AU RAPPORT
Une étude, publiée ce mardi, souligne combien les statistiques nationales sur la pauvreté masquent les disparités entre villes et même entre quartiers.
Voilà de quoi nourrir le débat à l’approche des élections municipales. Une étude, publiée ce mardi par le bureau d’analyse Compas (Centre d’observation et de mesure des politiques d’action sociale), révèle les taux de pauvreté, ville par ville. Où vivent les plus démunis ? Ont-ils quitté les centres des grandes villes avec la flambée des prix de l’immobilier ? Louis Maurin, consultant pour le bureau Compas et directeur de l’Observatoire des inégalités, a dépiauté avec sa collègue Violaine Mazery les données fiscales de 2011 fournies par l’Insee, ajoutant les prestations sociales et retirant les impôts, pour avoir une vision la plus juste possible des niveaux de vie. Les résultats réservent quelques surprises.
LE TAUX DE PAUVRETÉ VARIE DE 7% À 45%
Dans une ville comme Roubaix (Nord) par exemple, 45% des ménages sont considérés comme pauvres, c’est-à-dire disposant de moins de 60 % du revenu médian national (1) (après impôts et prestations sociales). Soit moins de 977 euros par mois en 2011. A l’extrême opposé, à Neuilly-sur-Seine, Rueil-Malmaison ou Versailles, près de Paris, seuls 7 % des habitants vivent avec moins de 977 euros par mois. «Quand on parle de pauvreté de façon globale en France, on oublie qu’il existe d'importants écarts entre les villes. On a fait le calcul sur les cent plus grandes communes, le taux de pauvreté varie de 7 à plus de 40 %, ce qui fait un rapport de un à six, c’est énorme», commente Louis Maurin. Rappelons qu’à l’échelle nationale, 14,3 % des ménages sont en dessous du seuil de pauvreté.
DE LA PAUVRETÉ PARTOUT, UN PEU MOINS À L'OUEST
Comparer les taux de pauvreté des communes de plus de 50 000 habitants ne permet pas définir des zones géographiques où serait concentrée la pauvreté. «Notre classement fait ressortir des communes de localisation très diverse», indique l’étude. Parmi les communes dont la population est le plus en difficulté, on trouve des villes du Nord comme Roubaix, Calais ou de l'Est comme Mulhouse.
Apparaissent aussi, en haut du classement, la Réunion, avec 44 % de personnes en dessous du seuil de pauvreté à Saint-Pierre, 43 % à Tampon et 39 % à Saint-Paul. Suivi de près par Fort-de-France, en Martinique, avec un taux de pauvreté de 33 %.
Les villes du sud de la France métropolitaine ne sont pas épargnées non plus, notamment Béziers (33 %), Perpignan (32 %), Avignon (30 %) ou Nîmes (29 %). On trouve aussi des grandes villes de la banlieue parisienne comme Aubervilliers, Pantin, Sarcelles. Enfin, certaines grandes métropoles comme Marseille, Montpellier ou Lille figurent aussi parmi les communes qui comptent le taux de pauvreté le plus élevé. «Seul l’Ouest de tradition moins inégalitaire et moins marqué par la crise, est moins représenté», dans ce classement.
«Il est intéressant de voir que si on change d’échelle des communes comparées, les résultats varient», souligne Louis Maurin. En prenant les villes de plus de 10 000 habitants, le classement n’est plus du tout le même. En tête: cinq communes de La Réunion, notamment la ville du Port qui enregistre un taux de pauvreté de 55 % ! Suivent des villes du Nord de la France, avec Roubaix et Denain qui comptent 45 % d’habitants en dessous du seuil. Puis, la banlieue parisienne se distingue très nettement: Clichy-Sous-Bois (45 %), Grigny (43 %), Garges-Les-Gonesse (40 %), La Courneuve (40 %).
IL RESTE DES QUARTIERS PAUVRES À PARIS
Paris (cliquer sur les arrondissements pour avoir les données)
Là encore, tout est une affaire de focale. Pris dans son ensemble, Paris compte 14 % de pauvres, et se situe donc dans la moyenne nationale (14,3 %). Mais si l’on regarde par arrondissement, le tableau n’est plus du tout le même. Les écarts sont importants : on compte trois fois plus de personnes vivant en dessous du seuil de pauvreté dans le XIXe, XVIIIe et XXe arrondissements que dans le VIIe ou VIIIe. Louis Maurin va plus loin. «Quand on observe encore plus dans le détail, quartier par quartier, la pauvreté réapparaît encore plus. Dans un arrondissement comme le XIXe, vous avez 200 000 habitants. Donc, forcément la moyenne cache des disparités.» En scrutant quartier par quartier, on retrouve des taux de pauvreté très élevés. Entre 35 et 50 % dans les quartiers de Belleville, La Villette ou la Goutte d’or.
Marseille (cliquer sur les arrondissements pour avoir les données)
Même travail sur Lyon et Marseille. Là encore, la moyenne à l’échelle de la ville, cache de fortes disparités entre les arrondissements. A Marseille, surtout. Dans le IIIe arrondissement, le bureau Compas évalue le taux de pauvreté à 55%. Et à 43% et 44% dans les arrondissements voisins du Ier et IIe, autour du Vieux port. «Qu’on arrête de dire que la pauvreté n’est aujourd’hui présente qu’en périphérie et dans les petites villes. Cette étude montre que ce n'est pas vrai», conclut Louis Maurin.
Lyon (cliquer sur les arrondissements pour avoir les données)
(1) Le revenu médian national est celui qui partage la population en deux parties égales. 50% de la population dispose de moins, et 50% dispose de plus pour vivre.