Par Jonathan Dupriez LE 01 AVR 2020
François Dubet, sociologue, Professeur émérite à l’Université de Bordeaux, et ancien directeur d’études à l’EHESS voit en la crise du Covid-19 un exhausteur des « petites inégalités » jusqu’à présent invisibles dans notre société. Un terreau d’injustices potentiellement dangereux pour l’après-crise.
Le Covid-19 peut infecter tout le monde, pour autant, sommes-nous tous exposés de la même manière au virus ?
Pour le moment, on ne sait pas encore si le fait d’être riche ou pauvre détermine le fait d’être infecté ou non, nous n’avons pas encore d’études nous permettant de l’affirmer avec certitude. À ce stade, le virus me semble assez démocratique, il touche à peu près tout le monde même s’il est plus fatal aux personnes âgées qu’aux jeunes. Dans l’histoire, il y a pourtant eu des maladies qui dévastaient les pauvres plutôt que les riches, là nous ne sommes pas dans ce cas-là. En revanche, ce sont les conditions de vie face à l’épidémie qui s’avèrent très contrastées…
Selon vous, la crise du coronavirus exacerbe surtout de « petites inégalités. » Qu’est-ce que cela signifie ?
Ce qui me frappe, c’est que jusqu’à présent, ces inégalités étaient relativement banales et ne posaient pas de problèmes majeurs. Mais avec le confinement, et avec la récession économique, ces inégalités deviennent insupportables. Dans la presse, on a pu lire des articles sur « tre confiné dans sa maison de campagne » ou « être confiné avec ses enfants dans un appartement », le fait d’être obligé de travailler ou de ne pas travailler, d'être connecté ou ne pas être connecté, d’être capable d’aider les enfants à faire leurs devoirs ou ne pas être capable… Toutes ces inégalités-là qui, d’une certaine manière, faisaient partie de notre vie quotidienne avant le confinement, prennent une importance considérable avec la pandémie. C’est la revanche des petites inégalités. Notre société avait tendance à considérer que seuls les gens très actifs, diplômés et performants étaient très utiles à la société. Désormais, et c’est une bonne chose, on se rend compte que les routiers, les caissières, les éboueurs sont indispensables. Au fond, c’est une piqûre de rappel qui nous dit que dans une société, tout le monde a besoin de tout le monde.