29 août 2013
La rentrée des pages (10/12). Cette cinéaste, actrice, scénariste publie le récit dantesque de son ex-toxicomanie.
(Photo Fred Kihn)
Ça la surprendra peut-être mais ne la contrariera pas vu son goût pour le cinéma américain : après rencontre, Marina de Van nous évoque l’actrice Megan Fox (Transformers). Ce visage pâle, cette chevelure jais, ce regard (chez elle gris) impassible. Cette présence très fixe surtout, d’un calme intimidant et hypnotique que renforce une voix grave. Mais l’intimidation provient aussi de sa production.
Stéréoscopie, son deuxième livre qui paraît en septembre, évoque l’addiction de Marina de Van. A l’alcool, à la drogue (jusqu’à 13 grammes de cocaïne par jour), aux médicaments. Un dévissage complet avec hospitalisations, rehabs, qu’elle restitue en entomologiste, d’une précision maniaque et ultralucide à l’opposé complet de l’erratique plongée en cours. Le sujet (elle) titube, disjoncte, se pisse dessus, voire plus. L’auteure (elle) maîtrise son écriture avec la sobriété d’un moine cistercien. Bilan : une grande puissance d’arrêt, l’impression d’une extrême violence circonscrite par des mots-digues ciselés. Extrait : «Je continue de jouir de la mortification d’un corps qui trahit de plus en plus son épuisement, que je néglige, qui suinte l’odeur de l’alcool, mêlée à celles de la sueur et de l’urine. Je me sens ainsi protégée, de façon régressive, de la violence du monde, de l’ennui, de la vacuité des journées d’un été dont je ne sais pas quoi faire. Je laisse l’alcool et les calmants me guider vers une stupeur animale, où je ne sais plus quoi penser.»Essayez de ne pas suffoquer, avec ça. Ou encore, dans son premier livre, Passer la nuit, qui infuse dans la dépression : «Pourquoi ne puis-je vivre une autre vie que celle prescrite par le ressassement des douleurs ? Il y a là un défaut, une disposition de caractère, qui maintient mes pensées dans le cadre étroit d’une peine obsessionnelle.» Plume souveraine, mais femme aussi puissante que fragile, fêlée, borderline, voire toxique : c’est avec ce tableau cubiste en tête qu’on est parti à sa rencontre.