Comment décrire les mécanismes de domination aujourd’hui ? Au-delà des dominés, le sociologue Luc Boltanski estime urgent de s’intéresser aux «élites» et aux «responsables».
Depuis les années 70, Luc Boltanski élabore une œuvre sociologique ambitieuse, aujourd’hui l’une des plus lues et discutées au plan mondial.
Invité à ouvrir, début septembre à Nantes, le congrès de l’Association française de sociologie, vous avez remis à l’honneur la notion de domination. Pourquoi ?
Ce n’est pas moi qui ai choisi le thème, mais cela m’a intéressé d’apporter une contribution à la réflexion commune sur une notion qui a joué, dans l’histoire de la sociologie, un rôle à la fois périphérique (les sociologues qui l’ont explorée ont toujours été minoritaires) et central, depuis Marx et Max Weber, jusqu’à Bourdieu et au-delà. Le concept de domination a été très utilisé dans les années 70 - lorsque j’ai commencé à pratiquer la sociologie -, souvent en relation avec l’idée de violence. Soit la violence physique, exercée sur les corps dans le cas d’un pouvoir autoritaire, soit symbolique, celle dont parlait Bourdieu, prolongeant des idées déjà présentes dans l’Ecole de Francfort.
Cette violence symbolique se confond alors avec l’ordre des choses, se rendant ainsi plus acceptable par ceux qui la subissent.