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Articles, témoignages, infos sur la psychiatrie, la psychanalyse, la clinique, etc.

mercredi 8 décembre 2021

Télé-psychothérapie: une avancée ?



  9 DÉCEMBRE 2021

QUEBEC

Récemment, j’ai rencontré une connaissance qui présente des difficultés psychiques. Malgré une intelligence évidente, cela ne lui a pas encore permis de s’intégrer dans le monde du travail; elle peine même à sortir de chez elle et à vivre au rythme de son entourage. Elle a mis du temps à pouvoir reconnaître ses difficultés mais, heureusement, grâce à l’insistance bienveillante de sa famille nucléaire, depuis deux ans et demi, elle bénéfice d’un suivi thérapeutique régulier. Elle allait une fois par semaine voir «sa psy», faisant l’effort de s’y rendre en voiture et d’arriver à l’heure au rendez-vous… jusqu’au confinement de mars 2020 (il y a vingt-et-un mois!), où on lui a proposé des visio-consultations, afin de ne pas perdre le lien et ne pas interrompre le travail entrepris. Depuis, malgré les phases d’accalmie de l’épidémie Covid-19 et la reprise d’une vie sociétale plus normale, elle n’a plus revu sa psychiatre en présentiel. Devant mon étonnement, elle m’a dit que la reprise de rendez-vous en face-à-face n’avait plus été un sujet de discussion avec sa thérapeute.

Cette histoire m’interpelle à plusieurs niveaux, moi qui n’ai jamais imaginé faire des consultations autrement qu’en présence de mes patient·es. Certes, souvent, j’ai pu donner des conseils téléphoniques, notamment pour des maladies infectieuses aigues. Mais la rencontre avec mon patient ou ma patiente, et souvent l’un de ses parents, m’a toujours paru tellement essentielle que je peine à comprendre qu’en tant que thérapeute, on se prive à la fois de ce plaisir et de toute la richesse de ce moment.

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L'hôpital face à la cinquième vague. Avec Jean-Luc Jouve et Michèle Lévy-Soussan

LE 07/12/2021

À retrouver dans l'émission

L'INVITÉ(E) DES MATINS

par Guillaume Erner

La cinquième vague de covid-19, ce sont des chiffres, mais c’est surtout un nouveau regain de pression pour l’hôpital et les soignants. 

une chambre du service de réanimation du centre hospitalier universitaire (CHU) Pierre Zobda-Quitman de Fort-de-France, le 1er décembre 2021.
une chambre du service de réanimation du centre hospitalier universitaire (CHU) Pierre Zobda-Quitman de Fort-de-France, le 1er décembre 2021. Crédits :  ALAIN JOCARD - AFP

Alors que la cinquième vague frappe désormais l’hôpital de plein fouet, et que le pire est encore à venir, les services de santé se retrouvent une nouvelle fois sous pression, comme si rien n’avait changé depuis le début de la crise sanitaire. Cela peut surprendre, dans la mesure où la pandémie a pourtant conduit à une prise de conscience collective de la situation difficile, et même désastreuse selon les soignants, que traverse depuis maintenant de longues années l’hôpital public en France. 

Malgré le « Ségur de la santé », les soignants semblent plus épuisés que jamais, et ils dénoncent la soumission de l’hôpital à une logique de rentabilité. Le métier donne par conséquent de moins en moins envie, et on assiste à une crise des vocations, si bien qu’au manque de lits s’ajoute le manque de personnel : dans de nombreux hôpitaux français, il n’y a pas assez de soignants disponibles pour que tous les lits soient en service. De biens sombres nouvelles alors que la résistance des vaccins décline et que le variant Omicron fait peur au monde entier. 

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Du Guatemala à la France, des familles brisées par les adoptions illégales

Par    Publié le 8 décembre 2021

Les filières de l’adoption internationale (1|3). Ces soixante dernières années, des centaines de milliers d’enfants d’Amérique latine, d’Asie, d’Afrique ont été adoptés par des couples européens ou nord-américains, parfois au mépris du droit. Devenus adultes, certains recherchent la vérité sur leur histoire. Premier volet de notre enquête : entre le Guatemala et la France.

Sur les murs du bureau, des dizaines de photos ternies par le temps. Des gens se sourient, s’embrassent. « Là, ce sont les premières retrouvailles que nous ayons organisées, un papa avec sa fille… En 2001. » Marco Garavito s’émeut toujours autant devant ces images, fruits de plus de deux décennies de labeur. Cet homme de 70 ans est le responsable de Todos por el reencuentro (« Tous pour les retrouvailles »), un des programmes de la Ligue guatémaltèque de la santé mentale, une organisation de soutien psychologique spécialisée dans la recherche des 5 000 enfants disparus pendant le long conflit armé entre les militaires et la guérilla marxiste (200 000 morts entre 1960 et 1996).

