blogspot counter

Articles, témoignages, infos sur la psychiatrie, la psychanalyse, la clinique, etc.

dimanche 3 avril 2011

  Le travail, c’est pas la santé

Tribune

Les enjeux de 2012 par La Fondation Copernic


Par ERIC BEYNEL secrétaire national de l'Union syndicale Solidaires, MARTINE BILLARD député, coprésidente du Parti de Gauche, ALAIN CARRE vice-président du SMTIEG-CGT, ODILE CHAPUIS médecin du travail, YUSUF GHANTY médecin du travail, SANDRA DEMARCQ comité exécutif du NPA, GERARD FILOCHE inspecteur du travail, DOMINIQUE HUEZ président de l'association Santé et Médecine du Travail, WILLY PELLETIER coordinateur général de la Fondation Copernic

Certains raillent ce gouvernement ou sa majorité parlementaire. Il vaut mieux prendre la mesure de son action, d’une constance inouïe. Au détriment des salariés, mais d’abord des ouvriers et des employés. Le démantèlement de la médecine du travail s’inscrit dans ce programme, prophétiquement annoncé par l’ex-vice-président du Medef, Denis Kessler, en octobre 2007, dans Challenges : «Il s’agit aujourd’hui de sortir de 1945, et de défaire méthodiquement le programme du Conseil national de la Résistance.» Alors ce gouvernement casse. Jusqu’à l’absurde. Jusqu’à retarder l’accès à la retraite quand deux salariés du privé sur trois ne sont plus au travail avant 60 ans !


Jusqu’à l’absurde. Avant 2010, nous pensions que les accidentés du travail étaient des victimes. Les victimes d’une guerre économique innommée qui prend l’intérieur des entreprises pour théâtre des opérations. Des victimes de masse : 720 150 accidents avec arrêt par an, 46 436 incapacités permanentes, 700 morts, 4 500 mutilés. Des victimes mal indemnisées qui perçoivent 80% puis 60% d’un salaire faible, lié aux métiers d’exécution qu’ils accomplissent. Nous avions tort. Les accidentés du travail étaient des privilégiés. Les députés UMP ont légiféré et soumis à impôt leurs indemnités jusqu’alors épargnées. Gain : 150 millions d’euros. Quand en 2009, 464 dispositifs d’optimisation fiscale ont donné 70 milliards d’euros aux contribuables les plus riches. Sans compter le bouclier fiscal, les baisses de l’impôt sur la fortune et sur les droits de succession, le prélèvement forfaitaire libératoire sur les dividendes… Sur un chantier, Christian a eu le bras broyé. Michel s’est fait amputer de deux doigts par sa machine. Sarah ne peut tenir les objectifs assignés, elle est en dépression. Fiscalement, c’étaient des privilégiés !


Le travail - l’intensification du travail, le new management -, ce n’est pas la santé. Depuis 1995, les maladies professionnelles ont doublé. Les troubles musculo-squelettiques, les cancers professionnels explosent. Avec la multiplication des postes intenables, les dommages psychologiques ruinent toujours plus de vies (et de familles). Les conditions de travail se dégradent à mesure que s’avive la course aux bénéfices, qui génère en cascade une sous-traitance à bas prix. Résultat : en 2010, les firmes du CAC 40 dégagent 82,5 milliards d’euros de profits (85% de plus qu’en 2009). La «crise du travail» n’a pas les mêmes effets pour tous. On dénombre 35 000 maladies professionnelles par an, 10% des cancers sont liés au travail, près de 400 suicides. Mais en 2002, un rapport officiel jugeait les maladies professionnelles sous-évaluées de 70%. Ce sont des chiffres ? Non, ce sont des vies. Des vies de douleurs, d’angoisses, recluses souvent. Des vies où se soigner devient mission impossible. Des vies où «joindre les deux bouts» c’est «rogner sur tout». La France est championne d’Europe (eu égard aux pays fondateurs) des inégalités de santé au travail. Un ouvrier non qualifié a trois fois plus de risque de mourir d’un cancer, d’une maladie cardiovasculaire ou de mort violente qu’un cadre supérieur. Un tiers des maladies touchant les ouvriers sont liées à leur métier contre 10% chez les cadres.


S’imposait d’accroître le nombre, les marges d’action, l’indépendance des médecins du travail et des inspecteurs du travail. Mais depuis plus de vingt ans est organisée la pénurie des médecins du travail. Ils sont 6 500 pour «gérer» 16,5 millions de salariés du privé. Avec 600 postes vacants. En 2009, un médecin du travail sur deux avait plus de 55 ans. D’ici cinq ans, plus de 4 000 seront en retraite ; près de 5 600 dans dix ans. Un médecin du travail dans un service interentreprise suit en moyenne 3 050 salariés ! Dans cinq ans, 70% de ces services dépasseront 3 300 salariés par médecin. Une charge de travail qui espace les visites «normales» au minimum tous les trois ans et qui rend impossible la surveillance médicale personnalisée. Alors que l’actualité apprend que dans des organisations du travail en perpétuelles restructurations (à France Télécom, Renault, La Poste, EDF, Gaz de France, dans la grande distribution, etc.), seules des visites fort rapprochées aident à dépister et alerter, sur les effets pathogènes des mobilités forcées ; des harcèlements liés aux contrôles accrus ; des postes différents à intégrer, parfois empilés (tenir la caisse, ranger la réserve, gérer les stocks, servir et conseiller les clients, dans les commerces de grande distribution, notamment). Cette année, 500 médecins du travail partent à la retraite, seulement 100 postes sont ouverts à l’internat. La proposition de loi n° 106 sur la médecine du travail adoptée par la majorité sénatoriale, le 27 janvier, ne préconise pas de relever le numerus clausus réservé à la spécialité en faculté. Elle reprend le «cavalier parlementaire» sur la médecine du travail introduite par les députés UMP dans la loi sur les retraites et jugé irrecevable par le Conseil constitutionnel.


Ce texte va transformer la médecine du travail en médecine d’entreprise au service des employeurs.


Il met en place un Service de santé au travail interentreprise (SSTIE) administré paritairement, qui fixera à tous les intervenants de santé, donc aux médecins (à l’indépendance par là réduite), des «contrats d’objectifs». Mais quelles seront les marges de définition des «contrats d’objectifs» pour un président de SSTIE, même d’origine syndicale, contraint d’appliquer la politique définie par l’assemblée générale des employeurs adhérents au SSTIE, et dans la limite de l’enveloppe budgétaire déterminée par cette assemblée ? Car selon les articles L.4622-1 et L.4622-5 de la loi, non modifiés par le Sénat, ce sont toujours les employeurs et eux seuls, qui sont chargés d’organiser les Services de Santé au Travail. Ils se regroupent en associations et créent des Services interentreprises de santé au travail (SIST), dont les employeurs adhérents et non leurs salariés, fixent l’objet et les moyens. Il en existe près de 300, chargés du suivi de 93% des salariés du privé. La santé au travail est donc confiée à des associations d’employeurs dont l’assemblée générale est la vraie instance décisionnelle. Comme l’indiquait la rapporteure de la proposition de loi au Sénat : «celui qui paie décide». Les employeurs deviennent juges et parties de la santé au travail. Autant demander à un automobiliste de se flasher lui-même en excès de vitesse. Les employeurs sont ceux qui créent les risques au travail, ils doivent le payer, mais sans contrôler ni décider des modalités de sa prévention et de sa réparation.


