120 ans d'histoire de la psychiatrie
L'hôpital est le miroir de l'évolution du traitement de la maladie.
L'hôpital est le miroir de l'évolution du traitement de la maladie.
Bernard Antoniol et Marc-Louis Bourgeois,
mémoires de Charles-Perrens
PHOTO CLAUDE PET
On enfermait les fous à Château-Picon. Asile public des aliénés de Bordeaux. En 1890, il n'accueillait que des femmes, les hommes eux, étant internés à Cadillac. « On les gardait, on les nourrissait, on les protégeait du monde extérieur et… on les observait », raconte le professeur Marc-Louis Bourgeois, neuropsychiatre et docteur en psychologie. « C'était les balbutiements de la psychiatrie, une première révolution, grâce à Esquirol, médecin aliéniste qui a pensé le premier traitement moral. L'établissement devait tenir compte des théories psychiatriques. Déjà, les patients étaient protégés depuis 1800 et Philippe Pinel, qui distingua les malades mentaux des malfaiteurs, prostitués et mendiants. »
Balnéothérapie
Les traitements ? Bernard Antoniol, chef du service psychiatrie adulte, médecin à Charles-Perrens depuis 1973, se frotte le menton. « S'occuper d'eux était en soi un traitement. Il n'y avait pas de médicament avant le début des années cinquante. On essayait tout et surtout la balnéothérapie. Eau froide. Dans les années 30, la psychiatrie a connu des expérimentations, l'électrochoc, la lobotomie ou les injections d'insuline afin de provoquer des comas hypoglycémique ont été anecdotiques. Mais font partie du fantasme. La psychiatrie a toujours été une médecine complexe et fascinante. Une médecine de l'âme… »
Les gens vivaient et finissaient leur vie derrière les murs de l'asile. Conçu comme un lieu clos, fermé du monde et presque en autarcie. On cultivait les terres. Les médecins vivaient dans l'enceinte de l'hôpital, leurs enfants étaient gardés par des malades, lesquels faisaient leur cuisine ou le ménage. Les familles riches louaient une maison à l'un des leurs, atteint par une maladie psychiatrique. Ce dernier arrivait avec ses propres domestiques.
Après la guerre
« La rupture, les premiers changements sont intervenus après la dernière guerre, reprend Bernard Antoniol. Des médecins, choqués par les camps de concentration, ont réfléchi à cet enfermement et ont voulu ouvrir les portes. Cela a parfaitement coïncidé avec l'arrivée des psychotropes. Les médicaments ont été une révolution. Et on a pu commencer à envisager la sortie de certains patients. »
Dans les années 1970, l'ouverture de l'hôpital psychiatrique a été accompagnée par la sectorisation. Délocalisation de petites antennes de soins dans des secteurs géographiques. L'hôpital est allé vers le patient avec tout un dispositif.
« Pourtant à Charles-Perrens, les sœurs ont laissé la place à des médecins, mais beaucoup de gens passaient encore leur vie ici, poursuit Bernard Antoniol. J'en ai connu. Paulette, une patiente internée à l'âge de 8 ans, est sortie la première fois de l'enceinte à 38 ans. Elle ne connaissait rien du monde extérieur, il a fallu lui apprendre tout. Et Marie-Louise, internée à l'âge de 20 ans, alcoolique, elle a fait la soupe aux internes jusqu'à la fin de sa vie. Elle est morte âgée, ici. »
Ce n'est plus le cas aujourd'hui. Les murs, s'ils sont toujours debout - les Bâtiments de France ont interdit qu'on y touche - laissent filtrer le monde extérieur. L'air circule, les malades étaient 1 500 jusque dans les années 70, ils sont 500 aujourd'hui, et les séjours sont beaucoup moins longs.
Pour autant, Charles-Perrens fiche encore la trouille. La folie et ses représentations. « Tout le monde a peur peut-être, mais c'est très ambivalent, note Bernard Antoniol. 25 000 patients sont vus ici dans l'année. Au moins une fois. On traite en urgences les chagrins d'amour, les ruptures, les disputes, le blues. Et la cellule d'urgence médico psychologique est alertée au moindre événement un poil médiatique… »
Le Professeur Bourgeois, signale que la médecine du cerveau sera présente dans l'enceinte de l'hôpital sous peu. « Il y a du chemin à parcourir… »
Balnéothérapie
Les traitements ? Bernard Antoniol, chef du service psychiatrie adulte, médecin à Charles-Perrens depuis 1973, se frotte le menton. « S'occuper d'eux était en soi un traitement. Il n'y avait pas de médicament avant le début des années cinquante. On essayait tout et surtout la balnéothérapie. Eau froide. Dans les années 30, la psychiatrie a connu des expérimentations, l'électrochoc, la lobotomie ou les injections d'insuline afin de provoquer des comas hypoglycémique ont été anecdotiques. Mais font partie du fantasme. La psychiatrie a toujours été une médecine complexe et fascinante. Une médecine de l'âme… »
Les gens vivaient et finissaient leur vie derrière les murs de l'asile. Conçu comme un lieu clos, fermé du monde et presque en autarcie. On cultivait les terres. Les médecins vivaient dans l'enceinte de l'hôpital, leurs enfants étaient gardés par des malades, lesquels faisaient leur cuisine ou le ménage. Les familles riches louaient une maison à l'un des leurs, atteint par une maladie psychiatrique. Ce dernier arrivait avec ses propres domestiques.
Après la guerre
« La rupture, les premiers changements sont intervenus après la dernière guerre, reprend Bernard Antoniol. Des médecins, choqués par les camps de concentration, ont réfléchi à cet enfermement et ont voulu ouvrir les portes. Cela a parfaitement coïncidé avec l'arrivée des psychotropes. Les médicaments ont été une révolution. Et on a pu commencer à envisager la sortie de certains patients. »
Dans les années 1970, l'ouverture de l'hôpital psychiatrique a été accompagnée par la sectorisation. Délocalisation de petites antennes de soins dans des secteurs géographiques. L'hôpital est allé vers le patient avec tout un dispositif.
« Pourtant à Charles-Perrens, les sœurs ont laissé la place à des médecins, mais beaucoup de gens passaient encore leur vie ici, poursuit Bernard Antoniol. J'en ai connu. Paulette, une patiente internée à l'âge de 8 ans, est sortie la première fois de l'enceinte à 38 ans. Elle ne connaissait rien du monde extérieur, il a fallu lui apprendre tout. Et Marie-Louise, internée à l'âge de 20 ans, alcoolique, elle a fait la soupe aux internes jusqu'à la fin de sa vie. Elle est morte âgée, ici. »
Ce n'est plus le cas aujourd'hui. Les murs, s'ils sont toujours debout - les Bâtiments de France ont interdit qu'on y touche - laissent filtrer le monde extérieur. L'air circule, les malades étaient 1 500 jusque dans les années 70, ils sont 500 aujourd'hui, et les séjours sont beaucoup moins longs.
Pour autant, Charles-Perrens fiche encore la trouille. La folie et ses représentations. « Tout le monde a peur peut-être, mais c'est très ambivalent, note Bernard Antoniol. 25 000 patients sont vus ici dans l'année. Au moins une fois. On traite en urgences les chagrins d'amour, les ruptures, les disputes, le blues. Et la cellule d'urgence médico psychologique est alertée au moindre événement un poil médiatique… »
Le Professeur Bourgeois, signale que la médecine du cerveau sera présente dans l'enceinte de l'hôpital sous peu. « Il y a du chemin à parcourir… »