Marco Garavito nous fait visiter la petite maison, édifiée autour d’un patio rempli de plantes, dans le centre de la capitale, Guatemala. Quatre personnes travaillent avec abnégation au sein de ce programme, sans aucune aide de l’Etat, payant de leur poche des traducteurs des vingt-deux langues mayas, parcourant des kilomètres de pistes cabossées pour rejoindre les villages reculés. « Nous avons actuellement 1 300 dossiers, précise notre hôte. Au début, nous cherchions les enfants au Guatemala ; puis il a fallu élargir à l’étranger. Deux cents d’entre eux se trouveraient en Europe, surtout en France, en Belgique et en Italie. »

Marco Garavito, psychologue et directeur de la Liga guatemalteca de higiene mental, et Angela Reyes, psychologue elle aussi, à Ciudad de Guatemala, le 3 juin 2021.

Le délicat suivi des condamnés en « milieu ouvert »

Par   Publié le 7 décembre 2021

« Le Monde » a passé une journée avec les conseillers pénitentiaires d’insertion et de probation de Lyon. Entre contrôle et responsabilisation, la prévention de la récidive nécessite des arbitrages délicats.

Basile Dupuis, conseiller pénitentiaire d’insertion et de probation lors d'un entretien avec un détenu, à Lyon, le 26 novembre 2021.

« On va vous faire confiance ! » Laurence Zobel, conseillère pénitentiaire d’insertion et de probation (CPIP) à Lyon, sait qu’elle prend un risque face à ce jeune de 20 ans qui avoue continuer de fumer du cannabis quatre à cinq fois par jour. L’alarme du bracelet électronique a signalé un retour à son domicile à 23 h 19 la veille, bien au-delà de la limite de 19 heures fixée par le juge. Le jeune homme, cheveux mi-longs, le regard plus souvent fixé sur ses pieds que vers « sa » CPIP, dit avoir dû effectuer des heures supplémentaires sur un chantier pour l’entreprise de pose de panneaux solaires qui l’emploie.

Prisons : «Les premiers instants d’enfermement sont un choc»

par Juliette Delage   publié le 8 décembre 2021 

Dans un rapport paru ce mercredi, la contrôleuse générale des lieux de privation de liberté, Dominique Simonnot, examine les premiers instants d’enfermement dans les prisons, les hôpitaux psychiatriques, les cellules de garde à vue et tous les autres lieux soumis au regard de l’institution.

C’est un passage difficile qui s’accompagne souvent d’un «choc» tant il constitue «une rupture radicale». Les premiers instants dans des lieux de privation de liberté ont été jusqu’ici peu documentés. Ils font l’objet d’un rapport du contrôleur général des lieux de privation de liberté, rendu public ce mercredi et accompagné de 56 recommandations aux autorités publiques. Dominique Simonnot, ancienne plume de Libération désormais à la tête de l’institution, explique l’importance de ce «moment charnière» et les atteintes aux droits fondamentaux qui l’accompagnent parfois.

Pyrénées-Orientales / Jean-Pierre, aidant familial de sa mère : "La psychiatrie est taboue, la vieillesse, la dégénérescence, on les cache"

Publié le 

Voilà 12 ans que Jean-Pierre Laubet s'occupe à plein temps de sa maman, aujourd'hui âgée de 81 ans et atteinte de troubles psychiatriques depuis 50 ans. "Depuis 2009, j'ai tout vécu, confie-t-il, du plus haut au plus bas."

Dès la porte franchie, c'est une litanie incessante. Jean-Pierre Laubet, 58 ans, vit au rythme des cris de sa maman qui résonnent dans toute la maison. Au bout d'un moment, on y déchiffre le nom de son fils qu'elle appelle sans cesse. Même quand il est juste à côté. Jacqueline-Eliane vit cloîtrée dans son esprit. "Elle est devenue maniaco-dépressive à la suite de violences conjugales dans les années 60-70, explique son fils. Elle a subi des violences physiques, puis psychologiques avec un autre compagnon." Aujourd'hui, avec l'âge, celle qui a longtemps vécu à Marquixanes sombre dans la démence. "Il n'y a plus d'échange, nous sommes dans un rapport autiste", se résout Jean-Pierre. Mais ce à quoi il ne se résout pas, c'est à la laisser en institution. Sauf quand il est à bout de forces. "Quand apparaissent les douleurs au dos, sous l'effet des tensions nerveuses, c'est le signal que j'ai besoin d'un répit." Le dernier qu'il s'est octroyé remonte à septembre jusqu'à mi-novembre dernier. "Cela faisait deux ans sans pause." 

