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Articles, témoignages, infos sur la psychiatrie, la psychanalyse, la clinique, etc.

mardi 12 mai 2020

Un secret médical sous le poids du Covid-19

CHRONIQUE «AUX PETITS SOINS»

Par Eric Favereau — 
Le déconfinement bouscule les règles de fonctionnement de la médecine libérale, touchant au passage à ce principe cardinal de la pratique : le secret médical.
Le déconfinement bouscule les règles de fonctionnement de la médecine libérale, touchant au passage à ce principe cardinal de la pratique : le secret médical. Photo Maskot. Getty Images

L'équilibre n'est pas évident entre lutte contre une épidémie et secret médical absolu. Les syndicats de médecins et le conseil de l'ordre plaident pour une approche pragmatique et approuvent le plan du gouvernement.

Au départ, certains médecins étaient inquiets, avec cette vieille réticence de donner des informations médicales à des gens… de la Sécu. «C’est le sentiment qui nous remontait, mais je crois que les craintes ont été en grande partie levées», explique le DJacques Battistoni, qui préside le syndicat MG France, premier syndicat de médecins généralistes.
Le secret médical malmené ? Cette phase de déconfinement bouscule, en tout cas, les règles de fonctionnement de la médecine libérale, touchant au passage à ce principe cardinal de la pratique : le secret entre le malade et son médecin. «Ce lien est essentiel, mais on a une responsabilité, en termes de santé publique», précise le DBattistoni. «Si un de nos patients est infecté, on ne peut pas faire l’impasse sur son entourage et se contenter de dire que cela ne nous regarde pas. On a un souci de la population en général. C’est la même chose avec la détection d’un cas de méningite», poursuit-il. «On doit le signaler, c’est obligatoire, et on doit le faire nommément pour tout de suite pouvoir s’occuper de ceux qui l’ont côtoyé.»

Pandémie, ce qui a déjà changé 5 ÉPISODES (3 DISPONIBLES)

Depuis le début de l’année, la pandémie bouscule petit à petit tous les pays du monde, leurs habitant.e.s, les modes de vie, les économies, les écologies... Tous les domaines de la vie connaissent des bouleversements, parfois majeurs, parfois possiblement durables, voire définitifs.

TOUS LES ÉPISODES
13 MIN

LE 11/05/2020
Cette semaine, nous nous demanderons ce qui a déjà changé avec la pandémie. Et nous commençons aujourd’hui avec l’hôpital, qui s’apprête à un retour à...
14 MIN

LE 12/05/2020
Cette semaine, nous nous demandons ce qui a déjà changé avec la pandémie. Aujourd'hui nous parlons des relations humaines qui se sont retrouvées modifiées...


Sois mon corps, mon objet chéri

Le corps psychiatrisé écrit. Un corps parmi d’autres, cibles fétichisées des discours majoritairement produits dans le but de faire entendre les meilleures causes supposées, de défendre les moyens d'une vie vivable pour ces corps-là. Ce corps est l'objet de ces discours. C’est ce même objet qui s’autorise à parler, ici ou ailleurs.
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The Joker / Batman: Death of the Family © Snyder, Capullo, DC Comics
« L’objet qui parle » est la grimace d’un visage qui ne contient aucune sémiotique, un objet hyperbolique, rire de mort. Tout corps psychotique sait que l’« objet » fabriqué par la psychanalyse et la psychiatrie est un clown dont ce même corps performe le grotesque. La doctrine qui impose l’idée qu’il n’y a pas d’objet pour un corps psychotique, comme il n’y a pas de sujet parlant pour celui-ci, est inconsistante pour de tels corps. Truth lies beyond. L’objet, pour le corps psychotique, est comme l’œdipe pour le corps névrosé, une représentation incorporée au forceps. Ce n’est pas qu’il n’y a pas d’objet, c’est que l’idée même de cette chose est vide. Le corps psychotique n’a nul besoin d’objet pour se faire valoir en tant que corps, même par un manque dont il serait le sujet négatif. Il est autre, ailleurs. Il est xeno-objectum, comme il est xenomorphe. Le corps psychotique est un seuil de destruction où l’opposition entre extérieur et intérieur n’a aucune prise. Aucun soin préconisé de ce côté, sauf à adopter la correction normative et autoritaire afin d’incorporer cet objet étranger à son biotope. Ce que certain.e.s appellent la « guérison ». L’objet est une ventriloquie désirante du discours de l’autre qui prétend savoir.
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The Joker / Batman: Death of the Family © Snyder, Capullo, DC Comics

