Vingt-cinq ans après « La Moindre des choses », son film sur la clinique La Borde, le réalisateur Nicolas Philibert retourne en psychiatrie. « Sur l’Adamant », un centre de jour rattaché au pôle psychiatrique de Paris centre et amarré à un quai de la Seine, il a suivi pendant plusieurs mois patients et soignants, à bord d’une entité flottante mais néanmoins collective et miraculeuse.
C’était il y a plus de dix ans, juste quelques jours après l’ouverture de l’Adamant en septembre 2010. On discutait alors avec une patiente. «C’est vrai que c’est le premier bateau psychiatrique au monde ? Cela veut dire que l’on est tous dans le même bateau, non ?» Eh oui, ils sont tous sur une magnifique et singulière barge, plantée aux pieds de la gare d’Austerlitz. Elle est là, avec des stores en bois d’une grande élégance, laissant passer les reflets de l’eau et la lumière du jour, loin, très loin des murs de l’asile. Tout autour, une vie circule avec le va-et-vient des péniches sur la Seine.
Ce lieu, aujourd’hui l’objet du documentaire Sur l’Adamant de Nicolas Philibert, est unique mais il est d’abord le fruit d’un long combat. Cela faisait en effet des années que le Dr Eric Piel, chef d’un secteur de psychiatrie à l’hôpital d’Esquirol (Val-de-Marne), avait cette idée en tête : construire un hôpital de jour pour ces malades sur une péniche. «L’eau, c’est reposant», nous confiait-il alors. Peut-être cherchait-il à mettre en œuvre la phrase du psychiatre catalan François Tosquelles, à l’origine de la psychothérapie institutionnelle (1), dont il se disait l’héritier ? «La caractéristique du malade, c’est d’être sur une berge, puis sur une autre, mais d’oublier le pont.»