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Fermeture de 25 lits de psychiatrie générale au CHS de Sevrey !

 

 


Au centre hospitalier spécialisé de Sevrey (71) la Direction ferme une unité de 25 lits, faute de soignants. Ceci est le résultat d’un effondrement progressif des conditions de soins et de travail depuis de nombreuses années, dénoncé par les syndicats.

Communiqué de presse intersyndical CGTFOCFDT

Les contextes cumulés de la crise sanitaire, du manque de médecins et de soignants, consécutifs à des salaires trop bas, le manque de reconnaissance et de considération qui engendre la perte d’attractivité de l’Hôpital Public entraînent aujourd’hui une situation inédite au CHS de SEVREY. Les soignants manquent et la Direction ferme une unité de 25 lits, jusqu’à ce que l’hôpital ait « retrouvé une stabilité médicale et une diminution significative de l’absentéisme soignant ainsi que des recrutements sur des postes non pourvus ». Ceci est le résultat d’un effondrement progressif des conditions de soins et de travail depuis de nombreuses années, dénoncé par nos Syndicats.

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PSYCHIATRIE -APPEL AUX CANDIDATS – #Présidentielle et #législative de 2022

 7 DÉC. 2021

NON À LA CONTENTION EN PSYCHIATRIE ET EN EHPAD … !

Vous trouverez ci joint une courte vidéo explicitant notre position concernant la contention infligée à des patients souffrant de pathologie mentale. Cette position s’appuie , entre autres, sur la pétition lancée par le collectif des 39 qui a recueillie plus de 10 000 signatures
Une loi est indispensable pour arrêter un processus indigne de notre démocratie

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Pierre Janet, traumas et tabous

par Robert Maggiori  publié le 1er décembre 2021

Le philosophe, psychologue et médecin, né en 1859, fut longtemps considéré comme le «Freud français», et ses théories ont largement contribué à l’élaboration d’une psychologie scientifique. «Les Formes de la croyance», son ouvrage testamentaire, était inédit. 

Sans doute est-il faux d’affirmer tout de go que croire serait pathétique et maladif, quand savoir serait sain et roboratif. D’abord parce que la croyance a une myriade de sens. Elle est une manière de prudence si elle se manifeste quand la vérification fait défaut : je crois que Douchanbé est la capitale du Tadjikistan, mais je le sais si je consulte une encyclopédie. Elle est une force inouïe quand elle fait naître la confiance ou la foi, formes d’amour qui n’ont pas besoin de preuves. Et, de plus, elle soutient la vie : que serait une personne qui ne croit en rien – si tant est que cela lui soit possible, puisqu’elle croirait au moins qu’il est bon de ne croire en rien ? Il est vrai aussi que, parfois, la croyance glisse sur des pentes dangereuses, celles qui la muent en crédulité, la délient du réel ou la portent au délire : on croit alors qu’au paradis on connaîtra la jouissance, que les morts nous parlent, que tout est complot, que l’on est surveillé jour et nuit, que Rihanna nous aime en secret, qu’en une nuit d’extase le Christ vient nous parler, que l’on est possédé par une tarentule ou par le diable… Existe-il des «maladies de la croyance» ? Analyser certaines pathologies mentales que caractérisent les pensées prélogiques, les hallucinations, les fantasmes de persécution, les craintes paranoïdes, les glossolalies mystiques ou fanatiques, etc., est-ce un moyen de mieux voir, en grossissant le trait, ce qu’est une croyance «normale», sinon de savoir ce que croire signifie ?

Le venin de la lâcheté

 

Bonjour,


En prenant le train pour rentrer chez moi, l’autre soir, j’ai eu une petite altercation, de ces adversités du quotidien sur lesquelles on devrait pouvoir glisser mais qui impriment durablement leur venin en nous, tel le dard d’une guêpe qui continue de produire ses effets après qu’on l’a retiré de notre corps… Le train étant bondé, j’avais dû me faufiler à travers le wagon avant de trouver la dernière place assise libre. En m’asseyant, je remarque, face à moi, un couple de jeune gens, la vingtaine, tenue décontractée : elle, dont je ne perçois pas bien le visage derrière son masque et ses long cheveux châtains, lui, plutôt grand, traits fins, cheveux attachés en queue de cheval. Ils somnolent, main dans la main. Tout allait bien hormis la promiscuité et l’air un peu suffoquant de cet espace confiné. Et c’est seulement après avoir pris mes aises que je remarque chez mon voisin d’en face un détail qui m’avait échappé et que je ne manque pas de lui signaler.

