHAUT

Une pétition internationale pour l'abord clinique de l'autisme. Enjeux.

21 Février 2012 Par pascal b
Signez la pétition internationale pour l’abord clinique de l’autisme :
http://www.lacanquotidien.fr/blog/petition/
Une « pétition internationale pour l'abord clinique de l'autisme : pourquoi ?
1. L'autisme.
L'autisme est un trouble de la petite enfance, persistant à l'âge adulte, qui se manifeste par  l'incapacité à avoir des interactions sociales normales, l'altération de la communication,  le caractère limité et répétitif  des comportements , selon la définition que l'Inserm donne. L'évolution des diagnostics de l'autisme a fait que ce qui était un trouble très rare est maintenant décrit comme affectant un enfant sur 150. 
Les équipes de psychiatrie infanto-juvénile du service public, des institutions du secteur associatif accueillent de longue date des enfants diagnostiqués autistes. Une prise en charge curative et éducative y est proposée ; certains soignants ont une formation psychanalytique, d'autres pas. Des enfants sont scolarisés, la scolarisation est source de trop d'angoisse pour d’autres. 

2. Un conflit ancien.
Depuis des années, une guerre de basse intensité oppose des associations de parents d'enfants autistes à « la » psychanalyse accusée de mettre en accusation les mères de ces enfants. Ils créent des centres où des techniques éducatives spécialisées (ABA, TEACCH, …) sont à l’œuvre. Ils affirment que ces techniques ont des résultats très généralement très favorables sur ces enfants. Ils considèrent que la psychiatrie n'a pas à accueillir ces enfants puisque l'autisme est une « réalité neurobiologique », non pas une maladie mentale. 

3.Une guerre totale contre la psychanalyse.
Depuis quelques mois, la bataille menée contre la psychanalyse (et la psychiatrie française censée orientée par la psychanalyse) est devenue une sorte de guerre totale. La psychanalyse est présentée comme un archaïsme français résiduel ignorant les données de la science, provoquant un retard en France de la prise en charge des autistes sur les autres pays. Certes, on ne peut se satisfaire des moyens humains et matériels mis à disposition pour la prise en charge des enfants autistes, en France, mais il ne s'agit pas de cela, principalement, actuellement. 
Des associations comme « Autisme France », « Vaincre l'autisme », « Autisme sans frontière » sont à la manœuvre. Elles ont obtenu que l'autisme soit déclaré « grande cause nationale 2012 » par le Premier ministre. Elles veulent utiliser cette opportunité pour éliminer la psychanalyse de tout abord de l'autisme, au profit  d'un « accompagnement éducatif adapté ». Il leur faut « créer des formations nouvelles conformes aux recommandations de la Haute autorité de santé et de la communauté internationale.», la formation des professionnels actuels étant dénigrée. On peut lire sur le site d'Autisme France que « la science et les familles récusent la psychanalyse ». Dans un texte sur « psychanalyse et autisme », on y lit une citation de Lacan ainsi commentée : « ce jargon est incompréhensible et difficilement supportable » : ce qui n'est pas compris et repéré comme tel est l'objet d'un rejet virulent ; dont acte.

4. Des batailles multiples pour faire interdire la psychanalyse.
Fin 2011, une « pétition internationale contre le packing », méthode soins pour autistes utilisée exceptionnellement a été lancée ; puis des plaintes auprès du Conseil de l'ordre des médecins ont été déposées contre les professeurs Delion et Cohen. C'est un élément d'une lutte acharnée pour discréditer des pédopsychiatres de renom et refuser l' « institutionnalisation » de ces enfants. « Pas de 0 de conduite » qui a mené une lutte efficace contre la détection des enfants « dangereux » dès l'âge de 3 ans, comme le gouvernement voulait l'instaurer, a soutenu ces deux psychiatres.
Puis une vidéo diffusée sur Internet, intitulée « le Mur » par un montage malhonnête tente de présenter des psychanalystes comme des dogmatiques culpabilisant les mères d'enfants autistes. Il y eut un procès fait par les trois psychanalystes parmi ceux interviewés, qui sont membres de l'Ecole de la cause freudienne, contre cette diffamation. La justice, en janvier 2012, ordonna que passages litigieux de la vidéo soient retirés.
Le 20 janvier 2012, le député UMP Fasquelle, président du groupe parlementaire sur l'autisme,  dépose un projet de loi qui stipule que « les pratiques psychanalytiques sous toutes leurs formes doivent être abandonnées dans l'accompagnement des personnes autistes ». Consultant le blog de ce député, on y lit un article ainsi titré :« je demande aux présidents d'université de tourner le dos définitivement à l'approche psychanalytique dans l'enseignement et la recherche ». Cette demande d'interdiction concerne, à lire le texte, l'autisme ; mais ce titre dit la vérité du combat de ce député : en finir avec la psychanalyse, en commençant par l'approche de l'autisme. 
Il peut, dès à présent, se féliciter et écrire : « la Haute Autorité de santé ferme la porte à la psychanalyse », cette institution cassant « le lien entre la psychanalyse et l'autisme au profit d'approches éducatives et comportementalistes ». 
En effet, le 13 février, sous le titre « Autisme, les psys réduits au silence », dans le journal Libération, on peut lire que la psychanalyse ne saurait être recommandée selon les « Recommandations de bonne pratique sur l'autisme et autres troubles envahissants du développement » que la HAS doit rendre publics le 6 mars.

