Depuis cinq ans, je n’exerce plus de fonction soignante, mais je continue en tant que cadre de santé à m’entretenir avec des personnes hospitalisées et à participer, parfois, aux repas thérapeutiques. Pour moi ces temps d’échanges sont importants car ils me permettent de poursuivre mes réflexions sur le sens de nos pratiques en unités de soin intensif en psychiatrie (USIP).
En parallèle de mon activité professionnelle, je fais des recherches en lien avec un master en éducation. Je me pose donc régulièrement, en tant que cadre et apprenti chercheur, la question de la transmission des savoirs infirmiers. Bien entendu il y a de très bons livres dont le fameux "L’infirmier(e) en psychiatrie"1, mais je pense que dans nos métiers nous devons aussi faire une place importante aux récits d’expérience. En effet, il y a la théorie et la pratique et pour avancer il faut être capable de passer de l’un à l’autre et de faire des liens (activité réflexive). Le dispositif tutorat permet ce travail mais il me semble que l’étude d’interactions langagières est un exercice complémentaire intéressant. Parce qu’on ne sait parfois pas quoi répondre en situation, parce que le dialogue nous semble parfois impossible... l'avis des autres peut être un profond secours, encore faut-il se souvenir des échanges précis ou pouvoir les retranscrire rapidement.
Dans la pratique cet exercice est difficilement envisageable faute de temps. De plus, pour des raisons éthiques, nous ne pouvons pas enregistrer nos entretiens avec les personnes hospitalisées. Souvent même si nous réalisons des transmissions, nous gardons donc pour nous ce que nous avons dit, ce que nous aurions voulu dire ou ne pas dire. Et pourtant, l’étude d’interactions langagières est une ressource pour l’ensemble de l’équipe car ce qui nous échappe sur l’instant peu faire sens dans l’après ou pour un collègue disposant d’autres grilles de lecture ou d’informations complémentaires. De plus, la retranscription d’entretien informel encourage l’activité réflexive, et l’écrit narratif facilite l’échange. C’est donc un atout supplémentaire dans le travail d’équipe car pour ne pas renoncer avec les patients dits « difficiles », il est important d’avoir un cap et de ne pas naviguer seul.