 Pas de masque ?, lui demandai-je, en le regardant d’un air interrogatif et en désignant celui que je portais moi-même.

— Non, pas de masque !, me répond-il, affirmatif et souriant, sans explication ni gêne aucune.

— Vous savez que ce n’est pas optionnel, lui dis-je – même si je n’ai pas l’habitude de jouer les contrôleurs ou les délateurs, dans un espace comme celui-ci, alors que la pandémie connaît un violent rebond, il me semble que le respect de cette consigne s’impose à tous les adultes, sans exception.

— Je n’en ai rien à faire, me répond-il.


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Le Musée de l’homme retrace la vie de 58 figures de l’histoire de France issues de l’immigration et des outre-mer

Par   Publié le 01 décembre 2021

Dalida, Nina Ricci, Jean-Marie Tjibaou, Aimé Césaire… Vingt-neuf hommes et vingt-neuf femmes qui ont participé au récit national ont été sélectionnés dans une liste initiale de 318 noms.

Vue de l’exposition « Portraits de France », au Musée de l’homme, à Paris.

Quel point commun entre Toussaint Louverture et Isadora Duncan, Rachid Taha et Elsa Triolet, Missak Manouchian et Joséphine Baker, Nina Ricci et Jean-Marie Tjibaou ? Tous font partie des 318 figures de l’histoire de France sélectionnées par l’Etat afin de donner plus de visibilité dans l’espace public aux personnalités issues de l’immigration et des outre-mer. Une exposition au Musée de l’homme retrace la vie de 58 d’entre elles, 29 femmes et 29 hommes incarnant la diversité française, « acteurs décisifs du grand récit national » mais dont le parcours a parfois été oublié ou méritait d’être revivifié.

JFN 2021 – Le mythe du p’tit verre pour la santé est-il définitivement enterré ?

Nathalie Barrès   6 déc. 2021

Lors de son intervention aux Journées Francophones de Nutrition à Lille le jeudi 11 novembre 2021, Jean-Louis Schlienger est revenu sur un sujet qui reste toujours polémique…, à savoir les risques et bénéfices des boissons alcoolisées comme le vin, la bière et les spiritueux sur les maladies cardio-vasculaires.

En 1979, les résultats d’une étude publiée dans la revue Lancet1 avait montré de manière inattendue que bien que la France arrivait en tête de la consommation de vin, elle avait également la mortalité cardiovasculaire la plus faible parmi 18 nations. Le concept de « French paradox » était né.

Les études aux résultats contradictoires se sont ensuite enchaînées sur le sujet. Les résultats différaient pour un même breuvage – vin, bière, spiritueux – ou entre chacune de ces boissons. Ces études n’avaient cependant pas été initialement prévues pour évaluer cette association. 

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JFN 2021 – Fragilité des jeunes et moins jeunes : comment la prendre en charge ?

Nathalie Barrès   Actualités Congrès   7 déc. 2021

Le Pr Agathe Raynaud-Simon a rappelé lors de son intervention, le mercredi 10 novembre 2021 aux Journées Francophones de Nutrition (JFN) à Lille, que la fragilité était une situation complexe et multifactorielle, et qu’elle comportait fort probablement des formes multiples. Elle peut être rencontrée chez des sujets âgés mais concerne également des individus jeunes atteints de pathologie chronique invalidante.

Existe-t-il des facteurs de risque modifiables de fragilité ?

La fragilité surviendrait globalement un peu plus précocement chez les femmes que chez les hommes. Le risque augmenterait particulièrement à partir de 75 ans pour atteindre 30% de la population des 80 et plus. Les états physique (musculaire et nutritionnel), thymique, cognitif et social sont des facteurs de risque modifiables de fragilité.