5. Riposte en défense des pratiques psychanalytiques.
C'est une volonté de disqualifier la psychanalyse par la loi et par les règlements. C'est un acharnement contre la psychiatrie décrite comme inféodée à la psychanalyse, ce qui est faux. Les écoles de psychanalystes, le collectif des 39 contre la nuit sécuritaire, ont réagi vivement face à cette offensive autoritaire et scientiste. La députée UMP Edwige Antier, pédopsychiatre, ou encore le PCF ont aussi demandé le retrait de ce projet de loi du député Fasquelle. La puissante fédération d'associations de personnes handicapées mentales et de leurs familles, l'UNAPEI,  et encore la CIPPA (Coordination internationale des psychothérapeutes, psychanalystes et membres associés) de même.
Annick Deshays, dans son livre « Libres propos d'une autiste », écrit : « Faire du comportementalisme c'est inciter à nous rendre « facile » par un formatage réduisant notre liberté d'expression ; c'est durcir notre grave problème d'identification et d'humanisation ». 
Voilà pourquoi la « Pétition internationale pour l'abord clinique de l'autisme » proposée par l'Institut psychanalytique de l'enfant (Université populaire Jacques-Lacan), est une urgence pour qui veut défendre les pratiques psychanalytiques.

Signez la pétition internationale pour l’abord clinique de l’autisme :

Bibliographie :
Les articles du site Lacan Quotidien, ceux d' Eric Laurent, Jean-Claude Maleval, François Ansermet, Laurent Ottavi, et d'autres.
Les articles d'Eric Favereau dans Libération du 13 février, celui de Catherine Vincent dans « Le Monde du 16 février, 
Le site du collectif des 39. Celui de « pas de0de conduite ». Le site « Oedipe ».
Le site d' »Autisme France », de l'Inserm, de la Haute autorité de santé, du député Fasquelle.
Les articles de l'édition « contes de la folie ordinaire » de Mediapart avec les textes : « L'autisme, grande cause nationale ? »  d'Yves Gigou, « La psychanalyse en ligne de mire » de Paul Machto, « Interdire les suppléments d'âme de la psychiatrie ? » de Mathieu Belhasen.

Pascal Boissel

Interdire les suppléments d’âmes de la psychiatrie ?