Hier, dans les SSTIE, concernant le suivi de 14 millions de salariés en PME-PMI, les médecins étaient moins liés aux employeurs que dans les grandes entreprises. Ils fournissaient plus aisément aux salariés des justificatifs et certificats d’incapacité de travail, d’accident et de maladie professionnelle, permettant des recours. Autant l’avouer : c’est précisément ce que la loi veut restreindre en ouvrant davantage le secteur au privé comme en Belgique.


Les employeurs deviennent juges et parties de la santé au travail mais le Sénat leur donne moyen de se déresponsabiliser. Selon l’article L.4644, ils pourront choisir des «salariés compétents» (après quelle fast formation?) pour s’occuper des activités de protection et de prévention des risques professionnels dans l’entreprise. Qui portera le chapeau en cas de drames ? Qui est responsable d’une organisation du travail non pathogène : l’employeur ou ses salariés ?


La proposition de loi, sous couvert de pluridisciplinarité, multiplie d’autre part les «intervenants en prévention des risques de santé» (infirmiers, internes, ergonomes, toxicologues). Mais quelles seront leurs libertés d’intervention pour se prononcer sur les risques et nuisances du travail sans disposer (à l’inverse des médecins du travail) d’un statut de salarié protégé, qui seul permet de résister aux pressions patronales ?


Enfin, avec le nouvel article L.4622-2 du Code du travail, le médecin sera chargé de surveiller la santé des salariés, de participer à la veille sanitaire dans l’entreprise mais s’ajoute une nouvelle mission : aider l’employeur dans la gestion des risques. S’installe ainsi une «confusion des genres» qui déplace le rôle des médecins vers la cogestion des entreprises, la cogestion de l’employabilité, le conseil en management. Comment dans ce cadre, les salariés feront-ils confiance au praticien, pour lui exposer sans fard ce qu’ils subissent sur leur poste ?


«Ne parlez pas d’acquis. En face, le patronat ne désarme jamais»,
disait Ambroise Croizat, le ministre du Travail qui, en 1946, installa la médecine du travail. Fils d’ouvrier, à l’usine dès l’âge de 13 ans, il avait été ajusteur.


Les députés vont examiner le texte du Sénat. Il faut sauver la médecine du travail. Là, on la démolit.


Depuis 1998, la Fondation Copernic s’emploie à faire trait d’union entre le mouvement social et toute la gauche antilibérale, pour remettre à l’endroit ce que le libéralisme fait tourner à l’envers.

L'Ile-de-France, une région riche mais touchée par de fortes inégalités de santé


I
l faut se méfier des bons résultats. Certes, l'Ile-de-France affiche un meilleur état de santé de sa population que la moyenne nationale et bénéficie d'une offre de soins très développée. Mais à y regarder de près, le tableau n'est pas si bon. "Les fortes inégalités de santé dans la région n'avaient jamais vraiment été mises en évidence. Il y a des réalités qu'on ne peut plus ignorer", relève le directeur général de l'agence régionale de santé (ARS), l'ancien ministre socialiste Claude Evin.

Créée il y tout juste un an, l'ARS d'Ile-de-France s'est consacrée à dresser un bilan minutieux de la situation sanitaire. Elle devait présenter son diagnostic et ses futures priorités, mercredi 30 mars, à la conférence régionale de la santé et de l'autonomie, où siègent les représentants des professionnels de santé et des usagers. "La caractéristique la plus préoccupante du paysage sanitaire francilien tient à l'importance des disparités de santé sur le territoire", relève son plan stratégique de santé, soumis à la consultation.

Dans cette région où cadres et professions intellectuelles sont surreprésentés, l'état de santé de la population est loin d'être homogène. Ici comme ailleurs, les inégalités sociales et de santé sont fortement liées. Ainsi, on vit en moyenne deux ans de plus dans les Hauts-de-Seine qu'en Seine-Saint-Denis. D'une commune à l'autre, parfois au sein d'un même département, l'espérance de vie peut varier de sept ans. D'où l'importance pour l'ARS de dresser des constats territoire par territoire, pour ensuite adapter les moyens, notamment en prévention, aux besoins. En bref, de faire du "sur-mesure", comme le dit Claude Evin.

Dans la région, les points noirs sont nombreux. Globalement, les indicateurs de santé sont au-dessus de la moyenne nationale. Mais on constate par exemple un plus fort taux de cancer des femmes et de mortalité infantile, alors que, sur ce point, le taux régional a longtemps figuré parmi les plus bas de France. La prévalence des pathologies infectieuses (VIH, tuberculose) y est aussi plus forte.

Si la région est riche et dynamique, une grande part de sa population est cependant très vulnérable (travailleurs pauvres, migrants, familles monoparentales...). En outre, le mode de vie de nombreux Franciliens est le facteur d'une santé dégradée : exposition aux nuisances sonores et à la pollution de l'air, surtout à Paris et dans la petite couronne, logements insalubres... Le temps de transport entre le domicile et le travail est aussi plus long dans la région parisienne que dans les autres, une heure et demie en moyenne, ce qui accroît le stress et la fatigue. En outre, les enfants y sont davantage touchés par l'obésité et le surpoids qu'en province.

L'ARS a aussi analysé la situation selon certaines pathologies. Ainsi, pour le cancer, les situations sont très disparates, avec, par exemple, une surmortalité par rapport à la moyenne régionale dans le Val-d'Oise, la Seine-et-Marne et la Seine-Saint-Denis. Pour ce dernier département, l'ARS évoque un problème d'insuffisance d'accès aux soins et de diagnostics tardifs.

Les inégalités sont tout aussi flagrantes en matière d'offre de soins, une donnée d'ailleurs corrélée, zone par zone, à l'état de santé de la population. Cette offre est "abondante mais complexe et souvent déséquilibrée", juge l'ARS.

C'est en matière de soins de ville que les problèmes sont les plus criants et pourraient s'accentuer. L'Ile-de-France est certes la région la mieux dotée en médecins, après Provence-Alpes-Côte d'Azur. Mais il s'agit surtout de spécialistes, qui sont très mal répartis sur le territoire - dans certaines communes, il n'y en a aucun.

L'offre de médecine générale, elle, est encore plus fragile, avec une densité très inégale. Paris compte ainsi 119 médecins généralistes pour 100 000 habitants, contre seulement 69,8 en Seine-Saint-Denis. En outre, l'Ile-de-France doit faire face à deux phénomènes croissants : beaucoup de généralistes se sont spécialisés, par exemple en homéopathie ou en acupuncture. Et parmi les médecins libéraux, la proportion de ceux pratiquant des dépassements d'honoraires est plus forte qu'ailleurs. Ce qui constitue une autre limite à l'accès aux soins, notamment pour les ménages les plus modestes.

Il n'y a pas que les médecins : c'est toute l'offre de premier recours qui inquiète l'ARS. Dans certaines zones, la trop faible présence des professionnels paramédicaux installés en libéral, surtout les kinésithérapeutes et les infirmières, pose problème, notamment pour le suivi des personnes âgées restant à domicile. Or cette population devrait s'accroître dans les prochaines années, alors que la région est sous-dotée en maisons de retraite, comme elle l'est également en structures d'accueil des personnes handicapées.

Il y a donc beaucoup à faire pour mieux répartir l'offre de soins et toucher plus facilement les populations fragiles. Outre les soins de ville, il faut aussi se pencher sur l'offre hospitalière qui, du fait du poids de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris, est concentrée sur la capitale. "A l'heure du Grand Paris, il va falloir poursuivre le rééquilibrage hospitalier entre capitale et périphérie", estime M. Evin.
Laetitia Clavreul

Quatre murs de murmures


DR
A l’ombre de la République
Documentaire de Stéphane Mercurio
Canal +, rediffusion le 04/04.