En ce qui concerne les facteurs physiques, les études observationnelles soulignent que plus l’alimentation de l’individu est proche d’un régime méditerranéen – et ce idéalement tout au long d’une vie – plus le risque de fragilité est faible. La perte du poids entre 40-50 ans et 68-77 ans n’est pas en soi forcément un facteur de meilleure espérance de vie (Holme, Age Ageing, 2015). L’étude EURONUT-SENECA, a même souligné que sur 2.600 sujets âgés de 70-75 ans, la perte de plus de 5 kg en 5 ans multipliait par deux le risque de décès à 5 ans (Euronut-Seneca Eur J Clin, 1991, 1996).

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La recherche au chevet de notre mauvais sommeil

Par   Publié le 06 décembre 2021

REPORTAGE

Près de 70 % des Français pâtissent de problèmes de sommeil. Un congrès scientifique à Lille vient de faire le point sur ce qui peut le troubler et les pistes pour le réparer. Si l’insomnie est la pathologie la plus fréquente, d’autres troubles, plus rares, sont pris en charge dans des centres spécialisés comme celui de l’hôpital de la Croix-Rousse, à Lyon.

Les chiffres sont édifiants : près de 70 % des Français déclarent des problèmes de sommeil, selon les dernières données de l’enquête Coviprev, de Santé publique France(SPF), réalisée depuis mars 2020. Soit 20 points de plus qu’avant le début de la pandémie de Covid-19. Malgré une légère amélioration cet été, les nuits des Français restent malmenées. Les effets de la crise sanitaire, la désynchronisation des rythmes, l’incertitude n’en finissent pas de peser sur la santé mentale, et nous empêchent de tomber facilement dans les bras de Morphée. De nombreux travaux en ce sens ont été présentés lors du Congrès du sommeil, coorganisé par la Société française de recherche et médecine du sommeil (SFRMS) et la Société de pneumologie de langue française (SPLF), qui s’est tenu à Lille, du 24 au 26 novembre.

Laure Peter-Derex, chef de service adjointe du centre de médecine du sommeil et des maladies respiratoires à l’hôpital de la Croix-Rousse, à Lyon, le 29 novembre 2021.

Le problème n’est pas nouveau. Ces cinquante dernières années, les Français ont perdu entre une heure et une heure trente de sommeil, avec un temps moyen de six heures et quarante-deux minutes en semaine en 2017, selon l’enquête de SPF, moins que les sept heures recommandées, une durée qui varie d’une personne à l’autre. Cette tendance à la baisse est encore plus marquée chez les adolescents et concerne aussi les enfants. L’Inserm évoquait déjà, en 2019, ce « fléau des sociétés modernes ». L’écrivaine Marie Darrieussecq parle, dans son dernier roman, Pas dormir (P.O.L, 320 pages, 19,90 euros), de ses « nuits trouées ». Les spécialistes alertent depuis des années sur cette « épidémie catastrophique de perte de sommeil ».

« La surconsommation de médias, sur fond de messages anxiogènes, n’arrange pas les choses, tout comme l’impact négatif du bruit et de la lumière. Mais, surtout, le temps passé sur les écrans réduit le temps de sommeil et dégrade sa qualité », explique Damien Léger, responsable du centre du sommeil et de la vigilance à l’Hôtel-Dieu (AP-HP). Cette évolution s’explique aussi par l’augmentation du nombre de travailleurs de nuit, des temps de trajet, des charges de travail, du stress. Conséquence : 30 % des Français dorment moins de six heures par vingt-quatre heures, et sont donc en dette de sommeil.

Or, on sait que ce déficit a des effets délétères sur la santé et accroît le risque de maladies cardiovasculaires (hypertension artérielle, infarctus, accidents vasculaires cérébraux, etc.), de troubles métaboliques (obésité, diabète de type 2…). Au-delà de l’atteinte à la qualité de vie, les troubles du sommeil ont des conséquences multiples, notamment sur les envies suicidaires, l’absentéisme et les accidents de la circulation. A l’inverse, dormir suffisamment joue aussi un rôle dans l’immunité, les fonctions cognitives, la concentration, l’apprentissage, la mémorisation.

La vie diurne affectée

« On ne relie pas assez la symptomatologie de la journée à la nuit et c’est particulièrement vrai chez l’enfant », avertit Carmen Schröder, pédopsychiatre et spécialiste du sommeil au CHU de Strasbourg, pour qui « le sommeil module fortement l’expression des troubles ». Jusqu’à 30 % des stéréotypies motrices et 18 % de l’irritabilité d’un enfant autiste sont en lien avec des troubles de sommeil, selon des travaux conduits par Carmen Schröder, qui alerte sur la perte de chances que cela peut représenter pour les patients. « C’est vrai aussi pour les maladies neurodégénératives. Il y a une intrication de l’expression de la maladie avec le sommeil et mal dormir affecte la vie diurne », abonde Marie-Pia d’Ortho, chef du service des explorations fonctionnelles de l’hôpital ­Bichat (AP-HP).

