par Thomas Stélandre publié le 1er janvier 2023
Peut-être est-il difficile de se figurer aujourd’hui, cinquante ans après sa parution, en 1973 chez Minuit, ce que pouvait représenter un tel texte, avec un tel titre. Ce que cela pouvait faire, alors, d’entrer dans une librairie et d’aller chercher en rayon, ou de trouver sur une table, ce livre sur lequel on lisait, en lettres capitales : le Corps lesbien. L’émotion, le panache, le sentiment de reconnaissance, le courage que cela pouvait donner. L’écrivain (puisqu’elle ne disait pas autre chose) s’appelait Monique Wittig. Elle avait 38 ans, l’Opoponax (prix Médicis 1964) et les Guérillères (1969) derrière elle. Elle résistait à la catégorisation des genres littéraires, ou en inventait une nouvelle. Elle repartait des débuts et sculptait ses propres formes. Ainsi dans ce «corps» montré au monde entend-on «corpus», car c’était l’idée : affirmer qu’il y avait maintenant, qu’il y allait avoir un corpus lesbien, une littérature à laquelle se référer. Que, puisqu’elle n’existait pas, ou si peu, on allait l’écrire, s’écrire, en travaillant le texte au corps, pour soi et pour les autres.