« Je suppose que vous faites comme tout le monde : vous jetez vos repas à la poubelle… » Oui, comme tout le monde, répond la détenue. L’homme tourne le bouton de la douche, un faible filet d’eau s’échappe. Trop faible : les femmes de la cellule se lavent au seau. On évoque les parloirs, les coups de téléphone à la famille, le prix de la télé. L’homme est « contrôleur des lieux de privation de liberté ». Comme une trentaine de collègues, il s’assure que les droits fondamentaux sont respectés dans les lieux d’enfermement. Et en prison, en hôpital psychiatrique, dans les commissariats ou dans les centres de rétention, les droits fondamentaux, c’est aussi ça : un repas servi chaud, une douche qui coule assez pour se laver.


Fait exceptionnel, la réalisatrice Stéphane Mercurio a pu accompagner les équipes du contrôleur général des lieux de privation de liberté, l’autorité indépendante créée en 2008 par Nicolas Sarkozy, et qui vient d’échapper à la disparition que lui promettait le même Sarkozy (c’est très pénible au fond, ces institutions qui se permettent des remarques). La réalisatrice a pénétré des lieux fermés à double tour, gardés loin de tous les regards. Elle a pu recueillir des paroles rares, hors du contrôle de l’administration pénitentiaire.

A la maison d’arrêt de femmes de Versailles (Yvelines), ces paroles disent « favoritisme », « chouchoute ». Les contrôleurs ont reçu plusieurs lettres leur signalant « une compromission un peu fâcheuse » entre un membre de la direction et une ou deux détenues, dit Jean-Marie Delarue, le contrôleur général. Le scandale va éclater quelques mois plus tard et le documentaire en filme les prémices : le directeur de la maison d’arrêt et un surveillant ont eu des relations inappropriées avec Emma, la jeune fille appât du « gang des barbares ». Lors de sa suspension, pour sa défense, le directeur dira être tombé amoureux. Les détenues, elles, rapportent que la favorite se faisait appeler « la directrice » et se promenait à volonté dans les couloirs de la prison.

Après la prison de femmes, c’est l’ennui dans les chambres rose de l’hôpital psychiatrique d’Evreux (Eure). Jusqu’à la nuit, les contrôleurs épluchent les registres, demandent des comptes au médecin, soulignant de l’index des entrées et des sorties, s’alarment du nombre d’internements décidés sur arrêtés municipaux, sans certificat médical. « Il y a un protocole ici, raconte un malade. Tous les après-midi, il faut rester dans sa chambre et dormir. Mais moi, je n’ai pas sommeil. Alors le soir je n’arrive pas à m’endormir, et ils me donnent des somnifères… »

Camisole chimique, aussi, dans la prison moderne et gigantesque de Bourg-en-Bresse (Ain). « Un jour j’ai dit que j’avais mal à la tête, dit un détenu. Depuis, toutes les semaines, ils m’amènent un sac de médicaments. » Il montre une poche en plastique, bourrée de comprimés. La dose hebdomadaire qu’il rend aux infirmiers, sans se lasser, semaine après semaine. Un autre : « Ici, ils adorent les détenus sous cachets et les anciens toxicos, ceux qui sont au ralenti : ils ont un contrôle chimique sur eux. Les autres, ceux qui ont un peu de jugeote, un peu de mental, comme moi, ils les séquestrent. »
Du quotidien étouffant, vexatoire (il est d’ailleurs dommage que les personnels de surveillance aient, selon la réalisatrice, refusé de se confier), le documentaire passe à la critique sensible d’un système, à l’absurdité de la peine quand elle est trop longue, quand elle ne comprend aucun accompagnement. C’est le passage le plus émouvant, le plus terrible : les cafés-bus en compagnie des « longues peines » de la maison centrale de l’Ile-de-Ré (Charente-Maritime). Ici, des hommes qui purgent vingt, trente ans, perpète. « J’ai 63 ans, vingt-sept en taule. Je tiens grâce à ma femme, elle a 64 ans maintenant, mais le jour où elle m’attendra plus… » « J’ai été condamnée quand j’avais 18 ans, dit un autre. Ça fait trente et un ans. À mon procès, le procureur avait requis la peine de mort. Si j’avais su que c’était la peine de mort ou la perpétuité réelle, mon choix aurait été vite fait. »

Le plus étonnant dans le film de Stéphane Mercurio, c’est le nombre de détenus qui parlent à visage découvert et savent, ils le disent, les rétorsions prochaines. « Ils n’ont pas voulu être floutés, dit la réalisatrice. Eux qui sont si souvent niés ont soif de témoigner. » Ce que constate aussi Jean-Marie Delarue : « Ces lieux sont effacés - on ne sait pas ce qu’il s’y passe — et les personnes à l’intérieur s’effacent aussi, doucement. On ne les voit plus. À force, ce n’est pas seulement leur trace dans la société qui s’efface, c’est leur personnalité. » Il y a deux lieux où la caméra n’a pas pu entrer : les commissariats et les centres de rétention. Tous deux dépendent du ministère de l’Intérieur.

Paru dans Libération du 23 mars 2011

jeudi 31 mars 2011

École de la Cause freudienne

Le rapport sexuel au XXIeme siècle
Par Dominique Laurent, psychanalyste, membre de l'École de la Cause freudienne.

  • A écouter ici




Les corps, ces objets encombrants. Contribution à la critique féministe des sciences

Hélène Rouch
26 mars 2011











Éditions iXe, 2011, 240 p.

Lire la suite ici

Les Livres de Psychanalyse
Le Mystère du corps parlant

Revue du Champ Lacanien n°9 - Mars 2011
arton509

Lire la suite ici

mercredi 30 mars 2011

Camille Moreau, juriste en droit de la santé. Réforme de la psychiatrie : quelles nouvelles responsabilités pour le directeur d'établissement ?
29.03.11 

Le projet de réforme de la loi de psychiatrie, récemment votée par l'Assemblée nationale et actuellement entre les mains du Sénat, devrait modifier les pratiques des établissements et donc de leurs directeurs sans pour autant transformer leur cœur de métier, ce qu'explique à Hospimedia Camille Moreau.

Hospimedia : "La réforme de la loi du 27 juin 1990 relative aux droits et à la protection des personnes hospitalisées en raison de troubles mentaux et à leurs conditions d'hospitalisation, récemment votée à l'Assemblée nationale, implique d'importants changements pour les directeurs d'établissement. Avant de revenir sur ces modifications, quelles sont les responsabilités actuelles des directeurs ?


Camille Moreau :
Concernant les responsabilités actuelles, le directeur d’établissement est avant tout le garant du respect des procédures pour les hospitalisations psychiatriques sous contraintes. Comme ces hospitalisations sont des mesures privatives de liberté, elles ont un caractère grave pour le patient, donc la loi fixe des conditions strictes à respecter tout au long de cette hospitalisation pour éviter d'éventuels abus. Le directeur est donc en charge de vérifier que l'hospitalisation est décidée et se passe dans des conditions qui respectent pleinement la loi, ce que l'on appelle le "contrôle de légalité" (avant d'admettre administrativement le patient, il doit par exemple vérifier son identité et que les certificats médicaux sont bien établis conformément au Code de la santé publique).