La catastrophe du Covid-19 dans les Ehpad

LES PIEDS SUR TERRE par Sonia Kronlund
Le 13/05/2020

Dans les Ehpad, la crise du Covid agit comme un révélateur du manque des moyens chronique auxquels font face ces établissements. Rencontre avec le fils d’une résidente décédée, un directeur d’Ehpad, qui a connu une hécatombe dans son institution, et une salariée en colère.
Deux résidentes d'un Ehpad à Montpellier pendant l'épidémie de Covid-19
Deux résidentes d'un Ehpad à Montpellier pendant l'épidémie de Covid-19  Crédits : Guillaume BONNEFONT - Maxppp
Gabriel Weisser habite dans le Haut-Rhin. Sa mère a été contaminée par le Coivd-19 en Ehpad. 
J'ai demandé aux médecins ce qu'il y aurait comme soins. Il m'ont répondu qu'il n'y aurait que des soins palliatifs, seulement un accompagnement vers la mort. 
Jusque dans le deuil, c'est la population qui doit prendre sur elle. 
Macron parle de retrouver des jours heureux...ma mère ne reviendra pas. Ma mère est morte pour des raisons ridicules de pénurie de masques et de tests. 
On découvre que gouverner c'est prévoir, et que le gouvernement n'a rien prévu. Je poursuivrai l'agence régionale de sante du Grand Est et dans un deuxième temps, je poursuivrai le ministère de la santé. Je veux qu'ils reconnaissent au moins leurs erreurs. 
Eric Lacoudre est directeur d'un Ehpad en Haute-Savoie. Le 2 mars, l'établissement est fermé et les soignants se mettent à porter des masques. 

Les neuroleptiques efficaces contre le Covid ?

Publié le 04/05/2020




Dans la lutte contre le coronavirus, les efforts sont tournés vers le repositionnement de médicaments déjà disponibles. Ainsi, plusieurs publications ont récemment suggéré l’intérêt des traitements neuroleptiques contre l’infection. Dans un article publié le 30 avril dans la revue Nature, Gordon et al. ont isolé 26 protéines du virus SARS-CoV-2 et identifié 332 protéines humaines ayant une forte affinité avec celles-ci. Ils ont ensuite sélectionné 69 molécules ayant pour cible ces protéines humaines (dont 12 sont déjà approuvées par la FDA) : autant de traitements potentiels de l’infection à coronavirus. L’efficacité in vitro de ces molécules a été testée sur des cultures virales, permettant d’identifier deux groupes de molécules ayant une action inhibitrice sur le virus : les inhibiteurs de la traduction de l’ARNm, et les régulateurs des récepteurs Sigma1 et 2. Dans ce dernier groupe, on retrouve l’hydroxychloroquine, mais également l’halopéridol, un neuroleptique connu depuis les années 1950 (1).

Autisme, psychiatrie et post épidémie : un enjeu de la protection sociale en 2020

En septembre 2013, j'écrivais dans Mediapart : « Autisme : l’enjeu de la protection sociale ». Je reviens sur ce sujet aujourd’hui, soulignant que dans le contexte de l’épidémie de Covid 19, dans le post confinement, les soignants de psychiatrie et les accompagnants des TSA (Trouble du Spectre de l'Autisme) ne doivent pas accepter un jour de plus la posture passée, menaçante ou méprisante, de certains représentants de l’État ou de ses agences. Mais pour cela ils doivent être capable de combattre leur propre corporatisme.

1. La protection sociale sera différente après cette crise sanitaire, pour le meilleur ou le pire 
Comme celle d'autres États, la réaction de la France à la crise sanitaire surprend. En mettant la vie des citoyens, d'abord les plus âgés, devenus improductifs et médicalement couteux, au-dessus d'impératifs économiques à court terme, ces États réalisent une première dans leur confrontation aux pandémies historiques. C’est inattendu : dans nos sociétés, crise et humanisme ne coexistaient pas quand le profit était menacé brutalement et directement.
Certes, l’humanisme est relatif : il n’a pas aboli des discriminations structurelles profondément enfouies. Par exemple, on a vu le privilège du sanitaire sur le médico-social : un libre accès à la réanimation pour les vieux du milieu ordinaire, ensuite ceux des EHPAD (quand leur situation apparut au grand jour), et enfin, on prit en compte les autres vulnérabilités du médico-social et de la santé, dont la psychiatrie. De ma place, j’ai mesuré chaque jour en direct ces oscillations : un accès aux tests et aux masques bien plus difficile pour le troisième et le plus bas niveau, le mien. Et la presse nous dit que ce fut, pour les prisons et les migrants, encore un cran au-dessous. Mais de ma place encore, j’observe que l’impulsion venue d’en haut a donné aux Agences Régionales de Santé, comme en Ile-de-France, une flexibilité capable d’épouser les besoins du terrain jamais vue auparavant. Paradoxalement, organiser des coordinations pour des « Situations Complexes » ne fut jamais aussi fluide.

