par Anne Diatkine publié le 12 mars 2021
Dans son nouvel essai lumineux et intime, la rabbin philosophe et laïque raconte son accompagnement des endeuillés en période de pandémie. Et nous montre combien les morts nous animent et nous permettent de vivre à condition de leur faire place.
(Thomas Baas)
Il n’y a pas de sujet triste pour Delphine Horvilleur, rabbin, féministe, républicaine, qui fait de la laïcité la condition de l’exercice de son rabbinat, et de la faculté à faire des détours, habiter plusieurs mondes, plusieurs langages, une nécessité vitale. Qu’elle parle de la mort, et son énergie emporte. Dans Vivre avec nos morts, sous-titré Petit Traité de consolation (Grasset), elle questionne sa pratique de rabbin pendant les enterrements, en écoutant les échos à son histoire singulière. «A propos de la mort, il aurait été malhonnête de rester en retrait. Sans cette réverbération, je ne pourrais pas être rabbin», nous explique-t-elle. On échouerait à circonscrire Delphine Horvilleur. Elle a été étudiante en médecine, mannequin, journaliste à France 2, elle a vécu en Israël puis a suivi des études rabbiniques à New York, puisqu’elles sont encore interdites aux femmes en France. Membre de l’organisation Judaïsme en mouvement, elle officie, depuis 2008, à la grande synagogue de Beaugrenelle du XVe arrondissement parisien. Entretien.
La pandémie a-t-elle modifié votre accompagnement au cimetière ?
Mon rôle n’a pas changé, ni même le rituel. Hier comme aujourd’hui, j’accompagne les endeuillés en faisant résonner la vie du défunt dans un récit. Mais les conditions sanitaires ont créé des pratiques inédites. Très souvent, désormais, pendant un enterrement, un membre de la famille me demande : «Cela ne vous ennuie pas si l’on est en direct avec la famille de Jérusalem par WhatsApp ?» Je ne m’y oppose jamais. J’ai appris à officier constamment avec un écran, à prendre en compte que l’assemblée des présents s’est étrangement élargie. La crise a modifié la façon dont on conçoit l’espace. Je ne serais pas étonnée qu’à l’avenir il y ait toujours un écran dans mon champ de vision.