Le directeur est aussi responsable de la transmission régulière des informations aux instances de contrôle (préfet et Commission départementale des hospitalisations psychiatriques). En matière d'hospitalisations d'office (sur décision du préfet), il a également, à l'inverse, le rôle de réception des décisions du préfet et de leur application.

Enfin, outre ces contrôles des mesures individuelles d'hospitalisation, le directeur d'établissement est de manière générale responsable de l'organisation des soins et notamment du respect des droits des patients.

H. : Quels sont les changements qu'implique la réforme de la loi de psychiatrie ? Quels seront les impacts pour le quotidien des directeurs d'établissement ?


C.M. :
Dans la continuité de la situation actuelle, le directeur d'établissement est toujours envisagé comme le responsable de l'organisation générale des soins d'une part et comme le responsable de la légalité et des mesures individuelles d'autre part. Ces missions vont être impactées par l'évolution des procédures prévues par le projet de loi.

Par exemple, pour l'organisation générale des soins, le directeur d'établissement va devoir adapter l'organisation de son établissement aux nouvelles modalités de prise en charge des patients, telles que l'instauration d'une phase d'observation de 72 heures incluant un examen somatique complet du patient dans les 24 premières heures (nouveauté introduite par l'Assemblée nationale à l'article L 3211-2-2). De même, le renforcement des droits des patients et l'augmentation du nombre de certificats médicaux requis, notamment dans la première phase de l'hospitalisation (certificats initiaux, des 24 heures, des 72 heures, etc.) supposera des adaptations organisationnelles. Ces démarches, qui complexifient et multiplient les procédures, représentent une crainte réelle dans la mesure où l'entrée en vigueur de la nouvelle loi est annoncée pour le 1er août, ce qui ne laissera qu'un délai très court aux établissements pour intégrer la réforme. Il faut aussi savoir que si un délai n'est pas respecté et qu'un certificat n'est pas produit en temps et en heure, la sanction est en principe la levée automatiquement de la mesure ; d'où une responsabilité potentiellement importante du directeur d'établissement, puisqu'il est chargé d'organiser les soins pour faire en sorte que tout se déroule dans les délais impartis.

Par ailleurs, les "soins" psychiatriques sous contrainte ne se dérouleront plus obligatoirement sous la forme d'une "hospitalisation" à temps complet. Le projet de loi prévoit ainsi que le patient puisse être pris en charge sous des formes alternatives à l'hospitalisation physique telles que par des soins psychiatriques ambulatoires ou à domicile. À cet effet, le directeur d'établissement sera en charge de signer des conventions avec le préfet, les collectivités territoriales et le directeur général de l'ARS pour organiser ces modes de prise en charge et les collaborations de terrain, notamment lorsque le patient doit être réintégré en hospitalisation complète (nouvel article L 3222-1-2 adopté par l'Assemblée nationale).

En ce qui concerne la légalité des mesures individuelles, le principal impact résulte de l'introduction du Juge des libertés et de la détention (JLD) dans la procédure pour toutes les hospitalisations à temps complet de plus de quinze jours. Dans ce cadre, le directeur d'établissement est directement responsable de plusieurs éléments : saisir le JLD chaque fois que c'est nécessaire, réunir des avis médicaux avant l'audience du JLD ou, par exemple, vérifier que le patient ne s'oppose pas à une audience par télécommunication audiovisuelle (articles L 3211-12-1 et L 3211-12-2). Tous les établissements devront d'ailleurs avoir une salle spécifique équipée. Enfin, si le JLD prononce la levée d'une hospitalisation à temps complet et qu'un appel est formé contre cette décision, le directeur d'établissement peut, dans le cadre de soins à la demande d'un tiers, demander l'effet suspensif de l'appel.

H. : Dès la publication du projet de réforme de la loi de psychiatrie, un point a particulièrement suscité la polémique car il permettait au directeur d'établissement d'aller à l'encontre d'une décision médicale...

C.M. :
Sur les soins à la demande d'un tiers ou pour péril imminent, les termes employés dans le projet de loi pouvaient être interprétés comme donnant au directeur d'établissement une certaine liberté d'appréciation par rapport aux avis médicaux : il était indiqué que le directeur d'établissement "peut" maintenir les soins ou modifier la forme de la prise en charge. Il y avait donc un risque au départ qu'il puisse être reproché au directeur, en cas d'incident, de ne pas avoir tenu compte d'éléments autres que le certificat médical. De plus, cette nouvelle responsabilité du directeur étant implicite dans le texte, il aurait fallu attendre une décision de justice pour clarifier la situation et les champs de responsabilités.

Heureusement, un amendement voté par l'Assemblée nationale est venu régler en grande partie la question en indiquant que le directeur d'établissement était "tenu" de suivre l'avis du médecin (nouvelle version de l'article L 3212-4). Cette disposition concerne le choix de la forme de la prise en charge du patient. Dans le cas de soins à la demande d'un tiers ou pour péril imminent, à l'issue de la période de 72 heures d'observation, le psychiatre doit décider quelle est la forme la plus adaptée pour le patient et établir un protocole de soins pour définir ces soins. Des choix que le directeur devra suivre. En conséquence, l'esprit du projet de loi n'est plus de mettre le directeur dans une position de décision de soins face aux avis médicaux, ce qui constitue une évolution favorable du projet de loi pour les établissements de santé, dans la mesure où les champs de compétences de chacun sont respectés : administratives et d'organisation pour les directeurs d’établissement – médicales pour les médecins. Il ne devrait donc plus s'agir d'un point d'achoppement et une nouvelle modification par le Sénat est peu probable."
Propos recueillis par G
Enregistré
éraldine Tribault
Camille Moreau
Camille moreau est consultante senior pour Expert juridique santé (EJS). De formation, elle est juriste en droit de la santé, spécialisée en droit hospitalier et en droit de la fonction publique hospitalière.
G.T.

Réforme de la psychiatrie, le grand enfermement

Analyse
29.03.1

L'asile est de retour. Les murs d'enceinte des hôpitaux psychiatriques, qui avaient été abolis à partir des années 1970, font physiquement et symboliquement leur réapparition. En 2008, après un fait divers dramatique, Nicolas Sarkozy avait demandé la fermeture des établissements psychiatriques et le durcissement de l'internement d'office des malades, désormais considérés comme potentiellement dangereux. Deux ans après, ce programme est en passe d'être mis à exécution : la réforme de la loi de 1990 sur les hospitalisations sans consentement, qui a été adoptée en première lecture le 22 mars par les députés, parachève le virage sécuritaire imposé par les pouvoirs publics à la psychiatrie publique.

La psychiatrie était engagée,
depuis une trentaine d'années, dans un mouvement de désinstitutionnalisation pour sortir les malades mentaux des grandes structures asilaires et les réinscrire dans la cité. Dans la foulée du mouvement de l'antipsychiatrie, les soignants avaient reconnu l'effet néfaste et désocialisant de la mise à l'écart. Des structures plus proches des patients, tels les centres médico-psychologiques, qui les suivent en ville, ont été créées.


Mais ce mouvement, s'il tendait à déstigmatiser la maladie mentale, a eu ses effets pervers. La fermeture de quelque 50 000 lits d'hospitalisation n'a pas toujours été compensée par l'ouverture de structures alternatives. Le manque de places a conduit à la crise du secteur, créant des ruptures de soins pour certains malades insuffisamment pris en charge.