Vie sociale et confinement: à l'hôpital de jour

VST, la revue du travail social et de la santé mentale des CEMEA réagit à l'actualité en recueillant des témoignages de professionnels actuellement sur les terrains. Comment les institutions s'organisent-elles pour faire face au coronavirus ? Quelles difficultés, mais aussi quelles inventions de la part des professionnels et des usagers pour maintenir une vie sociale … même en étant confinés ?
Logo VST © CEMEALogo VST © CEMEA

           VST à L'Hôpital de jour Santos-Dumont Paris

L’Hôpital de Jour Santos-Dumont accueille des adolescents et des jeunes adultes présentant des troubles du spectre de l’autisme. Le centre est un lieu de soins non sectorisé, accueillant des patients âgés de 14 à 24 ans, manifestant des symptômes autistiques, des troubles relationnels et psychiques.
Un des plus anciens hôpitaux de jour, le premier à Paris à accueillir des personnes autistes, créé en 1963. Le centre accueille vingt-cinq jeunes femmes et jeunes hommes à partir de quatorze ans et jusqu'à vingt-quatre ans. Vingt et un professionnels constituent l'équipe, des soignants, des éducateurs, une enseignante, une psychomotricienne, une assistante sociale, des secrétaires, une agente de service et des stagiaires. Le centre est ouvert du lundi au vendredi à la journée, fermé le week-end et sur une partie des vacances scolaires. Les jeunes qui le fréquentent résident à Paris ou dans la banlieue parisienne.
L’Hôpital de Jour Santos-Dumont a pour mission de proposer et de mettre en place pour les adolescents et jeunes adultes des soins en ambulatoire pluridisciplinaires et personnalisés, associés à un accompagnement éducatif et à des apprentissages pédagogiques. Ces soins, cet accompagnement et ces apprentissages sont donc élaborés avec les patients et familles et en concertation avec les divers partenaires de leur prise en charge.

Quand le déconfinement fait peur...

Par Antoine Marette   11/05/2020

Après les craintes liées au confinement, y aura-t-il une peur du déconfinement, des décompensations ? Alors que psychiatres, psychologues et psychothérapeutes ont notamment observé ces dernières semaines une très forte baisse des passages aux urgences et demandes de consultations, avant une reprise.
"Tout se passe comme si le Covid avait pris la place de toutes les pathologies quelles qu’elles soient. Comme si une espèce de chape avait envahi toute la pathologie. Tout le reste est passé en dessous" explique une professionnelle.
"Tout se passe comme si le Covid avait pris la place de toutes les pathologies quelles qu’elles soient. Comme si une espèce de chape avait envahi toute la pathologie. Tout le reste est passé en dessous" explique une professionnelle. Crédits : Klaus Vedfelt - Getty
Pendant huit semaines, les Français ont vécu les contraintes du confinement, avec plus ou moins de bonheur. Beaucoup en ont souffert. Certains y ont trouvé leur compte. Le télétravail a autonomisé de nombreux salariés qui ont parfois pris goût à cette forme d’autogestion. Le foyer a pu se transformer en cocon rassurant, à l’abri des contraintes et des pressions du monde extérieur. Se déconfiner, c’est rompre avec ce temps suspendu, ces habitudes parfois prises… C’est aussi peut-être la porte ouverte à des déceptions, car le déconfinement ne sera pas forcément à la hauteur des attentes. 

Où sont passés les patients ?

La surprise est de taille chez les psychiatres, psychologues et psychothérapeutes : au début du confinement, les patients ne se sont pas bousculés, malgré les nombreuses lignes téléphoniques mises à leur disposition et la possibilité de téléconsultations… L’offre s’est adaptée aux circonstances exceptionnelles, et pourtant, force est de constater que la demande n’a pas suivi, au moins dans un premier temps. Mathilde Brageot qui est psychiatre et addictologue à l’hôpital Tenon (Paris XXe) le confirme : "La majorité des patients sont désormais suivis par téléphone. Beaucoup n’osent plus venir, pour ne pas déranger, et surtout, pour ne pas être en contact potentiel avec le virus. Aux urgences, on a constaté un moment qu’il n’y avait plus du tout de passage, mais ça a repris", relativise-t-elle. Elisabeth Sheppard, psychiatre et présidente de la commission médicale d’établissement, confirme une très forte baisse des passages aux urgences et des demandes de consultations, que ce soit pour la psychiatrie des enfants, des adultes, ou des adolescents : "Tout se passe comme si le Covid avait pris la place de toutes les pathologies quelles qu’elles soient. Comme si une espèce de chape avait envahi toute la pathologie. Tout le reste est passé en dessous". 
Le constat est également net du côté de Gérard Hugeron. Ce psychologue clinicien et psychothérapeute de Rennes intervient notamment sur la plateforme d’écoute mise en place par la ville : "Mes patients se sont globalement peu manifesté pendant le confinement, ce qui a été une surprise. Certains patients ont pris de mes nouvelles mais peu ont manifesté des difficultés particulières. L’une m’a même dit : 'C’est le meilleur moment de ma vie, je n’ai jamais été aussi bien !'". Selon lui, il y a une logique derrière cette apparente contradiction : "Nos patients ne sont pas toujours très à l’aise dans la vie de dehors. Ce sont parfois des phobiques sociaux qui rencontrent des difficultés à sortir dans différents lieux, y compris au travail, et qui ont pu éprouver du soulagement au moment du confinement". Le confinement agirait donc chez les personnes en souffrance comme une sorte de cocon rassurant. Cette illusion d’une harmonie entre son monde intérieur et le monde extérieur pourrait-elle voler en éclats avec le déconfinement ? : "Je fais l’hypothèse que toutes les personnes qui ont des pathologies chroniques, qui semblent avoir disparu des radars, vont réapparaître". 

