C est toi ma maman (un drame comique)
Alison Bechdel met sa vie en cases
«C’est un méta-livre», soupire (dans le livre) la mère d’Alison Bechdel, entre admiration et consternation. La mère est à la fois le personnage central de ce livre, sa première lectrice, et la raison de son existence autant que de sa difficulté à se faire : «Je ne peux pas écrire ce livre avant de me sortir ma mère de la tête… Mais la seule façon de me sortir ma mère de la tête, c’est d’écrire ce livre», dit Alison (dans le livre).
Les lecteurs français avaient découvert Alison Bechdel en 2006, avec Fun Home,un roman graphique, et autobiographique, que Libération avait prépublié en feuilleton. Il racontait une enfance dans une espèce de famille Addams, qui cohabite avec des cadavres, puisque la maison familiale fait aussi parloir funéraire. Il était question d’homosexualité, de rapport au père et de littérature. C’était drôle et parfois tragique.
Suspense. Sept ans plus tard, autre roman (autobio)graphique. Dans C’est toi ma maman ? Un drame comique, il est toujours question de famille (c’est donc la mère qui a le premier rôle) et de littérature. Les écrivains y ont une place encore plus grande, en particulier l’Anglaise Virginia Woolf et l’Américaine Adrienne Rich. Et il y a la psychanalyse. Bechdel réussit à raconter, de manière extraordinairement vivante, avec de l’humour et du suspense, ses séances de psychanalyse avec Jocelyn puis Carol, ses lectures d’Alice Miller et de Freud (et aussi Lacan et Adam Philips). Mais surtout, omniprésent dans ce livre, il y a le psychanalyste britannique Donald Winnicott qui, pour Alison Bechdel, est aussi important, et sans doute même plus, que des personnes rencontrées dans la vie réelle. Les chapitres de C’est toi ma maman ont d’ailleurs des titres winnicottiens : «la mère normalement dévouée», «objet transitionnel», «vrai et faux self»…