C'est dans ce contexte que la psychiatrie a vécu deux drames qui ont considérablement assombri ses perspectives. En 2004, à Pau, un patient schizophrène, qui n'était plus soigné par l'hôpital, a tué sauvagement une infirmière et une aide-soignante. Quatre ans plus tard, à Grenoble, un malade en permission de sortie a assassiné un jeune homme en plein centre-ville. La psychiatrie a été mise en cause pour ses manquements. Peu comprise dans son fonctionnement - le risque zéro existe en santé mentale encore moins qu'ailleurs -, elle a été attaquée dans ses fondements. En décembre 2008, dans un discours qui a marqué au fer les psychiatres, M. Sarkozy leur imposait un changement de paradigme : annonçant un durcissement de l'internement d'office, il faisait primer la préoccupation sécuritaire sur le soin.


Depuis, les portes des hôpitaux se referment
progressivement sur les malades internés. Dès 2009, 70 millions d'euros ont été débloqués pour bâtir ou rebâtir les enceintes des hôpitaux, créer des unités fermées et des chambres d'isolement, multiplier les dispositifs de surveillance (portiques et caméras). Les préfets ont ensuite reçu l'ordre de ne plus valider systématiquement les sorties des malades hospitalisés d'office, même si elles sont soutenues par les psychiatres. Une circulaire leur a été adressée, le 11 janvier 2010, afin qu'ils s'assurent "de la comptabilité de la mesure de sortie avec les impératifs d'ordre et de sécurité publics". L'avis "des services de police ou de gendarmerie" est requis pour étayer la décision des préfets.


Les effets de cette politique viennent d'être mesurés par le Contrôleur général des lieux de privation de liberté, une personnalité indépendante qui visite inopinément les hôpitaux psychiatriques. Dans un avis publié le 20 mars, Jean-Marie Delarue constate que les levées d'internement d'office ne sont plus accordées qu'au compte-gouttes. Tout se passe comme si, malgré les soins prodigués, le patient reste considéré comme "aussi dangereux pour lui-même ou autrui qu'au jour de son hospitalisation". Comme dans un mauvais film sont retenues en psychiatrie "des personnes dont l'état, attesté par les médecins, ne justifie pas qu'elles y soient maintenues contreleur gré".


Pis, cette situation fait "obstacl
e à l'hospitalisation de personnes qui en auraientau contraire besoin". Les hôpitaux prennent peu à peu une couleur carcérale : un "nombre croissant d'unités hospitalières sontaujourd'hui fermées à clé", ce qui a des effets sur les personnes hospitalisées de leur plein gré, également "privées de leur liberté d'aller et venir".


On comprend mieux, dans ce contexte, la très forte hostilité suscitée par la révision de la loi de 1990 sur les soins sans consentement. Alors que la réforme était réclamée depuis des années par les psychiatres, les patients et leurs familles, le texte n'est analysé qu'au filtre du souci sécuritaire du gouvernement. Des innovations, qui auraient pu être intéressantes comme l'observation du patient pendant 72 heures avant toute hospitalisation ou la possibilité de suivre un traitement sous le régime de la contrainte mais chez soi, sont considérées avec méfiance par les soignants.


L'instauration d'un fichier des antécédents médicaux des malades - véritable "casier psychiatrique", selon les psychiatres - et le durcissement des conditions de sortie des personnes internées ont achevé de catalyser l'opposition au projet de loi. La psychiatrie attendait une réforme sanitaire, elle voulait soigner plutôt qu'enfermer. La voilà confrontée au retour du refoulé asilaire.


prieur@lemonde.fr Cécile Prieur (Service France)




  Point de vue
"La loi sur la psychiatrie est absurde, incohérente et inapplicable !"

L
es députés ont adopté en première lecture dans la nuit du 16 mars, le projet de loi "relatif aux droits et à la protection des personnes faisant l'objet de soins psychiatriques et aux modalités de leur prise en charge". Le vote solennel du projet a eu lieu mardi 22 mars, avant d'être envoyé au Sénat pour examen. Mais, il n'y aura pas de seconde lecture.

Le gouvernement ayant choisi la procédure accélérée, le texte, même éventuellement modifié par les sénateurs, pourra être adopté selon la première lecture de l'Assemblée nationale ! Pourtant ce projet de loi provoque un basculement radical de la pratique psychiatrie, une transformation démente et inquiétante de la psychiatrie !


Les équipes soignantes vont être transformées par cette loi en une "police sanitaire psychiatrique" dont le rôle va être réduit à "surveiller, contrôler, injecter" !


Cette loi a été voulue par le président de la République réagissant dans l'émotion et la précipitation au meurtre d'un étudiant par un malade. Cette loi devrait concerner les personnes actuellement sous contrainte, c'est à dire 70 000 personnes sur les 300 000 hospitalisées. Mais elle est organisée à partir des situations en hospitalisation d'office, c'est à dire 10 000 personnes ! Elle a pour socle, le présupposé totalement erroné sur le plan scientifique, énoncé par le président en décembre 2008 : "Tous les malades mentaux sont potentiellement dangereux, potentiellement criminels !"


Ainsi l'ensemble des personnes soignées en psychiatrie, celles qui choisissent librement de se soigner, c'est à dire 80 % des malades hospitalisés, mais aussi les trois millions de personnes ayant consulté et traités pour un trouble psychique vont se retrouver confrontés "par contamination" aux mêmes a priori, aux mêmes préjugés, aux mêmes risques, et tomber potentiellement dans les "soins sans consentement".


Ce message terrible, ravageant, faisant appel aux peurs ancestrales de la folie, désigne à la vindicte populaire ces personnes, amplifie la peur de l'autre, renforce la stigmatisation. La loi vient l'instituer de façon insupportable, indigne !


Les 23 000 signataires de l'Appel lancé par le Collectif des 39 contre la nuit sécuritaire : "Réforme de la psychiatrie : une déraison d'Etat", la totalité des syndicats de psychiatres – fait inédit – le syndicat national des psychologues, les syndicats de personnels soignants, des associations de psychanalystes, des associations de patients, des associations de familles, le Syndicat de la magistrature, plusieurs centaines de manifestants mardi 15 mars devant l'assemblée, rien n'y a fait !


DÉRIVES


Depuis deux ans qu'il s'est constitué, le Collectif des 39 dénonce la dérive des pratiques, des situations de maltraitance des malades, la banalisation des contentions, l'abandon des familles à leur désarroi. Les Etats généraux de la psychiatrie en juin 2003 avaient déjà réclamé vingt-deux mesures d'urgence pour tenter de lutter contre le péril menaçant l'ensemble de la psychiatrie !


Cette situation n'est en rien dû à la mauvaise volonté des soignants, à une indifférence au sort des malades et des familles. Elle est le résultat de plusieurs éléments : conception de la maladie mentale qui s'est imposée avec le scientisme dominant des dernières années, formation indigente des psychiatres réduite aux seuls traitements médicamenteux, absence quasi-totale d'une formation digne de ce nom pour les infirmiers, laminage des esprits par l'idéologie de l'hôpital-entreprise, de la gestion bureaucratique parachevée par la récente loi Hôpital, patients, santé, territoires, à la pénurie organisée, enfin absence de budget spécifique pour la psychiatrie.


