INTRODUCTION
Contexte d’émergence de la question homoparentale
Depuis plusieurs années, les familles homoparentales ont pris place dans le paysage des « nouvelles familles » ou des « nouvelles structures familiales ». Leur existence n’est pas nouvelle, bien que leur nombre soit sans doute en augmentation (cf. infra), mais la « réalité » nouvelle de ces familles tient à leur visibilité sociale et aux questions qu’elles suscitent dans le débat public et le débat scientifique, puisqu’elles poseraient même une « question de civilisation » pour reprendre l’expression introductive à un article paru dans la présente revue (Diebold, Gillibert et Sullivan, 2003). Par leur revendication à déclarer qu’ils peuvent être des parents remplissant toutes les conditions requises pour assumer leur(s) fonction(s), à l’exception près de leur sexualité, les couples homoparentaux posent de fait à la société des questions anthropologiques, sociologiques et psychologiques majeures.
Le terme d’
homoparentalité a été introduit en France par l’APGL
[3] en 1997 et inauguré avec le « Petit guide bibliographique à l’usage des familles homoparentales et des autres » (Gross, 2000, p. 283). Le terme s’est imposé malgré les ambigu ïtés dont il est porteur. En France, ces familles sont sorties de leur marginalité notamment à l’occasion de l’élaboration du PACS
[4] (1999) et de la question du droit à l’adoption pour les couples homosexuels que cette disposition législative était susceptible de favoriser.
Pour prendre quelques repères dans une série d’ouvrages collectifs consacrés à la famille et à ses évolutions, la question des familles dites homoparentales ne figure encore pas, en 1998, dans À chacun sa famille (Fine, Laterrasse et Zaouche-Gaudron, 1998) ; elles ne sont toujours pas mentionnées en 2002 dans Familles, permanence et métamorphoses (Dortier, 2002) ou La parentalité, défi pour le troisième millénaire (Solis-Ponton, 2002), mais apparaissent dans le cadre de chapitres ou d’articles qui leurs sont consacrés : en 1998 dans Les nouvelles familles en France (Langouët, 1998) puis dans La pluriparentalité (Le Gall, in Le Gall et Bettahar, 2001), dans Familles en scènes (Mécary, in Iacub et Malignier, 2003), dans Pratiques psychologiques (Beaumatin, Ricaud-Droisy et Espiau, 2003), dans L’enfant à l’épreuve de la famille (Schneider et Vecho, in Abecassis, 2004) ou encore dans Grands-parents et grands-parentalités (Julien, Bureau et Leblond de Brumath, in Schneider, Mietkiewicz et Bouyer, 2005).
Du point de vue du droit, le PACS ne porte que sur la question du couple et non sur celle de la filiation, mais il s’inscrit dans un mouvement plus général des bouleversements de la maternité et de la paternité (changements législatifs, progrès de la médecine et des techniques d’assistance médicale à la procréation, techniques et pratiques qui contournent la sexualité, redéfinition des rapports de couples et des responsabilités parentales, etc.) (Delaisi de Parseval, 2000).
Bien que n’étant pas a priori comprise dans les enjeux relatifs au PACS, la question des enfants de parents homosexuels et de leur devenir a été abordée sous l’angle de la question du droit à l’enfant et de légitimité de la réalisation de soi à travers la parentalité (du point de vue des adultes). Cette question a connu un regain d’actualité en France au printemps 2004 lors du débat relatif au mariage homosexuel, dont l’examen sur le plan législatif est transitoirement repoussé et reporte d’autant la question de l’adoption. L’évolution rapide des positions et des législations au plan international sur ces deux points confirme le caractère ouvert de ce débat et la diversité des réponses proposées (Schneider et Vecho, 2004 a). Cette question a, au-delà, permis d’examiner des situations jusqu’ici mal connues mais renvoyant à une réalité sociale indéniable bien que ces familles, aujourd’hui encore, aient à exister dans un contexte particulier puisqu’elles ne jouissent, en tant qu’entité familiale, d’aucune reconnaissance légale.
La question de l’enfant et de son devenir sur le plan psychologique a naturellement été posée, mais souvent sur la base de positions théoriques, pour lesquelles de nombreux champs des sciences humaines ont été convoqués (psychanalyse, sociologie, philosophie, anthropologie...), et beaucoup moins sur la base de résultats empiriques.