La Vie
http://www.lavie.fr/religion/catholicisme/la-flagellation-est-elle-une-perversion-29-01-2010-2585_16.php
Mortification
La flagellation est-elle une perversion ?
Jean Mercier - publié le 29/01/2010
Les chrétiens peuvent-ils se livrer à cette pratique après tout ce que la psychanalyse nous a appris ? Le désir spirituel ne risque-t-il pas d'être perverti au service d'une toute-puissance narcissique pas très évangélique ? Deux psychanalystes catholiques donnent leurs avis.
Jean-François Noël, prêtre et psychanalyste, est réservé dans sa critique : "Attention à ne pas juger. Il est évident que toute souffrance que l'on voit chez l'autre nous scandalise, et d'abord parce qu'elle nous renvoie à une forme de culpabilité. C'est encore plus insupportable si quelqu'un s'inflige lui même une douleur corporelle pour Dieu. D'une certaine façon, nous nous lavons de notre culpabilité en accusant cette personne de masochiste. Mais alors nous sommes un peu pharisiens. Car les choses sont peut-être plus compliquées que cela. Je pense que la psychanalyse n'est pas forcement compétente pour sonder le mystère du lien qui existe entre un croyant et son Dieu. C'est une relation amoureuse, et comme dans toute relation amoureuse, cela échappe à une analyse clinique. Le psy n'a pas réponse à tout. Certains actes qui apparaissent pathologiques peuvent aussi, une fois scrutés en vérité, se révéler être porteurs d'un don très profond de soi. Le seul critère qui importe ici est de savoir si une telle pratique est au service de la pulsion de vie ou de la pulsion de mort. Le discernement doit porter là-dessus."
Geneviève de Taisne, psychanalyste mais aussi ouvertement catholique, met clairement en garde contre cette démarche : "Beaucoup de jeunes passent par des souffrances infligées à leur corps- comme les scarifications - pour ressentir ce qu'il sont dans la tête. Par analogie, des croyants peuvent avoir envie d'être en communion avec le Christ en ressentant sa souffrance, pour devenir alors « comme » le Christ. Mais on tombe alors dans la pensée magique. Je constate aussi que l'on peut s'infliger une douleur dans le but de s'autopunir de son péché. Mais cela s'assimile à la toute-puissance : il faudrait plutôt s'abandonner au pardon de Dieu. » La mortification, est, selon elle, encore d'actualité dans l'Eglise, et répond à des besoins spécifiques : "Je sais que l'autoflagellation est encore pratiquée dans certains couvents ou séminaires, et souvent pour dompter le désir sexuel. Mais alors, c'est une manière d'enlever sa pulsion, de la retourner en violence contre soi, au lieu d'essayer d'en faire quelque chose d'autre en la sublimant ou en s'y confrontant. Il y a une manière parfois très archaïque de dominer son corps, ou de passer par la souffrance pour se sentir humble." Endurer une souffrance selon certaines circonstances n'est pas du même ordre que de s'infliger une douleur volontairement. "Accepter d'être à genoux et d'avoir un peu mal dans les jambes lors d'une veillée d'adoration n'a rien à voir avec le fait de prendre un fouet pour se faire mal. Dans ce cas, on accepte de souffrir parce que l'on est dans un cadre particulier au service d'un acte liturgique" explique Geneviève de Taisne, qui ajoute : "Si je fais une marche en montagne vers un sommet, il y a un moment où je vais souffrir dans mon corps, mais le but est de parvenir au sommet, de jouir d'un bonheur. La souffrance fait partie du chemin, mais n'est pas voulue pour elle-même."
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Mortification
La flagellation est-elle une perversion ?
Jean Mercier - publié le 29/01/2010
Les chrétiens peuvent-ils se livrer à cette pratique après tout ce que la psychanalyse nous a appris ? Le désir spirituel ne risque-t-il pas d'être perverti au service d'une toute-puissance narcissique pas très évangélique ? Deux psychanalystes catholiques donnent leurs avis.
Jean-François Noël, prêtre et psychanalyste, est réservé dans sa critique : "Attention à ne pas juger. Il est évident que toute souffrance que l'on voit chez l'autre nous scandalise, et d'abord parce qu'elle nous renvoie à une forme de culpabilité. C'est encore plus insupportable si quelqu'un s'inflige lui même une douleur corporelle pour Dieu. D'une certaine façon, nous nous lavons de notre culpabilité en accusant cette personne de masochiste. Mais alors nous sommes un peu pharisiens. Car les choses sont peut-être plus compliquées que cela. Je pense que la psychanalyse n'est pas forcement compétente pour sonder le mystère du lien qui existe entre un croyant et son Dieu. C'est une relation amoureuse, et comme dans toute relation amoureuse, cela échappe à une analyse clinique. Le psy n'a pas réponse à tout. Certains actes qui apparaissent pathologiques peuvent aussi, une fois scrutés en vérité, se révéler être porteurs d'un don très profond de soi. Le seul critère qui importe ici est de savoir si une telle pratique est au service de la pulsion de vie ou de la pulsion de mort. Le discernement doit porter là-dessus."
Geneviève de Taisne, psychanalyste mais aussi ouvertement catholique, met clairement en garde contre cette démarche : "Beaucoup de jeunes passent par des souffrances infligées à leur corps- comme les scarifications - pour ressentir ce qu'il sont dans la tête. Par analogie, des croyants peuvent avoir envie d'être en communion avec le Christ en ressentant sa souffrance, pour devenir alors « comme » le Christ. Mais on tombe alors dans la pensée magique. Je constate aussi que l'on peut s'infliger une douleur dans le but de s'autopunir de son péché. Mais cela s'assimile à la toute-puissance : il faudrait plutôt s'abandonner au pardon de Dieu. » La mortification, est, selon elle, encore d'actualité dans l'Eglise, et répond à des besoins spécifiques : "Je sais que l'autoflagellation est encore pratiquée dans certains couvents ou séminaires, et souvent pour dompter le désir sexuel. Mais alors, c'est une manière d'enlever sa pulsion, de la retourner en violence contre soi, au lieu d'essayer d'en faire quelque chose d'autre en la sublimant ou en s'y confrontant. Il y a une manière parfois très archaïque de dominer son corps, ou de passer par la souffrance pour se sentir humble." Endurer une souffrance selon certaines circonstances n'est pas du même ordre que de s'infliger une douleur volontairement. "Accepter d'être à genoux et d'avoir un peu mal dans les jambes lors d'une veillée d'adoration n'a rien à voir avec le fait de prendre un fouet pour se faire mal. Dans ce cas, on accepte de souffrir parce que l'on est dans un cadre particulier au service d'un acte liturgique" explique Geneviève de Taisne, qui ajoute : "Si je fais une marche en montagne vers un sommet, il y a un moment où je vais souffrir dans mon corps, mais le but est de parvenir au sommet, de jouir d'un bonheur. La souffrance fait partie du chemin, mais n'est pas voulue pour elle-même."