17 Février 2012 Par Mathieu Bellahsen
Le conflit actuel qui fait rage dans le domaine de l’autisme nous oblige à expliciter ce que peuvent apporter, au quotidien, la psychanalyse et la psychothérapie institutionnelle dans le champ de la psychiatrie. Explicitation d’autant plus nécessaire que les recommandations de la Haute Autorité de Santé sur la prise en charge des personnes atteintes d’autisme entend mettre au ban ces deux méthodes (1).  Comment transmettre au grand public ce qu’elles apportent dans le concret des pratiques ? Tâche bien ardue pour ne pas rentrer dans le débat d’experts tout en ne sombrant pas dans un simplisme réducteur.
Dans son fauteuil écoutant un patient allongé sur le divan, le cliché du psychanalyste est tenace. Il n’a cependant rien à voir avec ce que peut apporter la psychanalyse dans les secteurs psychiatriques et autres lieux d’accueil de la souffrance psychique. Dans ces lieux, elle est un des outils permettant de penser ce qui arrive à une personne et à ses proches, d’inscrire leurs souffrances dans une histoire et de construire un sens à même de transformer leur rapport à eux-mêmes et au monde. La psychanalyse n’est pas l’apanage des seuls psychanalystes et ne peut se résumer à élucider “ le complexe d’Œdipe ”, à pratiquer des interprétations sauvages et violentes voire à trouver le ou les soi-disant responsables des troubles.
Que l’on soit infirmier, aide-soignant, éducateur, ASH, psychologue, secrétaire, psychiatre, la psychanalyse est à disposition de l’ensemble des soignants pour penser ce qui se joue pour un patient dans sa relation à eux et aux autres en général. Tant du côté des soignants que du côté des patients, la psychanalyse est un outil consistant de compréhension et de traitement dont dispose la psychiatrie pour élaborer ce qui se passe dans les liens interpersonnels et inconscients. Pour autant, en institution, cet outil n’est pas exclusif et s’intègre nécessairement à d’autres (psychotropes, activités thérapeutiques et éducatives, groupes de parole, réinsertion sociale etc.) dans une perspective psychothérapique.
A contrario, si les psychotropes soulagent les souffrances, ils ne guérissent pas les « troubles » et ne permettent pas de subjectiver l’expérience de la maladie. Cette idée, de nombreuses personnes ont pu la connaître lors de la traversée d’un épisode dépressif : un traitement apaise mais ne peut pas se substituer à un travail psychothérapeutique. Alors que de plus en plus de patients se plaignent de l’approche exclusivement pharmacologique des troubles psychiques et sont en demande d’être « écoutés » par les psychiatres et les équipes qui les prennent en charge, comment comprendre qu’une méthode qui cherche à mettre en circulation la parole se voit ainsi rejetée ?
Rappelons que bien loin des clichés en vogue actuellement, aucune découverte majeure n’a affecté le champ thérapeutique en psychiatrie depuis plusieurs dizaines d’années (2). Bien que nettement plus chers, les nouveaux psychotropes ne sont pas plus efficaces que ceux découverts  dans les années 1950 et présentent pour la plupart des effets secondaires tout aussi importants que les premiers (surpoids, obésité, diabète etc.).
Idem pour l’imagerie médicale et les neurosciences qui seraient une « révolution », tant et si bien que, dans le rapport 2009 de l’OPEPS sur « la prise en charge psychiatrique en France », il est déclaré qu’aux vues des progrès des neurosciences, la partition entre neurologie et psychiatrie n’est plus de mise à l’heure actuelle (3) or, si l’imagerie médicale a permis d’affiner les diagnostics différentiels, c'est-à-dire de préciser les affections qui ne sont pas psychiatriques, aucun progrès n’a été fait dans le domaine de l’accompagnement au long cours et des soins si ce n’est grâce aux développements des méthodes actives comme celles de psychothérapies institutionnelles.
Si le grand public est à peu près au fait de la psychanalyse, qu’est-ce donc que la psychothérapie institutionnelle ? Inventée lors de la Guerre d’Espagne puis développée en France lors de la Seconde guerre mondiale, son postulat est simple, travailler l’organisation de l’hôpital afin de mettre un terme à des pratiques nuisibles aux soins : les hiérarchies hospitalières rigides avec leurs logiques gestionnaires et administratives, les dépendances générées par les milieux clos voire homogènes (unités par « troubles » qui produisent encore plus du trouble en question), les régressions qu’elles induisent ainsi que les préjugés des soignants et des patients, notamment sur l’incurabilité des maladies psychiques graves comme la schizophrénie. En somme, pour traiter les patients il s’agit également de traiter les pathologies créées par le lieu de soin lui-même.
