L’International Brain Laboratory, projet international fort de 21 groupes de recherches, va scruter le cerveau de souris dans le but d’établir une théorie comportementale de la décision
LE MONDE SCIENCE ET TECHNO | | Par Olivier Dessibourg ("Le Temps")
Comprendre comment le cerveau fait un choix, et agit en conséquence. C’est l’objectif de l’International Brain Laboratory (IBL), un consortium de 21 groupes de recherche dévoilé mardi 19 septembre. Pourquoi ajouter cette vaste initiative scientifique à toutes celles qui existent déjà : Human Brain
Project européen, BRAIN Initiative américaine, China Brain Project, etc. ? « Ce projet sera unique en ce sens qu’il se focalise sur une seule tâche simple, que vont étudier en parallèle plusieurs équipes dans le monde, avec des méthodes standardisées », justifie Alexandre Pouget, professeur de neurosciences à l’université de Genève et co-fondateur de cette démarche soutenue à hauteur de 12 millions d’euros par la Simons Foundation américaine et le Welcome Trust en Grande-Bretagne.
Tout est parti d’un constat, selon le chercheur : la demi-douzaine d’immenses projets internationaux lancés pour percer les mystères du fonctionnement du cerveau fait collaborer des centaines de scientifiques. « Or, les buts visés étant souvent larges, leur coordination se révèle complexe au point que, une fois le financement assuré, les groupes impliqués retournent vite à leurs propres travaux sur une problématique très ciblée. Les données sont générées à un rythme effarant, mais leur disparité rend toute synthèse difficile. » Alexandre Pouget et ses collègues Zachary Mainen (Centre Champalimaud de Lisbonne) et Michael Häusser (University College de Londres) privilégient une autre approche : « Définir un objectif dont on sait qu’il peut être atteint à la fin. » Et Alexandre Pouget d’ajouter que leur vision a été inspirée des grandes infrastructures de physique de particules établies dans les années 2000 au CERN, à Genève, dans un but unique : découvrir le fameux boson de Higgs – un exploit réalisé en 2012.
Combiner toutes les données
L’expérience choisie par l’IBL relève de la compréhension des systèmes neuronaux lors d’un comportement adaptatif. En l’occurrence, une souris sera soumise à un stimulus visuel : un cercle blanc et noir apparaissant à droite ou à gauche d’un écran. En faisant tourner un petit volant en Lego, le rongeur doit ramener ce motif au centre de son champ de vision, et reçoit alors une récompense. Durant ces quelques secondes d’action, l’activité cérébrale de l’animal sera enregistrée à l’aide de deux électrodes miniaturisées de nouvelle génération, encore en développement. Chacune détectera les signaux neuronaux sur 300 sites dans le cerveau.
Par la suite, les scientifiques utiliseront aussi deux autres méthodes d’analyse : l’« imagerie calcium », qui permet de suivre l’activation de milliers de neurones simultanément à la surface du cortex, et la photométrie, apte à observer ce que les neuroscientifiques appellent les noyaux neuromodulateurs, déterminant les molécules qu’échangent les cellules cérébrales. « Surtout, l’expérience sera réalisée dans les mêmes conditions dans dix laboratoires de l’IBL, chacun scrutant des aires cérébrales différentes. Mais le fait d’avoir un protocole identique partout permettra de combiner toutes les données acquises ! C’est quelque chose d’inédit ! », souligne Alexandre Pouget.
Coupe de cerveau de souris: les neurones sont rendus visibles
à l’aide de molécules fluorescentes. DR