Coline Garré 23.11.2016
Les associations déplorent unanimement la demande, de la part d'une dizaine de villes, de retirer les affiches de la campagne lancée par Santé publique France en amont de la Journée mondiale de lutte contre le VIH/sida. Une censure qui sacrifie la santé publique sur l'autel de l'homophobie, selon les acteurs de terrain. La campagne, construite sur la base du rapport d'expertise du Pr Morlat, en partenariat avec des scientifiques et associatifs, vise avant tout à promouvoir l'ensemble des outils de prévention (préservatifs, Prep, TPE, TASP, dépistages), et le nouveau site sexosafe.fr dédié aux hommes ayant des rapports avec d'autres hommes (HSH).
« Homophobie et hypocrisie »
« Nous ne sommes malheureusement pas surpris. Mais la réaction de ces maires est hypocrite et homophobe », déplore Aurélien Beaucamp, président d’Aides. « Ces maires prennent pour excuse des enfants. Alors qu'il s'agit d'un problème de santé publique : 50 % des nouveaux cas de contamination concernent des HSH ! », accuse-t-il. Bruno Beschizza, maire LR d'Aulnay-sous-Bois, soutien de François Fillon, a estimé que ces affiches étaient « contraires aux bonnes mœurs et à la moralité, et portaient atteinte à la dignité au risque de heurter les enfants ». Quant à Christophe Béchu, maire LR d'Angers, soutien d'Alain Juppé, il explique sa requête (retrait « aux abords des écoles primaires et sur le parcours des bus scolaires ») par le souci de « protéger les enfants ». « On ne les entend guère protester contre certaines campagnes de pub dégradantes pour la femme, auxquelles sont davantage exposés les enfants », ironise Aurélien Beaucamp.
Une censure doublement néfaste
« La censure est doublement néfaste : elle risque d'augmenter les contaminations VIH, et parce qu'elle est nourrie par l'homophobie, elle est néfaste pour les jeunes LGBT en termes de santé mentale », réagit Nelly Reydellet, directrice adjointe du Kiosque Infos sida et toxicomanie. « C'est une campagne de santé publique, faite par l'Agence nationale de santé publique, comme le Moi(s) sans tabac… Il ne devrait pas y avoir de levée de boucliers ! », poursuit-elle.
Quant au président d'Act Up-Paris, Mikaël Zenouda, il qualifie ces initiatives de« scandaleuses ». « Cette censure contribue à stigmatiser les homosexuels et les bi qui paient déjà le plus lourd tribut à l'épidémie », estime-t-il.
Les associatifs insistent sur l'importance d'un affichage grand public : « Les HSH ne fréquentent pas les lieux communautaires, ni ne se reconnaissent dans la presse spécialisée. Même les gays ne passent pas leur temps dans les bars ! », rappelle Aurélien Beaucamp. « C'est une vieille revendication des associations ; cela fait des années que l'on bataille pour une telle campagne, qui enfin arrive en cette fin de quinquennat », corrobore Mikaël Zenouda.
La justice saisie
Les associations saluent la décision de Marisol Touraine de saisir la justice administrative. « 30 000 personnes vivent avec le sida sans le savoir, il y a 7 000 nouveaux cas chaque année. La prévention est nécessaire », a-t-elle souligné.
« Nous allons aussi déposer avec l'Inter-LGBT un recours administratif contre les élus locaux pour faire accélérer les choses », indique Aurélien Beaucamp, d'Aides.