On fantasmait un peu ce moment où l’on retrouverait enfin ses amis autour d’une grande tablée, mais la menace du virus rend les choses plus compliquées.
Stéphanie Noblet Publié le 22 mai 2020
CHRONIQUE
Un vrai dîner entre potes. Voilà qui était tout en haut de la liste de ce qu’on s’était promis de faire dès le confinement terminé. Retrouver les sourires de nos proches, les échanges de plats et de propos, qui peuvent se prolonger sans heure limite ni trouble de connexion. De la chaleur humaine, authentique et réconfortante, pour renvoyer les apéros virtuels au rang d’expériences du passé. Mais cette bonne bouffe entre amis, longtemps fantasmée, comment s’inscrit-elle dans la néoréalité, alors que le virus menace encore de s’inviter ? « Lorsqu’il y a eu privation, il va y avoir un effet de compensation », avance Jean-Louis Lambert, sociologue de l’alimentation, qui met néanmoins en garde : « Entre l’objectif de convivialité et celui d’hypersécurité sanitaire, il n’y a ni juste milieu ni compromis possible. Notre notion du repas repose sur un partage complet, de l’espace, du temps, des plats et des boissons, dans une ambiance idéalement détendue. S’il y a de la méfiance entre amis, le plaisir n’est pas toujours au rendez-vous… » Au prix de quelques concessions, chacun cherche pourtant à résoudre cette nouvelle équation covidienne.
Le casting. Pas plus de dix personnes, le message est passé. Et même deux ou trois fois moins pour commencer, on s’en satisfait volontiers. Mais quels sont les heureux élus : les confinés modèles, les plus disciplinés ? Les certifiés, ceux qui peuvent brandir les résultats d’un test d’immunité acquise ou d’une absence d’infection ? Et quid des amis soignants, des intermittents du confinement, des perpétuels rebelles (c’est pour ça qu’on les aime aussi) ? C’est le cœur qui dicte les premiers choix. « J’ai retrouvé en priorité mes fils, ainsi que mes deux plus vieilles amies, chacune leur tour », témoigne Valérie, quinquagénaire confinée en solo à Paris. « Les meilleurs potes, on les compte sur les doigts d’une main, explique Romain, un père trentenaire et musicien. C’est forcément avec eux qu’on se déconfine sans se poser de questions, ce qui ne veut pas dire sans précaution. » Certains n’hésitent pas à décliner les propositions de dîners aux convives trop nombreux, ou jugées prématurées quand il ne s’agit pas du cercle proche. « On n’a pas fait tous ces efforts pour les ruiner du jour au lendemain », objecte Laurent.