S’il reste encore mystérieux, il est évident que le sommeil « est une fonction corporelle importante, et non négociable, essentielle pour la santé humaine », explique un article publié dans Sciencequi y a consacré un numéro spécial, le 29 octobre. Une étude récente réalisée par une équipe de Lior Appelbaum de l’université Bar-Ilan (Israël), conduite chez le poisson-zèbre et la souris, a ainsi montré que, pendant qu’ils dorment, le cerveau corrige les dommages de l’ADN causés dans la journée (lumière, bruit, stress…).

Consultation à l’hôpital de la Croix-Rousse, à Lyon, le 29 novembre 2021.
Damien, un patient en consultation avec le docteur Laure Peter-Derex, à l’hôpital de la Croix-Rousse, à Lyon, le 29 novembre 2021.

« On est en train de passer d’une vision pathologique, traiter les troubles du sommeil, à une approche visant à considérer le sommeil comme un facteur de bonne santé, un indice de la qualité de vie », explique le psychiatre et médecin du sommeil au CHU de Bordeaux Jean Arthur Micoulaud-Franchi. La société a longtemps ignoré ce qui se passait pendant environ un tiers de notre vie. Son étude est aujourd’hui une discipline à part entière. Preuve de cet engouement, 3 500 personnes étaient présentes au congrès lillois, dix fois plus que dans les années 1990. La création d’une formation spécialisée transversale « sommeil », accessible au troisième cycle des études médicales, depuis 2017, constitue une reconnaissance de la discipline.

Insomnie pour environ 30 % des personnes

Parmi les maladies du sommeil, l’insomnie est la plus fréquente et touche environ 30 % des personnes. Pour 10 %, elle est chronique, c’est-à-dire que les problèmes surviennent au moins trois fois par semaine depuis au moins trois mois, avec des répercussions sur la journée du lendemain.

Le traitement diffère beaucoup selon les types de maladies, mais, dans tous les cas, les règles d’hygiène sont rappelées, comme se coucher et se lever à heures régulières, éviter la privation de sommeil, sécuriser l’environnement pour les nuits agitées, etc. D’autres maladies peuvent engendrer de la fatigue, comme un dérèglement de la thyroïde, de l’anxiété, la dépression…

La plupart des gens percevant mal leur besoin, il faut d’abord vérifier si le temps de sommeil est suffisant. Cela peut passer par les agendas ou des actimètres. Pas simple de se retrouver dans ce marché des capteurs numériques. Le Digital Medical Hub, une structure sous l’égide de l’AP-HP, dirigée par Marie-Pia d’Ortho, travaille sur l’évaluation et la validation de ces objets connectés ou de ces applications.

Ambroise, 25 ans, est venu faire des tests afin de mesurer son rythme de sommeil, à l’hôpital de la Croix-Rousse, à Lyon, le 29 novembre 2021.

Pour traiter l’insomnie, les thérapies cognitivo-comportementales (TCC) sont recommandées, avec une efficacité largement démontrée, y compris en ligne. Des traitements médicamenteux sont aussi proposés (benzodiazépines, hypnotiques comme le stilnox et l’imovane), qui ne doivent être donnés que sur de courtes périodes. Déjà commercialisés dans d’autres pays, d’autres hypnotiques, des antagonistes des récepteurs de l’orexine, « pourraient être utilisés pour les insomnies sévères », précise Damien Léger.

Outre l’insomnie et les troubles respiratoires, dont l’apnée du sommeil, la classification internationale recense aussi les hypersomnolences (dont l’hypersomnie idiopathique ou la narcolepsie, maladie auto-immune rare) qui touchent environ 8 % de la population, les troubles du rythme veille-sommeil, les troubles moteurs liés au sommeil (syndrome des jambes sans repos, par exemple), et les parasomnies du sommeil lent profond, comme le somnambulisme, les terreurs nocturnes, les éveils confusionnels, les hallucinations sensorielles, ou les paralysies du sommeil (on se réveille pendant quelques secondes sans pouvoir bouger, ce qui est très angoissant).

Pour comprendre comment ces pathologies plus rares sont diagnostiquées et prises en charge, direction Lyon, au deuxième étage du bâtiment de l’hôpital de la Croix-Rousse (Hospices civils de Lyon), qui domine la ville. Mais, chut ! Les couloirs sont éteints, un panneau indique qu’il faut faire silence, pour ne pas gêner les tests en cours.