Aux arguments étayés de toute la profession, tous statuts confondus, dénonçant une loi sécuritaire mais revendiquant l'urgence d'une loi sanitaire, aux appels au secours d'associations de patients, aux rejets par de nombreuses associations régionales des de familles de malades, le rapporteur du projet de loi n'a opposé qu'arrogance, falsification, mystification, ignorance. Falsification, lorsqu'il déclare que la loi va permettre de sauver les quatre mille personnes qui se suicident chaque année ! Mystification, quand il proclame que les 30 000 à 60 000 personnes sans domicile fixe qui souffrent de troubles mentaux, abandonnées par leur famille,vont pouvoir être prises en charge ! Ignorance de la pratique psychiatrique, quand il déclare que les patients qui dénient leur pathologie vont être enfin traitées grâce à ce dispositif !


De plus, avec ce projet de loi, force reste au préfet. La disqualification des professionnels est totale, la suspicion à leur égard comme à l'égard des magistrats est entérinée par le texte.


Pire, dans leur aveuglement politique, dans leur méconnaissance de la clinique psychiatrique la plus élémentaire, les députés de la majorité n'ont pas pris la mesure du plus grave : cette loi, si elle est adoptée, va aboutir à l'exacte inverse de ce à quoi elle prétend répondre : la sécurité et la prévention des passages à l'acte dangereux.


En effet, les personnes les plus perturbées, les plus en souffrance, sont aux prises avec une méfiance extrême, voire des sentiments de persécution, des sentiments d'être surveillés, épiés. Ces personnes lorsqu'elles sauront qu'elles seront dénoncées par leur psychiatre, leurs soignants au directeur de l'hôpital et au préfet, en cas de refus ou d'opposition aux soins et risquant un retour forcée à l'hôpital, vont tout faire pour échapper, pour se sauver. Et c'est dans un tel contexte, que des individus ayant le sentiment d'être cernés, pourchassés, forcés, risquent de basculer dans des passages à l'acte les plus graves…


La psychiatrie, dans une perspective thérapeutique, ne peut travailler qu'en favorisant la confiance, l'instauration d'une relation rassurante, le tissage d'un lien avec une personne malade. C'est dans ce cadre, et uniquement dans ce cadre, que nous pouvons imposer une contrainte parfois nécessaire, que la psychiatrie peut prétendre être thérapeutique.


Mesdames, messieurs les parlementaires, prenez conscience de l'immense responsabilité que vous prenez, de l'absurdité de ce dispositif législatif, de cette monstruosité qui est en train de se créer !

Paul Machto, psychiatre des hôpitaux, Marie Cathelineau, psychologue, Hervé Bokobza, psychiatre, pour le Collectif des 39 contre la nuit sécuritaire




Sampling completed at Wed Mar 30 2011 16:43:22 GMT+0200 (CET)

Réforme de la psychiatrie
L'ADESM souligne dans un rapport d'observations les difficultés d'application du projet de loi

02.03.11

A la veille de l'examen parlementaire du projet de loi relatif aux droits et à la protection des personnes faisant l'objet de soins psychiatriques et aux modalités de leur prise en charge*, l'Association des établissements participant au service public de santé mentale (ADESM) a regroupé ses observations
dans un document d'une douzaine de pages.

Tout d'abord, l'ADESM redoute que le futur dispositif trouve difficilement un équilibre entre la continuité et le changement mais aussi la finalité thérapeutique et sécuritaire. Elle relève également des difficultés d'ordre juridique notamment concernant la responsabilité des directeurs d'établissement sur le plan pénal. Le projet instaure deux modes d'admission en soins sans consentement sur demande de tiers (alternatif et dérogatoire).

Elle passe ensuite aux difficultés d'ordre organisationnel et pratique. Pour l'ADESM, "la mise en application réelle au 1er août est rendue d'autant moins plausible que le projet comporte des décrets d'application dont dépend l'applicabilité de la loi". L'association évoque "des procédures alourdies" citant les 5 et 6 certificats médicaux et avis émanant d'au moins 3 ou 4 médecins différents à présenter entre le 1er et 12e jour suivant l'admission du patient. L'ADESM suggère d'alléger le programme des visites des autorités en supprimant les visites du juge du tribunal d'instance et du président du tribunal de grande instance. Elle ajoute, "il est possible aussi de rendre certaines de ces visites (maire par exemple) facultatives".

L'ADESM regrette par ailleurs que la nécessité d'accorder des moyens supplémentaires pour la mise en œuvre de la nouvelle loi ne soit pas toujours cernée. Le projet n'évoque pas l'impact de la nouvelle réglementation sur le fonctionnement des bureaux des admissions et des secrétariats médico-hospitaliers du fait, en particulier, du renforcement des obligations légales d'informations données aux patients, aux tiers demandeurs, à la famille, indique l'association. Pour elle, d'autre points semblent rester très vagues dans ce texte comme par exemple la question du transport des patients. Enfin, l'ADESM signale que le nouveau dispositif aura des conséquences sur l'organisation générale de la santé mentale. Le ministère n'échapperait donc pas à une refonte de la loi du 27 juin 1990.
L.W.

* L'examen du projet de loi, inscrit à l'agenda des députés, doit débuter le 15 mars prochain.
Soins et privation de liberté sont-ils compatibles ?
Point de vue
30.03.11

L
es débats en France autour du projet de réforme de la loi du 27 juin 1990 qui envisage des "soins contraignants hors hôpital" en plus de l'hospitalisation sans consentement en psychiatrie ne suggèrent-ils pas la réflexion suivante ? Entendu qu'à l'exception d'un délit, toute privation de liberté est inacceptable, y aurait-il néanmoins des cas particuliers qui autoriseraient à ne pas respecter inconditionnellement la liberté d'autrui ?

Rappelons qu'en Belgique, l'article second de la "loi relative à la protection de la personne du malade mental" (26 juin 1990) stipule que "les mesures de protection ne peuvent être prises, à défaut de tout autre traitement approprié, à l'égard d'un malade mental, que si son état le requiert, soit qu'il mette gravement en péril sa santé et sa sécurité, soit qu'il constitue une menace grave pour la vie ou l'intégrité d'autrui". Ainsi, par exemple, l'anorexique ne constitue pas un danger grave pour autrui. Elle ne nuit gravement qu'à elle-même. A la différence de certains "malades mentaux" qui, en plus de nuire éventuellement à eux-mêmes, peuvent aussi nuire à autrui. Sur ces deux thèmes – nuire à soi-même ou à autrui – écoutons le philosophe John Stuart Mill (1806-1873).


Dans son Essay on Liberty (1859), John Stuart Mill pose un principe destiné à régler les rapports de la société et de l'individu dans tout ce qui est "contrainte ou contrôle". Ce principe veut que "les hommes ne soient autorisés, individuellement ou collectivement, à entraver la liberté d'action de quiconque que pour assurer leur propre protection". La "seule raison légitime que puisse avoir une communauté pour user de la force contre un de ses membres est de l'empêcher de nuire aux autres". Ainsi, "contraindre quiconque pour son propre bien, physique ou moral, ne constitue pas une justification suffisante". John Stuart Mill concède que les actes de cet homme sont certes de "bonnes raisons pour lui faire des remontrances, le raisonner, le persuader ou le supplier, mais non pour le contraindre ou lui causer du tort s'il agit autrement". Le seul aspect de la conduite d'un individu qui soit du ressort de la "société""concerne les autres".
est donc celui qui

Quant à "ce qui ne concerne que lui, son indépendance est, de droit, absolue. Sur lui-même, sur son corps et son esprit, l'individu est souverain". Selon l'éthique "minimaliste" de Mill, comme le résume Ruwen Ogien, le rapport de soi à soi est donc moralement indifférent. Et le fait de juste nuire à soi-même ne peut pas amener de privation de liberté à des fins de soins tant que, condition sine qua non
pour John Stuart Mill, cet agissement individuel ne nuit pas aux intérêts des autres. Dans le cas contraire, John Stuart Mill était aussi clair : nuire à autrui peut autoriser une privation de liberté.

