Bien qu’il ait provoqué une levée de boucliers contre lui, le dernier livre de Martin Winckler illustre bien les attentes actuelles vis-à-vis des médecins. Ces derniers doivent exercer la plus grande sollicitude à l’égard des patients ce qui suppose tout à la fois de savoir se mettre à leur place, de ne pas mépriser leur vulnérabilité et de pouvoir entendre et répondre à leurs attentes, même quand elles ne sont que sous jacentes. Face à ce portrait idyllique et controversé, beaucoup ont demandé si la réciproque pouvait s’imposer. D’aucuns ont notamment voulu créer un écho entre la maltraitance supposée dont seraient victimes les patients et celle qui toucherait de plus en plus fréquemment les praticiens (tant de la part des patients que des tutelles administratives !). Mais au-delà de cette question de la maltraitance, les médecins peuvent-ils espérer de ceux qu’ils soignent une sollicitude semblable à celle qui est exigée d’eux. Les patients doivent-ils savoir se mettre à la place des médecins (comprendre le poids des responsabilités, la difficulté de l’exercice, la lourdeur des tâches) et ne pas mépriser leur vulnérabilité ?
L’erreur est-elle encore un droit pour les médecins ?
Sans doute dans l’esprit d’un Martin Winckler, une telle réciproque n’est guère envisageable, en raison des multiples différences existant entre les patients et le médecin, qui créent des obligations différentes pour chacun. Néanmoins, la recherche d’un praticien idéal conduit à oublier, qu’humain avant tout, un médecin est également un être qui trébuche, qui s’irrite et qui se trompe. Les praticiens d’aujourd’hui ont-ils encore le droit à l’erreur, dans un monde où il est exigé d’eux tout à la fois qu’ils ne s’érigent pas en sachant mais qu’ils ne négligent aucun moyen pour soigner le patient et qu’ils soient à la pointe de toutes les recommandations et toujours à l'écoute des dernières publications ? Les praticiens d’aujourd’hui ont-ils encore le droit à l’erreur quand l’interrogatoire du malade se doit d’être le moins directif possible, le moins intrusif ? Et au-delà de ces paramètres, au-delà de la technicisation de la médecine, des progrès de ses outils diagnostics, le médecin a-t-il droit à l’erreur ?