S’endormir en réunion

Ce lundi 29 novembre, Ambroise est arrivé dans le service pour quarante-huit heures. « J’ai toujours beaucoup dormi, j’ai l’impression de n’être jamais complètement réveillé, et j’ai dû mal à me concentrer. » Agé de 25 ans, il a quitté son travail dans la banque il y a quinze jours, car il s’est plusieurs fois endormi en réunion… et « ça passe mal », dit-il.

Certes, il s’en est sorti dans ses études, avec un diplôme d’ingénieur agronome, mais il concède qu’il n’aurait pas pu faire une classe préparatoire ou médecine, comme beaucoup de ses amis, car, le matin, il a besoin de six réveils, et ses colocataires doivent le réveiller. « Si ça peut se traiter, ce serait top », espère-t-il. Bardé d’électrodes, ce qui se passe dans son cerveau lorsqu’il dort va être mesuré toute la nuit. La semaine précédente, il a porté un bracelet (un actimètre) qui mesure le temps de sommeil.

Une infirmière réalise la pose d’électrodes sur Valérie, venue consulter au centre de médecine du sommeil, à l’hôpital de la Croix-Rousse, à Lyon, le 29 novembre 2021.

Dans la chambre voisine, Valérie, âgée de 50 ans, est là pour hypersomnie, fait plusieurs siestes dans la journée, pendant quatre à cinq heures, ce qui ne l’empêche pas de passer une bonne nuit. « Je me suis déjà endormie au volant à plusieurs reprises et l’accident a été évité de justesse », dit-elle, ce qui a déclenché sa demande de rendez-vous. Elle a récemment subi deux opérations de chirurgie de l’obésité, une maladie fréquemment associée à des problèmes de sommeil.

Valérie Leneuf, infirmière, prépare une patiente aux mesures de rythmes de sommeil, à l’hôpital de la Croix-Rousse, à Lyon, le 29 novembre 2021.

Pendant la pose des électrodes sur le crâne, les yeux, les jambes, Valérie Leneuf, infirmière, explique la procédure. Cet examen, une polysomnographie, dite « PSG », montre les différents stades de sommeil et permet de voir en combien de temps la personne s’endort, de détecter d’éventuels micro-éveils, des pauses respiratoires, des mouvements anormaux. Ces paramètres physiologiques, comme l’activité cérébrale (grâce à une électroencéphalographie, EEG), la fréquence cardiaque, la respiration, la saturation en oxygène, l’activité des muscles, les mouvements oculaires donnent une image complète de comment dorment Ambroise, Valérie… et les autres.

« Ces données permettent de mieux cerner ce qui se passe quand on est endormi, en les croisant avec ce que perçoit le patient », précise la neurologue Laure Peter-Derex, chef de service adjointe du centre de médecine du sommeil et des maladies respiratoires à l’hôpital de la Croix-Rousse, l’un des plus importants en France – il compte 18 lits.

Tests de vigilance diurne

Le lendemain, Ambroise, comme Valérie, se plie à des tests de vigilance diurne, appelés « test itératif de latence d’endormissement » (TILE). La consigne est de se laisser aller, allongé dans le noir. Dix minutes après le début du test, Ambroise s’endort. « Il est entré très rapidement en sommeil paradoxal, alors qu’en temps normal le sommeil paradoxal ne survient qu’après environ une heure d’endormissement. Si cela se répète au moins deux fois lors des tests, et que la latence moyenne d’endormissement sur les quatre tests est inférieure à huit minutes, c’est évocateur de narcolepsie », commente Laure Peter-Derex.

La neurologue Laure Peter-Derex analyse les polysomnographies d’un patient, à l’hôpital de la Croix-Rousse, à Lyon, le 29 novembre 2021.

Pour Ambroise, le diagnostic sera posé mi-décembre au cours d’une consultation où les résultats de l’enregistrement lui seront expliqués. Même s’il appréhende un peu, il a hâte de savoir si ces problèmes relèvent ou non de quelque chose de pathologique. Il orientera alors son parcours professionnel en fonction de cela. Comme pour Valérie, il peut s’agir d’hypersomnie.