LE DOGME DE LA NORME


Mais il reste qu'à la différence de John Stuart Mill – que certains taxent d'indifférence égoïste –, une éthique paternaliste verra au contraire dans la seule auto-nuisance d'un individu isolé un "état de nécessité". Et elle ne tiendra pas compte du consentement du sujet aux soins. Un proche, la famille ou le médecin traitent dès lors autrui – le sujet malade – conformément à ce qu'eux-mêmes estiment être le bien d'autrui. A cette condition, soins et privation de liberté s'avèrent, ponctuellement et temporairement, compatibles à l'égard d'un individu isolé. Des soins qui doivent, bien entendu, se révéler, au final, bénéfiques. Ce qui justifie a posteriori le choix de l'option paternaliste.


Certains feront toutefois remarquer à ces paternalistes (bienveillants) que, dans le cas d'agissements "marginaux" aux conséquences purement individuelles, leur intervention peut aussi s'apparenter à une "morale de commissariat". Les paternalistes répondront qu'il y a parfois de réels "états de nécessité" suite aux agissements "marginaux" du seul individu concerné. C'est, de fait, la redoutable question du consentement d'un sujet autonome à un "tort" auto-infligé sans conséquence pour autrui. Faut-il y répondre par l'éthique "minimaliste" de Mill (raisonner, persuader, supplier mais non contraindre) ou par un interventionnisme paternaliste bienfaisant ?


On demeurera en tout cas très vigilant face à l'injonction, qui semble de plus en plus présente, selon laquelle nous aurions tous un même devoir impératif de santé et de normalité. Sans tomber dans l'indifférence égoïste, ni dans la valorisation de la maladie (mentale), la liberté chère à l'éthique de Mill ne peut accepter le dogme de la norme qui, de nos jours, vise, peut-on craindre, à s'étendre au-delà du seul domaine de la psychiatrie. Comme le soutenait dès 1943 Georges Canguilhem, "le normal n'a pas la rigidité d'un fait de contrainte collective mais la souplesse d'une norme qui se transforme dans sa relation à des conditions individuelles".

Pierre-Frédéric Daled, philosophe, chaire d'éthique de l'Université libre de Bruxelles et membre du comité consultatif belge de bioéthique



Comité de Liaison Français de convergencia

Folie de l’institution
Création de la folie



Rebond du colloque du « Normativité, création, transmission dans la psychanalyse », nous vous proposons un cycle de films et de débats qui viennent donner corps à la question de la normalité, de la folie, et de la normativité. Là où les institutions, asphyxiées de gestionnaire et de sécuritaire, viennent engrillager la folie, des lieux d’accueil de la folie peuvent la rendre créatrice. La folie lieu de mort, mais aussi la folie lieu de vie, antidote à la mort psychique, à condition que …

SAMEDI 2 AVRIL de 14 à 18h
Faculté des Sciences Paris Jussieu, Amphi 45A –Tour 45
4 place Jussieu 75005 Paris
Inscription sur place: 10€

1ere séance
l’Atelier du Non-Faire
avec "La tête dans les toiles"
film de 52’ de Patrice Rolet
Présenté par Danièle Epstein
Suivi de débats, et de témoignages
Modérateur : Paolo Lollo


Avec Patrice Rolet (Réalisateur), Christian Sabas (peintre et musicien Fondateur de l’Atelier du Non-Faire), Ismaïl Konate (peintre et directeur général de l’Atelier du Non-Faire), Xavier Amar (peintre, musicien, comédien, écrivain de l’Atelier du Non-Faire), Fabienne Ankaoua, Guy Dana, Barbara Didier, Françoise Fabre, Nabile Fares, Caroline Gillier, Dominique Le Vaguerèse, (psychanalystes)


Une visite de l’Atelier du Non-Faire sera organisée,
sur inscription, Samedi 30 Avril 2011

"Comment d’un lieu de création peut-on faire un intermédiaire,
une porte ouverte sur l’extérieur, sur l’intérieur,
et un vivre “avec” notre folie?"
Christian Sabas

Lire la suite ici

La profession infirmière aux abois appelée à manifester

28.03.11

Les dernières réformes appliquées aux professionnels mais aussi aux étudiants infirmiers, qu'elles concernent la formation ou les retraites et les reclassements dans la Fonction publique hospitalière (FPH) suscitent diverses controverses.

La Coordination nationale infirmière (CNI) appelle ainsi le 31 mars les infirmiers à manifester leur mécontentement à Paris devant le Sénat contre la réforme des retraites et la transformation dans la FPH de la catégorie active en catégorie sédentaire. Cette dernière ne prend plus en compte la notion de pénibilité, déplore à Hospimedia, Nathalie Depoire, présidente de la CNI. La date choisie pour protester est symbolique, puisqu'elle marque la fin du droit d'option infirmier imposant aux professionnels de la FPH de choisir sans droit au remord, entre un passage à la catégorie A et un maintien en B. Les professionnels qui ne se seront pas décidés à cette date, seront maintenus en catégorie B. L'outil de simulation des retraites n'étant disponible que depuis le mois de février dernier, les infirmiers n'ont pas eu le temps de réflexion annoncé pour faire leur choix au regard de tous les éléments d'information nécessaires, estime Nathalie Depoire (lire aussi notre brève du 22/02/2011). "La revalorisation salariale consentie pour accompagner ce passage en catégorie A est aussi dérisoire qu'irrespectueuse au regard de notre niveau de compétence et de responsabilité", lit-on dans le tract du syndicat.

Par ailleurs, la réforme LMD de la formation des infirmières et en particulier les conditions de la mise en place du nouveau système sont épinglées par la Fédération nationale des étudiants en soins infirmiers (FNESI) qui appelle dans un communiqué les étudiants à dénoncer cette situation, le 12 mai prochain sur le parvis de la gare Montparnasse à Paris. La FNESI fustige en particulier les manques de moyens humains et financiers "nécessaires à la mise en place d'enseignement de qualité". Pour elle, cette réforme est "bâclée". "Le bilan de la deuxième année de mise en place s'annonce encore plus chaotique que la première", déclare la fédération qui relève peu d'évolution sur des points sensibles comme la formation des tuteurs, la qualité des enseignements universitaires et leurs évaluations, la reconnaissance du statut d'étudiant universitaire ou encore les conditions sociales étudiantes.
L.W.
Vous êtes fous ?!!!

