Par Virginie Ballet — 18 mai 2016
Méditation, alimentation, coaching… La course à l’épanouissement personnel et professionnel obsède, culpabilise et lasse.
Il est essentiel, voire obligatoire, de bien dormir (au moins sept heures, sur un matelas ni trop ferme ni trop spongieux). De manger équilibré (au moins cinq fruits et légumes par jour), si possible des petits plats faits maison, mais sans se lâcher sur le sel, le sucre ou les infâmes graisses. Au passage, penser à s’arroser généreusement le gosier de flotte, en fuyant comme le diable les apéros et autres pousse-café, trop propices aux viles tentations tabagiques. Dès que possible, se ruer à la salle de sport ou dans le premier coin de pelouse venu pour se dégourdir les pattes, rester en forme et être efficace au bureau. Ah, et pourquoi ne pas se laisser tenter par l’une de ces «thérapies feel good» chéries des magazines féminins ? La très en vogue «marche méditative» permet par exemple de se «recentrer sur le présent» en déambulant petons à l’air dans les herbes fraîches, le tout en se concentrant sur chacune des sensations. Bien sûr, le 11 juin, journée mondiale du bien-être, sera l’apothéose de la fête. A moins que ce ne soit le Salon zen de Paris, à l’automne ? Et surtout, rester positif en toutes circonstances. N’en jetez plus ! Enfer, tyrannie, horreur ! Pour Carl Cederström et André Spicer, ces injonctions au bien-être frisent la dictature, au risque de devenir contre-productives. Dans un livre édifiant et sarcastique paru l’an dernier en anglais et récemment traduit en France, les deux hommes, respectivement enseignant-chercheur à la Stockholm Business School et professeur à la Cass Business School de Londres, dénoncent même un«syndrome du bien-être», qui aurait explosé ces cinq dernières années.
CARL CEDERSTRÖM, ANDRÉ SPICER LE SYNDROME DU BIEN-ÊTRE L’Echappée, 176pp, 2016
D’emblée, ils précisent : évidemment, il n’y a aucun mal à être en bonne santé. Ce qui coince selon eux ? «S’occuper de son bien-être est devenu une obligation morale qui s’impose à chacun d’entre nous.» Il y aurait même une «logique à l’œuvre partout, dictant aussi bien notre façon de travailler et de vivre, que d’étudier et de faire l’amour.» Au secours, les gourous du bonheur prolifèrent, et ils pourraient bien faire des dégâts, avertissent les auteurs. C’est grave ? Diagnostic en trois points.
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