A quelques mètres, dans deux salles consacrées aux soignants, médecins, infirmières, techniciens, scrutent les tracés sur les écrans. Cela ressemble à une tour de contrôle. « Grâce à ce panel d’exploration, il est possible de détecter des maladies, comme l’épilepsie, et vice versa », explique Thierry Petitjean, chef du service. A côté, François Ricordeau a les yeux rivés sur un hypnogramme. « A 22 h 45, on voit au cours d’un réveil en sommeil profond la persistance d’ondes lentes dans la région frontale, antérieure, du cerveau, alors que dans les régions postérieures les ondes sont à une fréquence plus rapide. C’est-à-dire que la partie postérieure du cerveau se réveille, mais les régions frontales restent endormies, c’est un éveil dissocié, souvent retrouvé dans le somnambulisme », explique le neurologue.

Loïc souffre d’apnée du sommeil. Il est venu consulter dans le centre de médecine du sommeil, à l’hôpital de la Croix-Rousse, à Lyon, le 29 novembre 2021.

Si ces parasomnies du sommeil lent profond, très fréquentes dans l’enfance (20 %), s’estompent, elles persistent toutefois chez 3 % à 4 % des adultes. Elles peuvent être gênantes en cas de mise en danger. C’est le cas pour cette jeune fille de 18 ans qui est sortie de chez elle en courant et en dormant, en ayant l’impression qu’il y avait le feu chez elle. Toutes les nuits, elle connaît ces épisodes somnambules. Au cours de plusieurs épisodes durant cette nuit d’observation, elle est à moitié éveillée, s’assoit dans son lit, tente de descendre. Le lendemain, elle ne se souvient de rien. Le docteur Ricordeau la reverra dans quelques jours en consultation. « Les traitements principaux sont non médicamenteux et reposent sur la régularité des heures de coucher et de lever et la recherche de facteurs aggravants. En l’absence de contre-indication, l’autohypnose, réalisée avec un spécialiste formé spécifiquement à cette pathologie, peut aussi être proposée. Les épisodes sont aggravés par le stress, la méditation pourrait également apporter un bénéfice », explique le neurologue. Un traitement médicamenteux peut être donné aux patients les plus sévères. Mais, attention, « certains somnifères peuvent aggraver les épisodes », avertit François Ricordeau, pouvant amener des personnes à conduire leur voiture au cours d’un épisode (sleep driving).

Marqueurs précoces de maladies neurodégénératives

Sur un autre tracé, Laure Peter-Derex scrute des troubles du comportement qui, eux, surviennent en sommeil paradoxal. Ainsi, Bernard, âgé de 68 ans, qui a de l’apnée plutôt modérée, a aussi des nuits agitées, avec beaucoup de cauchemars. Il a connu une dizaine de fois des épisodes violents. « Un train arrive sur moi, je saute du lit, je me suis blessé une fois », décrit cet ancien chercheur. Une autre fois, « je me battais avec quelqu’un dans le camping-car et j’ai frappé ma femme alors que je dormais ». Dans certains cas, ces anomalies peuvent être des marqueurs précoces de maladies neurodégénératives.

Des tests de vigilance, dits « tests de maintien de l’éveil » (TME), sont aussi effectués pour vérifier l’absence de somnolence, et l’aptitude à la conduite chez des patients traités pour une apnée ou une hypersomnie.

La plupart de ces patients ont dû attendre plusieurs mois pour obtenir un rendez-vous. Le délai est d’environ six mois à douze mois, hors urgences. Le service est à flux tendu, et l’activité n’a pas repris à 100 %. Le service a été fermé six mois durant l’année 2020 car il s’est réorienté vers des activités Covid-19 et post-urgences du fait de la pandémie.

La recherche sur le sommeil se poursuit. « On enseigne aux étudiants qu’il y a trois états de vigilance décrits chez l’homme : la veille, le sommeil lent, le sommeil paradoxal, etc. Mais les frontières entre ces trois états ne sont peut-être pas si distinctes. Ces zones floues pourraient expliquer de nombreux symptômes et pourraient rendre compte de certaines discordances entre nos enregistrements et la perception par les patients », décrit Laure Peter-Derex. Elle explore les micro-éveils, quand on est réveillé pendant quelques secondes pendant la nuit, et les micro-sommeils au cours de la journée.

Thomas Andrillon, chercheur à l’Institut du cerveau, a montré, dans un article de la revue Nature Communications,que l’apparition d’ondes lentes que l’on observe en phase de sommeil, en gros des intrusions de sommeil pendant la journée, permet de prédire les pertes d’attention, qui diffèrent selon les régions du cerveau. Autrement dit, quand l’esprit somnole le jour, c’est peut-être qu’une zone du cerveau est en train de dormir.