Dimanche dernier, la 1ère partie de l’émission « 3d » de Stéphane Paoli (sur France Inter à midi), portait sur « La psychiatrie », sujet ô combien passionnant et, plus précisément, sur le « Projet de loi relatif aux droits et à la protection des personnes faisant l'objet de soins psychiatriques et aux modalités de leur prise en charge», qui a été adopté au Conseil des Ministres du 26 janvier 2011, et va être débattu au Parlement au printemps.
Le Dr Baillon, premier de ses invités est psychiatre des hôpitaux, il travaille en équipe de secteur dans le 93 entre l’Hôpital de Ville-Evrard et le secteur de Bondy. Il est également le cofondateur de l’Association "Accueils", membre du collectif des 39 - Contre la Nuit Sécuritaire
Jean-Marie Delarue, deuxième invité, est contrôleur général des lieux de privation de liberté
Le Dr Baillon rappelait une des données relevées par Jean-Claude Ameisen (cf. son émission « sur les épaules de Darwin » le samedi matin à 11h…) : les gênes ne sont pas tout, tout ce que nous vivons laisse des traces qui vont être constamment utilisée par la suite…
Jean-Marie Delarue, relevait, lui, que la maladie mentale est assimilée à la dangerosité or c’est d’abord une détresse pour la personne.
Marc Crépon, 3ème invité, est philosophe, directeur de recherches au CNRS, il a écrit des ouvrages sur la culture de la peur.
Et se pose la question : « comment dépasser la peur pour ne pas refuser l’autre ? »
La question de l’enfermement, au cœur de cette émission, est de deux ordres :

- Il n’y a pas de sécurité sans dignité, il faut donc la sauvegarder ; c’est elle qui fait de nous des êtres humains ;

- C’est assez facile d’enfermer les gens, la difficulté c’est de sortir des lieux de privation de liberté…

Il y a des malades « comme vous et moi » qui sont hospitalisés librement et décident eux-mêmes de leur sortie.

Et il y a ceux qui sont enfermés par décision administrative sur certificat médical de deux médecins avec signature du préfet derrière.
Et il y a l’hospitalisation d’office avec décision de police.

Le problème de la sortie : c’est le préfet qui la décide… ses motivations, c’est de savoir si le malade est toujours menaçant ou pas. Et comme on a tous envie de s’abriter derrière quelque chose et que le préfet n’est pas plus fort que les autres…


La réalité fondatrice du soin est qu’il y a eu basculement de l’identité.


Quand on est dans la peur, on est à l’extérieur de la pensée de cette personne.


La loi sécuritaire au nom de la supposée sécurité de tous fabrique de l’insécurité (par l’oubli de l’humanité et du droit des malades).

Le malade est une cible, comme on en a eu successivement un certain nombre. Quand un gouvernement en place est incapable d’assurer la sécurité de la vie, il fabrique des cibles de substitution et il désigne des cibles d’insécurité et ces cibles vont être elles-mêmes dans l’insécurité.

L’esclavage, c’est le foyer de nos peurs qui tisse une toile qui finit par nous enfermer.

Le propre de la démocratie doit être de ne pas développer la culture de la peur, or quand la frontière est proche, la démocratie est fragilisée.

Par ailleurs, le rôle d’amplification des médias est important : ils ont un rôle terrible dans une société qui est une démocratie car ils sont en principe porteurs de liberté or là ils deviennent un outil d’un système qui prend pour cible des situations et instrumentalise la peur…


La culture de la peur est une culture de l’incapacité : ne pas savoir comment affronter certaines difficultés.


L’insécurité existe dans plein de domaines de la vie, mais si on choisit une cible, on exclut les autres. Chaque gouvernement se construit sa propre définition de la sécurité.


Il ne s’agit pas de diaboliser la peur, mais il faut donner aux individus l’habilitation à prendre en charge individuellement ses propres peurs. Il faut une éducation dans tous les domaines pour pouvoir mettre un peu à distance ce qui fait peur.


Il y a une contradiction entre la logique du soin et la logique sécuritaire de l’enfermement.

Avec l’enfermement quasi systématique maintenant c’est un déni d‘humanité et ça relève d’un consentement meurtrier (cf. Camus)

Pour réécouter l’émission allez sur la page France Inter et podcastez ensuite (si vous pouvez !)

http://sites.radiofrance.fr/franceinter/em/3D-journal/

voir le site du collectif des 39 contre la nuit sécuritaire et cette page qui présente la réforme et une pétition :

http://www.collectifpsychiatrie.fr/?p=1392

Guy Baillon : « Psychiatrie : quel accueil pour la folie » Cet ouvrage prend part au débat national sur la place faite à la psychiatrie dans le champ de l'action sociale. Il questionne la position de l'Etat, et les conséquences d'une loi sur les usagers et leur famille. Éditeur : Champ social - parution : février 2011
Guy Baillon « Les usagers au secours de la psychiatrie : la parole retrouvée » Réflexion d'un psychiatre sur la loi du 11 février 2005 accordant un nouveau statut à la parole des usagers en psychiatrie et évoquant pour la première fois la notion de "personne en situation de handicap psychique". Cette reconnaissance du handicap psychique ouvre la voie à une simplification de l'accès aux soins et à une collaboration nouvelle de la psychiatrie et de l'action sociale. Éditeur : Erès, parution : 2009

Marc Crépon "La culture de la peur – Volume 1, Démocratie, identité, sécurité" (Galilée, 2008), et "La culture de la peur – Volume 2, La guerre des civilisations" (Galilée, 2010)

L'invocation de la peur fut le privilège des régimes de terreur. Face à une exigence de plus en plus grande en matière de protection et de sécurité, la question est posée concernant la part du besoin de sécurité humaine et celle de la sécurité de l'État

Un enfant sur dix se dit victime de violences à l'école


N
euf enfants sur dix se sentent bien à l'école, mais environ un sur dix (11,7 %) se dit harcelé, victime de violences physiques et verbales répétées, selon une étude de l'Observatoire international de la violence à l'école pour l'Unicef, publiée mardi. De fin 2009 à fin 2010, 12 326 élèves de CE2, CM1 et CM2 de 8 à 12 ans issus de 157 écoles de huit académies ont été interrogés sur le climat scolaire, la qualité des relations entre élèves et avec les enseignants, et sur leur sentiment de sécurité.

Le ministre de l'éducation nationale, Luc Chatel, doit installer mardi un "conseil scientifique contre les discriminations à l'école", chargé en particulier de la lutte contre le harcèlement scolaire, a annoncé le ministère. Il sera présidé par François Heran, un démographe, ancien directeur de l'Institut national des études démographiques.


D'après l'étude, le phénomène de "victimation" reste plutôt limité puisqu'en moyenne près de neuf élèves sur dix (88,9 %) déclarent se sentir "tout à fait bien" ou "plutôt bien" à l'école, et plus de 7 sur 10 ne sont "jamais" victimes de violences ou "très occasionnellement". Mais pour une minorité d'élèves, la violence se fait sentir souvent par de petites agressions répétées, allant du vol de goûters aux insultes et menaces mais aussi aux coups, racket ou violences sexuelles.


Le taux d'élèves victimes de harcèlement physique est estimé à 10,1 %, 71,8 % des élèves interrogés n'étant pas victimes de violences et 18 % l'étant occasionnellement. Dans le détail, 17 % des élèves disent avoir été souvent frappés par d'autres, et les violences à connotation sexuelle (voyeurisme, déshabillage ou baiser forcé) sont rapportées par 18 % des interrogés.


67 % des agressions physiques sont le fait de garçons, contre 20 % qui sont le fait des filles (groupes mixtes pour 12 %). Pour les violences verbales, près de deux tiers des élèves (65 %) se disent pas ou très peu concernés comme victimes, tandis que 14,4 % le sont modérément ou fréquemment. Par exemple, 16 % des enfants ont répondu avoir été affublés d'un surnom méchant, 25 % avoir été injuriés, et le racisme fréquent est rapporté par 7 % des élèves. Au total, 11,7 % des élèves interrogés sont victimes de violences répétées à la fois physiques et verbales.


L'étude met également en garde contre les conséquences scolaires (décrochage, absentéisme) mais aussi psychologiques à long terme. Une faible estime de soi et des tendances dépressives sont beaucoup plus fortes pour les adultes ayant été harcelés enfants, selon l'enquête.