« Je tombe d’épuisement pendant qu’il regarde des séries » : le confinement a aggravé les inégalités hommes-femmes

Loin de contribuer à une répartition plus égalitaire des tâches ménagères, la crise sanitaire exacerbe les inégalités à la maison et au travail.
Par  Publié le 11 mai 2020
COLCANOPA
Le soulagement fut de courte durée. Lorsque, une semaine après le début du confinement, son conjoint ingénieur est passé au chômage partiel, Cécile espérait qu’il l’aide à la maison. « Il en fait un peu plus depuis que nous sommes tous les deux en télétravail, raconte cette mère de deux garçons en maternelle. Mais je continue de gérer l’essentiel : les courses, les repas, les devoirs, le jardin, les profs, les angoisses des proches… »
La journée, elle peine à se concentrer sur son travail. « Quand je souligne l’inconfort de ma situation, il demande de quoi je me plains. » Au fil des jours, l’incompréhension s’est installée dans leur couple. Trop souvent, elle a le sentiment que son compagnon sous-estime la charge de travail supplémentaire pesant sur ses épaules. « Je sacrifie ma carrière, mon temps, confie-t-elle. Et je tombe d’épuisement pendant qu’il regarde des séries. »

Contre la casse de l’hôpital public au Vinatier

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10 mai 2020

Fermetures de lits, coupes budgétaires, flux tendus ; c’est le quotidien de centaines de soignants au Centre Hospitalier du Vinatier à Bron (Lyon), le deuxième plus grand hôpital psychiatrique de France. Les restructurations et mesures d’économies vont bon train, même en cette période intense et les équipes luttes quotidiennement contre ces décisions contre-productives. Entretien avec une soignante, réalisé le 26 avril.



Avec la crise sanitaire il devient évident que les hôpitaux ont besoin de lits, peux-tu nous expliquer comment la direction justifie les fermetures ?
Ils présentent ça comme une manière de préserver les équipes. La fermeture de certaines unités leur permet de créer une réserve, c’est-à-dire des soignants qui attendent chez eux en pyjama qu’on les appelle dans le cas d’une vague de COVID-19 chez les patients.
Cela permettrait également, selon la direction, d’anticiper la vague de départ en congé des étudiantes en soin infirmier à la fin avril, ce qui viendra fortement réduire le nombre de soignants dans les équipes. Moins d’unités à gérer pour moins de soignants.
De plus, ces fermetures de lits classiques sont compensées dans les chiffres, par l’ouverture de lits spécialement COVID – aujourd’hui on en est à 120 ouverts. Mais dans les faits, seulement une dizaine ont été utilisés au plus fort de la crise. On a même dû en fermer certains pour rouvrir des lits pour les patients non contaminés qui manquaient de place.
Et comment les soignants voient-ils ces fermetures ?
Pour nous, c’est juste la poursuite du plan d’économie mis en place avant la crise sanitaire. Ils en profitent pour fermer des unités en plus de celles qui doivent déjà sauter dans les plans d’économies. La direction nous dit qu’elles vont rouvrir après, mais on en doute.
Ensuite, la création de réserve, dans les faits, c’est des économies pour la direction. Quand tu es en réserve, tes RTT sautent, tes indemnités de jours fériés sautent, la prime annuelle saute, en bref, tu es payé le minimum possible, alors que tu travailles (ou pas) avec les contraintes de l’astreinte.

Seuls ceux qui sont en télétravail bénéficient encore de tous leurs droits. Même un soignant qui a été mis de côté par la médecine du travail, car « à risque » en cas de contamination, voit ses droits disparaître.