Si la psychothérapie institutionnelle entend prendre en charge activement les phénomènes concentrationnaires en traitant l’ambiance, elle met aussi en question l’arbitraire des systèmes asilaires en responsabilisant patients et soignants, là où tout concourt à infantiliser les premiers et à figer hiérarchiquement les seconds. Lutter contre les cloisonnements de toutes sortes qui empêchent les soins, qui fabriquent de la ségrégation, tel est l’enjeu quotidien pour permettre au patient de tisser des relations humaines, d’être actif dans ses soins, de faire preuve d’invention et de créativité.
Que ce soit à l’hôpital et/ou en ambulatoire, la psychothérapie institutionnelle est une méthode de choix pour soigner et guérir les patients présentant des pathologies complexes qui ne peuvent se limiter à des approches exclusivement individuelles. Un collectif de soignants rigoureux et engagés est alors nécessaire pour rassembler tout ce qui se joue dans les relations intersubjectives.
La psychiatrie, en traitant ces phénomènes institutionnels et intersubjectifs, a pu dans de nombreux endroits, se passer de camisoles, de recours inflationniste aux chambres d’isolement, des tendances punitives, sécuritaires, de tris par pathologies qui avaient cours dans les asiles d’antan.
Aujourd’hui, dans les services de psychiatrie, il est de plus en plus fréquent d’attacher des patients sur leur lit en chambre d’isolement, il est de plus en plus fréquent d’augmenter ad nauseam les doses de psychotropes, il est de plus en plus fréquents de laisser les patients errer dans les unités d’hospitalisation sans que de réels soins leur soient prodigués. Comment comprendre le retour de ces pratiques qui, elles, mériteraient le qualificatif de « barbare » ?
En se pliant aux protocoles de la HAS (Haute autorité de la santé), ces pratiques violentes « certifiées conformes » sont plus difficiles à remettre en cause, d’autant plus qu’elles se légitiment du manque de personnel, du manque de formation et d’une conception déficitaire de la maladie mentale.
Et pourtant, à l’heure actuelle, il est encore possible de travailler les milieux de soin pour créer des espaces de confiance avec les équipes, les patients et leur famille, de donner du sens aux crises existentielles majeures que traversent les personnes en souffrance, de ne pas abandonner la perspective d’une guérison, c'est-à-dire que la personne puisse retrouver goût à la vie, au partage avec d’autres. La psychothérapie institutionnelle, en pensant ce que les patients jouent dans le dispositif de soin, est un outil d’une efficacité que l’on peut apprécier au quotidien, dans les équipes qui se donnent le temps de penser leur pratique (faire des réunions, partager les ressentis différents qu’un même patient provoque dans l’équipe etc.).
François Tosquelles, psychiatre catalan, l’un des fondateurs du mouvement de psychothérapie institutionnelle en France, rappelait que cette méthode marche sur deux jambes : la jambe psychanalytique et la jambe politique. La psychiatrie en étant poreuse au contexte socio-politique, doit le remettre en permanence en question pour ne pas sombrer dans l’arbitraire, la ségrégation et l’exclusion des plus malades d’entre-nous. La psychanalyse lui apporte un outil distinctif majeur pour replacer la singularité des personnes au centre des soins, bien loin de l’indifférenciation des patients, de la standardisation des prises en charge et de l’interchangeabilité des soignants.
Que l’on ne se méprenne pas, la psychothérapie institutionnelle, dans sa lutte permanente avec les totalitarismes, en a vu d’autres ! Née au creux des catastrophes du siècle passé, son éventuelle interdiction n’empêchera pas les équipes d’y avoir recours, puisque sans elle, l’accueil de la folie et la pratique quotidienne de la psychiatrie pourraient y perdre leur supplément d’âme.
Mathieu Bellahsen, psychiatre responsable d’un secteur de l’Essonne,

membre du collectif UTOPSY
et du collectif des 39 contre la nuit sécuritaire

[1] Libération, 13 février 2012, p14-15
[2] GONON François, « la psychiatrie, une bulle spéculative ? », Revue Esprit, novembre 2011, p54-74
(3) OPEPS (Office Parlementaire d’Evaluation des Politiques de Santé). «Rapport sur la prise en charge psychiatrique en France.» 2009 : « Le mouvement de mai 68, porteur notamment de ces critiques, a tenté d’émanciper la psychiatrie des pratiques chirurgicales inadaptées et d’une vision jugée trop étroite de la maladie. Il a abouti, par l’arrêté du 30 décembre 1968, à la séparation de la psychiatrie et de la neurologie auparavant réunies au sein de la neuropsychiatrie. Cette division en deux spécialités se révèle aujourd’hui regrettable en raison de la révolution qu’ont connue les neurosciences et l’imagerie médicale et des connaissances acquises depuis lors dans ces disciplines