Mon nom est personne, l’installation-patchwork d’Alexandre Périgot.
Loin de la célébrité, des artistes ont toujours aspiré à l’anonymat. Au CNEAI, Alexandre Périgot réunit des créations orphelines, souvent réalisées par d’illustres inconnus.
« Anonyme » : sur un cartel, ce mot sonne comme un constat d’échec. Car la valeur d’une œuvre, marché de l’art oblige, dépend aujourd’hui de la renommée de l’artiste. Les œuvres sans signature ni attribution demeurent souvent dans l’ombre, à quelques exceptions près : découverte au XIXe siècle, la Victoire de Samothrace, œuvre d’un mystérieux sculpteur antique, est devenue célèbre, tout comme Gabrielle d’Estrées et une de ses sœurs (v. 1594), toile sulfureuse dont l’auteur est resté volontairement masqué, et La Dame à la licorne, énigmatique série de tapisseries du début du XVIe siècle débusquée par George Sand dans un château creusois.
Un acte de rébellion ?
Né en 1959, l’artiste Alexandre Périgot a décidé de rendre justice à ces créations orphelines qui peuplent nos musées. Intitulée « Mon nom est personne », son installation-patchwork réunit, étalées au sol comme pour une vente de rue et sans aucune information complémentaire, les reproductions de 717 œuvres anonymes (on aurait aimé voir les originaux) datant du XVIe au XXe siècle, glanées pêle-mêle dans les collections de divers musées français. Parmi elles, de remarquables tableaux anciens, des objets design et des photographies colorisées de combattants afghans. En fond sonore, des partitions anonymes sont interprétées par un trio de harpe, clavecin et guitare électrique. Surprise : au détour d’une pièce du XVIe siècle, on reconnaît, jouées au clavecin, les premières notes macabres de la scène d’ouverture de Shining, piquées en toute légalité par la compositrice du célèbre film de Kubrick !
Signer n’a pas toujours été la norme. Par pieuse humilité, les artistes du Moyen Age s’effaçaient totalement derrière leurs sujets religieux. Mais à la Renaissance, alors qu’apparaissent la valorisation de l’individu et la sacralisation de l’art, les artistes se mettent à glisser leur nom dans leurs œuvres. En 1499, dans le marbre de la Pietà, sur la poitrine de la Vierge, Michel-Ange ose graver en latin : « Michelangelo Buonarroti de Florence l’a fait »! Puis, avec le développement du commerce et de l’imprimerie, la signature devient une garantie nécessaire.