Par Vanessa Schneider Publié le 18 janvier 2023
Vanessa Schneider, grand reporter au « Monde », raconte les derniers mois de son père, l’écrivain et psychanalyste Michel Schneider, mort d’un cancer en juillet 2022. A l’heure où la question de la fin de vie s’impose dans le débat public, ce récit en dit long sur la faillite de la prise en charge des patients condamnés.
On invoquera probablement le manque de chance. Se faire diagnostiquer un cholangiocarcinome intra-hépatique – en langage courant, un cancer des voies biliaires –, maladie très rare, incurable, à quelques semaines du confinement, le timing était mauvais, on ne va pas prétendre le contraire.
Janvier 2020. Mon père, 75 ans, me demande les coordonnés d’un gastro-entérologue de ma connaissance, me confiant avoir « un peu mal au ventre ». Consultation, batterie d’examens, puis silence radio. Le verdict tombé, il décide de ne rien dire du mal qui le ronge. Lorsque Emmanuel Macron décrète le confinement, le 16 mars, je prends prétexte de la situation pour le contraindre à me parler : il m’avoue le cancer, la présence d’une tumeur de 10 centimètres dans son foie, l’opération programmée.
Il était temps : il est attendu le surlendemain à l’hôpital Paul-Brousse de Villejuif (Val-de-Marne), pour ce que le chirurgien appelle une « intervention risquée ». Puisque je suis désormais dans la confidence, mon père me demande de bien vouloir signer les formulaires me désignant « personne de confiance ». C’est à moi, désormais, que le personnel médical s’adressera, c’est moi qui serai chargée d’attester de ses directives anticipées en cas de décès.